La longue agonie de Weber
Au cours de cette saison 2017-2018 à oublier, Shea Weber a fait 796 présences sur la patinoire pendant des matchs. Il était en santé pour les 16 premières. Pour les 780 suivantes, chaque fois qu’il foulait la glace, il le faisait sur un pied cassé, un tendon déchiré, et peut-être un peu des deux en même temps.
Alors, c’était comment de jouer dans cet état ?
« Ça t’affecte dans tous les aspects : quand tu tires, quand tu patines. Ce n’est pas comme si tu pouvais l’ignorer complètement. À chaque jeu, je devais composer avec ça. »
Weber a rencontré hier les médias pour la première fois depuis la mi-décembre, quand sa blessure à une cheville l’a forcé à prendre une pause. Pause qui ne s’est finalement jamais terminée, et qui a débouché sur une opération le 13 mars.
Sa présence nous a permis de relier les points afin de mieux comprendre ce qui a pu se passer avec « l’homme-montagne », dont la perte fait partie des éléments d’explication de la déroute du CH cette saison.
Le 5 octobre dernier, à Buffalo, il y a 11 minutes écoulées en deuxième période quand Weber est atteint par un tir de Jack Eichel qui semble bien routinier. Ales Hemsky vient d’écoper d’une pénalité et le Tricolore se défend à quatre contre cinq. Weber vient tout juste de commencer sa présence, qui va durer 2 min 6 s, un temps anormalement long. C’est que Max Pacioretty va ensuite être chassé lui aussi, forçant le CH à se défendre à trois contre cinq. La douleur n’empêche pas Weber de jouer 29 min 30 s ce soir-là, son sommet cette saison.
Weber subit des radiographies, qui ne révèlent pas de fracture. Le lendemain, le Canadien s’entraîne à Washington, en vue du match du 7 octobre, et Weber n’y est pas. L’équipe parle alors d’une simple « journée de traitements ». Évidemment, le fait qu’une telle journée survienne au lendemain du premier match constitue un premier signal d’alarme. Weber est toutefois de retour à son poste le lendemain, et disputera les 16 premiers matchs de la saison, avant de s’absenter le 9 novembre contre le Wild du Minnesota, pour une blessure au bas du corps. « C’était autre chose », a dit Weber, vague.
Deux semaines plus tard, Weber prend une première « vraie » pause et rate six matchs, du 21 au 30 novembre. L’équipe s’en tire avec une fiche de 4-1-1, mais trois des victoires sont enregistrées contre les pauvres Sabres de Buffalo, Red Wings de Detroit et Sénateurs d’Ottawa. Weber revient au jeu le 2 décembre, à l’occasion d’un triomphe de 10-1 du CH sur les Wings. « J’ai eu une injection. C’était douloureux, c’est évident. J’essayais de jouer malgré ça et d’aider l’équipe. Tout le monde joue malgré des blessures au quotidien. Mais il y avait quelque chose de plus que la douleur, mon corps essayait de me dire quelque chose. »
Le retour de Weber durera finalement six matchs. Le dernier de ces six duels : le match en plein air du 16 décembre à Ottawa, par un frisquet - 10 degrés en début de match. Le Canadien s’envole ensuite vers Vancouver pour son voyage annuel dans l’Ouest canadien. « Je ne crois pas que le fait d’avoir joué en plein air a empiré mon cas. Je crois que c’est surtout d’avoir constamment joué sur la fracture qui a fait empirer ça. Ce n’était pas seulement ce match. On avait deux jours avant le match à Vancouver, et je pensais que j’allais pouvoir jouer. J’ai pris du repos, mais il n’y avait aucune amélioration. » Le 18 décembre, l’entraîneur-chef Claude Julien annonce que Weber est renvoyé à Montréal pour être examiné.
En plus du médecin à Montréal, Weber sollicite une deuxième opinion à Toronto, en janvier. Ce médecin l’envoie rencontrer un spécialiste à Green Bay, qui a finalement effectué l’opération du 13 mars. C’est une déchirure à un tendon qui l’incommode. Comment un pied fracturé par une rondelle peut-il dégénérer en des tendons déchirés ? « C’est dur à dire, honnêtement. Même le chirurgien avait de la difficulté à répondre. Il semble que la fracture pourrait avoir endommagé le tendon, mais c’est dur à dire. »
« J’ai joué en dépit de fractures auparavant. Si on m’avait dit dès le départ que j’avais une fracture, je n’aurais rien fait de différent. J’aurais joué tant que j’en étais capable. C’est malheureux que ça ait finalement empiré. »
— Shea Weber
Quand Weber a été opéré, le Canadien a annoncé une convalescence de six mois. Il y avait lieu de se demander s’il serait prêt à temps pour le camp d’entraînement. Il semble finalement qu’il le sera. « Je ne crois pas que ça fasse une grande différence dans ma préparation estivale, parce que l’opération a été faite assez tôt. Quand j’aurai le feu vert, je pourrai commencer ma réadaptation et en faire le plus possible. […] Il n’y a jamais de certitudes, mais mon plan est de recommencer à patiner avant le camp. » Pour l’heure, Weber ne peut pas mettre de poids sur son pied gauche, mais espère pouvoir le faire d’ici une semaine ou deux. Il se déplace à l’aide d’un petit engin à roues qui soutient son genou gauche et porte une botte protectrice, qu’il prévoit enlever dans six semaines.
Un fait demeure : Weber a tout fait pour masquer tout signe de douleur. Il a continué à bloquer des tirs des adversaires, même que sa moyenne cette saison (2,3 tirs bloqués par match, 59 en 26 matchs) est la plus élevée de sa carrière ! Offensivement, il a produit à son rythme habituel, amassant 6 buts et 10 passes pour 16 points en 26 matchs. Il n’en était pas à une première expérience du genre. « Je me suis fracturé la cheville en 2010, mais j’ai joué malgré tout », a-t-il raconté, de la façon la plus banale qui soit. « Tout le monde joue blessé, tout le monde a ses problèmes en cours de saison. La dernière chose que tu veux faire, c’est de justifier ton rendement parce que tu es blessé. C’est ce que j’ai appris quand j’étais jeune, de jouer malgré les blessures, et je pense que plusieurs athlètes professionnels le font. »