La maladie du mensonge
Il arrive à tout le monde de ne pas dire la vérité. « Non, je n’ai pas de devoirs. » « Oui, j’ai brossé mes dents. » « Non, merci, je n’ai pas faim » (en voyant une tranche de foie de veau). Ça vous dit quelque chose ? On ne vous en félicitera pas, mais peut-on dire que vous souffrez d’une maladie pour autant ? Bien sûr que non ! « Mentir n’est pas une maladie, nous dit le psychiatre Gilles Chamberland. Ça peut même être bénéfique si c’est pour sauver la vie de quelqu’un ! Je ne dis pas que c’est bien de mentir, mais certains diront que si c’est dans le but de faire le bien, ça se discute. »
Il reste que dans certains cas, il y a des gens qui mentent de façon compulsive. Tout le temps ! On dit qu’ils sont mythomanes, qu’ils s’inventent un monde qui ne correspond pas à la réalité. On les appelle aussi des fabulateurs. « On parle de gens qui vont mentir, mais sans nécessairement avoir un but, nous dit le Dr Chamberland. Le mensonge devient une fin en soi. C’est un besoin, une pulsion. Un peu comme les cleptomanes, qui vont voler des objets qu’ils possèdent souvent déjà en double ou en triple. Dans ces cas, il n’y a pas d’avantage à mentir ou à voler. »
Le chef cuisinier Giovanni Apollo, qui possède plusieurs restaurants à Montréal, n’est pas né en Italie comme il le prétendait. Ce n’était pas lui qui apparaissait sur la photo « familiale » accrochée au mur de son resto de Québec. Ses parents sont d’origine italienne, mais il est né en France. Il s’appelle Jean-Claude et non Giovanni. Contrairement à ce qu’il a dit, il n’a jamais été l’élève du grand chef français Paul Bocuse. Il a aussi vendu ce qu’il disait être de la viande de gnou alors que c’était du cheval ou fait croire que ses crabes venaient d’Afrique alors qu’ils venaient de chez Club Price.
« Ce sont des gens qui ont l’impression, plus ou moins consciemment, qu’ils n’ont pas une grande valeur, explique le Dr Gilles Chamberland. Des gens qui manquent de confiance. Le besoin de mentir vient alors d’un désir de se mettre en valeur. Ou alors ils vont mentir pour se protéger, pour couvrir des choses qui sont normales, mais qu’ils ne veulent pas qu’on sache. Ils pourraient ne pas mentir, mais ils le font quand même. »
Les psychiatres et psychologues ne sont pas autorisés à faire des diagnostics à distance. Ils voudront d’abord rencontrer la personne concernée avant de se prononcer. Mais selon le Dr Chamberland, les mensonges de Jean-Claude Apollo semblaient viser à lui donner un statut qu’il n’avait pas. « Oui, c’est possible de romancer sa vie ou d’en embellir des aspects sans être un menteur compulsif, mais à mon avis, ce cas-ci ne relève pas du domaine de la psychiatrie. Je ne dis pas que c’est ça, mais on s’approche de la fraude et de la fausse représentation. »
« Si on parle de mensonge utilitaire, de gens qui mentent pour obtenir des gains, pour éviter des choses, pour frauder, pour exploiter d’autres personnes, le traitement est purement comportemental, croit le Dr Chamberland. Il faut que les conséquences [négatives] les convainquent de ne plus mentir. Ceux qui ne le font pas dans le but de faire un gain devraient sans doute consulter un psychologue. Mais dans ce cas, il faut qu’il y ait une certaine souffrance pour consulter. Sinon, ces personnes vont simplement continuer à mentir. »
Parfois, on ment pour ne pas blesser les gens qui nous entourent ou pour leur faire une surprise – parce qu’on les aime ! Ce ne sont pas des mensonges qui ont des conséquences fâcheuses, au contraire. Quand on vous demande si vous avez aimé votre repas, si vous répondez « oui », même si ce n’était pas le meilleur repas de votre vie, personne ne vous accusera d’être un menteur. On dira même que vous avez été poli, même si certains diront que vous n’avez pas été tout à fait honnêtes, votre intention était bonne.
Catch Me If You Can
Ce film de Steven Spielberg sorti en 2002 est inspiré de l’histoire de l’Américain Frank Abagnale, qui, avant même d’avoir 19 ans, s’était fait passer pour un pilote d’avion, un médecin et un avocat. Il était également passé maître dans la contrefaçon de chèques. Il était tellement habile que la police fédérale américaine (le FBI) s’est tournée vers lui pour qu’il l’aide à arrêter d’autres fraudeurs connus. C’est Leonardo DiCaprio qui tenait le rôle principal dans ce film qui a connu un énorme succès.