Conférence internationale sur le sida

La prévention, l’autre front de la lutte contre le VIH

La 22e Conférence internationale sur le sida s’ouvre aujourd’hui à Amsterdam. La « prophylaxie pré-exposition » sera au cœur des cinq jours de présentations. La Presse s’est entretenue avec deux spécialistes montréalais qui font le voyage aux Pays-Bas : Réjean Thomas, de la clinique L’Actuel, et Jean-Pierre Routy, de l’Université McGill.

La PrEP, c’est quoi ?

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) consiste à prendre un médicament antirétroviral pour prévenir l’infection au VIH. Elle est utilisée par les couples sérodiscordants, dans lesquels un partenaire est infecté et l’autre non, et par les personnes pouvant avoir des comportements à risque, par exemple des rencontres sexuelles non protégées avec plusieurs inconnus dans la même soirée ou qui partagent des seringues. 

« Entre 3000 et 4000 personnes au Québec sont sur la PrEP de manière permanente ou temporaire. [...] La PrEP est sous-utilisée, il devrait y avoir 20 fois plus de patients qui la suivent. On estime que de 30 % à 40 % des gais devraient être sous PrEP, et j’ai déjà entendu le chiffre de 100 000 gais au Québec. » 

— Le Dr Réjean Thomas, de la clinique L’Actuel

Prochain défi

Le prochain défi sera l’utilisation de la PrEP dans les pays pauvres. « En Afrique, 2500 jeunes femmes de 15 à 20 ans deviennent séropositives chaque semaine. Est-ce que ça veut dire que toutes les jeunes femmes doivent être sur la PrEP ? Cela dit, le traitement, jusqu’il y a un an, coûtait 1000 $ par mois, et maintenant, on en est à 280 $ pour les génériques. Et au Royaume-Uni, les génériques ont baissé à 50 $. Mais la PrEP demande beaucoup de ressources médicales, de suivi, de bilans sanguins », affirme le Dr Thomas. 

Le VIH en chiffres

75 500 Canadiens étaient séropositifs en 2014

68 800 Canadiens étaient séropositifs en 2011

16 000 Canadiens séropositifs l’ignoraient en 2014

Source : CATIE

Montée des autres infections

Les progrès de la lutte contre le sida en ont amené plusieurs à baisser la garde, particulièrement chez les jeunes. Les cas de gonorrhée ont presque doublé, à 4000, entre 2010 et 2015 au Québec ; ceux de chlamydia ont augmenté de 40 %, à 24 500 ; et la syphilis, pratiquement disparue au tournant du millénaire, fait un retour avec 740 cas en 2015, selon le ministère provincial de la Santé. « C’est sûr que c’est un problème lié aux succès de la lutte contre le VIH, dit le Dr Thomas. Les porteurs vivent maintenant très longtemps. Mais c’est le mauvais côté d’une bonne nouvelle. Si on avait un vaccin contre le VIH, c’est sûr qu’on s’en servirait. Avec la PrEP, on voit les patients plus régulièrement et ça nous donne l’occasion de faire de l’éducation pour les infections transmises sexuellement. On voit aussi des gens qu’on ne verrait jamais, et qui, après un diagnostic d’ITS, réalisent qu’ils doivent faire attention. »

Inflammation

Jean-Pierre Routy, de McGill, présentera de nouveaux résultats dans deux domaines à Amsterdam. « Nous avons trouvé un marqueur sanguin associé à des infections chez les séropositifs par des champignons qui habitent le côlon et peuvent passer dans le sang parce que le VIH abîme la barrière digestive, dit le Dr Routy. On savait déjà que les bactéries peuvent passer et sont associées à une augmentation de plusieurs maladies, cardiovasculaires, des reins, neurologiques, auto-immunes, des troubles de la mémoire. Notre deuxième présentation porte sur l’analyse des souches de virus présentes dans le sang et les testicules de patients d’une clinique qui ont changé de sexe, ce qui fait qu’on a pu analyser leurs testicules. Dans cinq des dix cas, le virus dans les testicules n’était pas le même que dans le sang. Alors ce n’est pas une bonne nouvelle pour le vaccin. »

Dangers

Une séance d’informations et une conférence de presse porteront à la fin de l’évènement sur le resserrement du financement américain sur le VIH, notamment l’exclusion des ONG abordant le thème de l’avortement. L’autre danger, selon le Dr Thomas, est que les souches de VIH résistantes aux antirétroviraux se propagent dans les pays pauvres. « Souvent, il n’y a pas d’argent pour les tests de résistance. »

 

« Une des plus belles choses de Bush fils, et qui n’est pas très connue, c’est la quantité d’argent qu’il a consacrée à la lutte contre le VIH en Afrique. Obama a continué, mais ce qu’on entend, c’est que ce financement est en péril. Depuis deux ou trois ans, le nombre de nouveaux cas a cessé de diminuer, on semble avoir atteint un plateau, probablement parce qu’on manque d’argent. »

— Le Dr Jean-Pierre Routy

Traitements alternatifs

Mercredi, le grand manitou de la lutte contre le VIH aux États-Unis, Anthony Fauci, qui dirige l’Institut national des maladies infectieuses et des allergies (NIAID) du gouvernement américain, parlera des progrès des solutions de rechange aux antirétroviraux. « On parle de guérison fonctionnelle, dit le Dr Thomas. Pour le moment, si on arrête les antirétroviraux, après deux semaines, la charge virale redevient détectable et on recommence à zéro. L’idée serait de trouver une manière de booster le système immunitaire et qu’on puisse rester trois mois, six mois, voire un an sans prendre d’antirétroviraux. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.