Héros dans leur mission d’humoriste

Qualifiez-moi d’utopiste. J’aime rêver. Et j’adore mon métier. J’en ai fait une mission : changer le monde, un enfant à la fois.

Par des ateliers portant sur l’estime de soi, visant donc à aider l’autre à prendre conscience de sa valeur personnelle, je tente de communiquer aux jeunes le fait qu’ils sont fantastiques dans leurs imperfections, et faire la preuve que l’école, malgré ses travers, est un lieu magnifique.

Le sourire en coin, les enfants me traitent souvent d’extraterrestre, ce que j’apprécie puisque cela me prouve qu’on gagne à être différent. Dans un monde où l’attention est mise à rude épreuve, particulièrement en présence de préadolescents ou d’adolescents, ce qui me permet de me distinguer est l’humour dont je parsème mes animations.

« Es-tu humoriste ? » est certainement l’un des commentaires les plus appréciés après une rencontre.

Non, je ne suis pas humoriste, au sens commun, je n'ai jamais fréquenté une école d’où sortent les plus grands d’entre eux. Mais je sais, et je sens, qu’un message constructif, valorisant, et qui prend source dans les fondements de l’estime personnelle, passe beaucoup mieux quand le rire est de la partie. S’amuser, c’est bien, s’instruire est essentiel ; mais apprendre tout en étant diverti, j’ai la conviction que nous frôlons, à cet instant, ce qui est à la base de la motivation, entre autres scolaire.

Cet humour, je l’ai développé en partie en étant inspiré par ceux qui sont maîtres dans l’art de faire rire. Dans ce domaine, mes préférés sont ceux qui me font réfléchir, m’inspirent, me font sentir bien et prolongent mes sourires bien longtemps après la chute du rideau.

Ces héros de l’humour me parlent droit au cœur, à force d’anecdotes, d’ironie, mais aussi de dénonciations et d’un regard différent sur notre monde. L’humoriste, à mes yeux, sait créer et se recréer pour avancer et faire avancer. Ces femmes et ces hommes, adulés avec raison, élèvent notre conscience et notre sensibilité à des niveaux supérieurs.

À juste titre, l’évolution prend naissance dans cette liberté, d’expression ou autre, que nous défendons tous avec vigueur. Je ne connais pas la vôtre, mais ma liberté personnelle est au service de ma mission.

ACTEUR DE CHANGEMENT

Notre société étant en carence flagrante de héros, j’essaie, à ma façon, d’incarner cet acteur de changement auprès de notre jeunesse. N’ayant pas d’enfant de sang et d’ADN, je me plais à considérer tout un chacun – enfants et ex-enfants compris ! – comme ma propre famille. Parler à l’enseignant avant chaque animation en classe. M’enquérir des différences de chacun. Retenir le prénom des plus stigmatisés, intimidés, rejetés, et me lancer le défi d’arriver à modifier la perception de leurs camarades sur ces pairs fragilisés. Succès à tout coup ? Bien sûr que non. Mon bonheur réside dans la tentative.

Mais je suis utopiste. Et je sais qu’il y a de plus en plus d’enfants qui ne se sont jamais fait dire « Je t’aime ».

Qui ne connaissent pas ce qu’est un câlin. À qui on n’a jamais crié « champion ! » du haut d’une estrade. Qu’on n’a jamais applaudis après une prestation, même moyenne. Des jeunes à la recherche d’un héros, un seul, qui saura poser sur eux un regard bienveillant, réaliste, en accord avec l’adage des Africains, affirmant qu’il faut tout un village pour élever un enfant.

En cette période de l’année où le rire attire les foules, j’en profite pour offrir toute ma reconnaissance à ces grandes et ces grands de l’humour, qui ont su voir le mot Héros dans leur mission d’Humoriste. Vocation si prestigieuse et agréablement contaminante, surtout aux yeux de nos enfants.