Transfert d’entreprise

L’étincelle entrepreneuriale : c’est de famille!

Lanaudière, 1951. Claude Harnois, 16 ans, monte à bord du camion de son père pour réaliser sa première livraison aux fermes du coin. Pendant sept ans, il ne reçoit aucun salaire… mais il bâtit un réseau de clients d’une valeur inestimable. Puis une offre de la British American Oil vient attiser sa flamme entrepreneuriale. Une génération plus tard, Harnois Énergies forme un véritable empire aux quatre coins du Québec avec près de 900 employés, le tout sous la direction de Serge Harnois, fils de Claude. Entrevue avec le fondateur et son fils Serge, président et chef de la direction, réalisée par Martine Collins et Sébastien Bellemare de PwC Canada qui sont respectivement directrice principale du Développement des affaires et associé en certification.

Martine Collins — PwC

À quoi ressemblait le contexte avant le transfert de votre entreprise ?

Claude Harnois

Jusque dans les années 1980, notre principale source de revenus était l’huile à chauffage [mazout]. On avait des ententes avec les constructeurs de maisons neuves : eux installaient la fournaise, on la mettait en marche, puis les gens achetaient notre mazout. Mais quand le gouvernement a commencé à subventionner le chauffage électrique, les nouvelles habitations ne chauffaient plus à l’huile. J’ai dit à mes enfants d’aller à l’université, de faire autre chose, car je ne voyais pas d’avenir pour eux dans l’entreprise.

MC

Comment vos enfants ont-ils finalement joint l’entreprise ?

CH

Rendus en 1986, on s’était diversifiés avec un réseau d’une trentaine de stations-service. Il fallait s’informatiser : mon fils Luc, qui terminait ses études, est venu me donner un coup de main avec ça. Il n’est jamais reparti !

Serge Harnois

Moi, j’ai commencé comme répartiteur : je recevais les appels, je donnais le travail aux chauffeurs de camion… Puis Luc m’a confié progressivement les tâches qu’il aimait le moins — comme les ventes — pour se concentrer sur l’administration et les finances.

Dans les années 1990, les stations-service avaient des programmes de marketing élaborés, avec des promotions et des articles gratuits. Nous aussi, on voulait ça pour demeurer compétitifs : notre sœur Claudine avait le profil parfait pour s’en occuper.

Sébastien Bellemare — PwC

À quel moment avez-vous transféré l’entreprise à vos enfants ?

CH

Il n’y avait jamais eu de vente officielle. J’avais 60 ans quand le comptable a recommandé que mes actions dans l’entreprise soient transférées aux enfants.

SH

Mon père a pris sa retraite progressivement. Quand je suis arrivé en 1989, il n’avait déjà plus de bureau : il gérait l’entreprise à distance en Floride. La transition s’est faite naturellement.

SB

Comment avez-vous défini les rôles de chacun ?

SH

Quand l’entreprise est devenue plus grosse, il commençait à y avoir des malentendus. On se contredisait dans nos directives ; ça devenait confus… On s’est rencontrés et on s’est demandé : « Tu te vois où, dans cinq ans ? Où vois-tu les deux autres actionnaires ? » On avait tous exactement la même vision : moi comme directeur général, Luc comme administrateur, et Claudine au marketing et aux ressources humaines.

SB

Quel a été le plus gros défi en reprenant l’entreprise ?

SH

Le contexte a complètement changé. Jusqu’en 1990, il n’y avait pratiquement pas d’investissement à faire dans l’entreprise et on dégageait de grosses marges, de gros profits.

CH

Mais des mines d’or inépuisables, ça n’existe pas…

SH

Exact. Au début des années 1990, il a fallu transformer les stations en dépanneurs et diminuer nos coûts. Il y a eu une guerre de prix et nos marges ont fondu. Ça a été difficile pendant deux ou trois ans, puis ça s’est replacé.

MC

Aujourd’hui, de quoi êtes-vous le plus fiers ?

SH

D’une petite entreprise solide financièrement — mais risquée parce que très concentrée —, on est devenus gros dans beaucoup de secteurs. Notre territoire est provincial ; on s’est diversifiés dans les lubrifiants ; on développe le propane, l’hydrogène, le carburant pour les avions… Pour un indépendant du Québec, on est très bien positionné pour affronter d’éventuelles périodes difficiles.

SB

Comment préparez-vous la prochaine relève de l’entreprise ?

SH

J’encourage mes enfants à faire ce qu’ils veulent dans la vie, ce qui va les rendre heureux. Si c’est dans l’entreprise, tant mieux, mais il ne faut pas que ce soit juste pour l’argent. Quand moi je suis arrivé, on était 12 employés ; là, on est plus de 900. C’est bien plus intimidant ! Mes enfants sont encore jeunes pour ça, et je pense qu’il faudra un directeur général avant eux pour assurer la transition.

MC

Pourquoi avoir accepté d’être président d’honneur du concours Les Médaillés de la relève 2019 ?

SH

Beaucoup de baby-boomers voudront vendre leur entreprise, mais je m’attends à voir plus d’occasions d’affaires que d’acheteurs. Les jeunes qui sont prêts à relever ce beau défi pour assurer la relève méritent qu’on les appuie au maximum.

Le concours Les Médaillés de la relève en est à sa 13e édition cette année.

L’événement souligne le travail des entreprises qui ont réussi leur relève dans divers domaines, tout en permettant aux lauréats de témoigner de leur expérience et, parfois, de leurs secrets.

Restez à l’affût pour avoir plus de détails au sujet du concours Les Médaillés de la relève et pour apprendre comment la communauté d’affaires du Grand Montréal soutient les entrepreneurs d’ici qui souhaitent passer le flambeau ou reprendre une entreprise.

+ VISITEZ le site du concours Les Médaillés de la relève

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