PSYCHOLOGIE

Les mauvaises nouvelles, c’est stressant !

Attention aux mauvaises nouvelles, ça pourrait gâcher votre journée. « L’exposition à de mauvaises nouvelles a un lien direct avec le stress que nous vivons », dit Sonia Lupien, directrice scientifique au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et directrice du Centre d’études sur le stress humain. Elle fait une mise en garde contre l’impact des nouvelles négatives sur la réactivité au stress, surtout chez les femmes.

Notre cerveau est un détecteur de menaces ?

Oui, le cerveau est un détecteur de menaces, c’est son travail. Dès qu’il va détecter une menace, il va produire une réponse de stress, qui va nous amener à produire des hormones de stress, qui vont nous donner l’énergie dont on a besoin pour survivre : combattre ou fuir. C’est un système qui a aidé à la survie de l’espèce : être capable de mobiliser l’énergie pour survivre. 

Que se passe-t-il quand on lit une mauvaise nouvelle ?

Je me souviens que j’étais en train de lire mon journal un matin, à l’époque de la disparition de la petite Cédrika Provencher, qui avait l’âge de ma fille. Il y avait des interrogations sur le sujet, du genre : allons-nous la retrouver violée, assassinée ? En lisant cela, j’ai senti en moi une vraie réponse de stress, et je me suis dit : tiens, tiens, est-ce qu’il se pourrait que lorsqu’on lit de mauvaises nouvelles, on produise des hormones de stress parce que notre cerveau détecte une menace ? Je commence à comprendre pourquoi nous en produisons autant… Et j’ai cette chance de pouvoir faire des études dans mon laboratoire sur des choses qui me dérangent.

Vous avez donc fait une étude sur l’effet des nouvelles négatives ?

L’étude, qui date de 2012, dont les médias n’ont pas parlé, posait la question suivante : est-ce que le fait de lire des nouvelles négatives fait qu’on devient plus réactif au stress ? L’étude a été réalisée sur deux groupes, 30 femmes et 30 hommes, qui ont lu des nouvelles négatives et des nouvelles neutres. Après les avoir lues, les participants étaient exposés à un stress. Si vous avez lu des nouvelles négatives le matin, il a été prouvé que cela augmentera la réactivité au stress chez les femmes, et non chez les hommes.

Pourquoi plus chez les femmes ?

On a interprété le résultat en se disant que les femmes ont tendance à ressasser davantage, ou encore que la mauvaise nouvelle doit rester plus longtemps dans leur mémoire. Elles ont aussi souvent plus d’empathie que les hommes. Il faut savoir que les hommes produisent trois fois plus d’hormones de stress que les femmes quand on les stresse. Avec cette étude, c’est la seule fois où j’ai réussi à faire monter le niveau de stress des femmes plus haut que celui des hommes, et c’est en lisant des nouvelles négatives.

Est-ce qu’on se rend compte de l’impact à long terme ?

Il y a un prix à payer, et je ne sais pas si la société s’en rend bien compte. Depuis que je connais ces résultats, quand je suis dans une période de stress – car on en a tous –, je ne lis plus les nouvelles. Je n’ai pas besoin de ce stress additionnel. Chaque fois que vous lisez ou regardez des nouvelles négatives, 365 jours par année, vous produisez trop d’hormones de stress toute l’année. Une chose est certaine, le stress chronique va jouer sur notre système immunitaire. On aura par exemple plus de grippes, une bronchite qui s’éternise, et il y a un coût de santé publique relié à cela. Quand votre corps produit des hormones de stress de façon chronique, ça donne lieu à des maladies reliées au stress chronique, des maladies mentales et physiques, et des dépressions pour les gens plus vulnérables.

Que faire pour y remédier ?

Je pense que les gens sont fatigués mentalement. C’est déjà bien de le savoir et de s’en rendre compte. Peut-être faudrait-il faire une distribution plus équitable du positif et du négatif dans les nouvelles ? Ce qui me fascine, c’est que les nouvelles positives sont quatre fois plus souvent partagées par les utilisateurs de Facebook que les nouvelles négatives. Connaissant l’humain et sa capacité de s’adapter, il va y avoir du changement, même s’il est déjà habitué aux images et aux nouvelles négatives. D’ailleurs, peut-être que ça nous rend encore plus réactifs. Quand j’écoute la radio et que je ne veux plus entendre des choses négatives ou un animateur qui s’énerve, je change de poste et j’écoute de la musique. Voilà ce qu’on peut faire.

Vous pensez que nous allons avoir ce réflexe de ne plus lire ou regarder les mauvaises nouvelles ?

Les gens ont besoin de renouveau. Est-ce qu’il y a moyen de positiver un peu ? Peut-on offrir des pistes de solution aux mauvaises nouvelles ? Quand ça va bien, on est capable de voir un film d’horreur ou un film difficile, mais quand ça va mal, une comédie romantique nous fera du bien. Tout est relatif, tout dépend de notre état du moment. Je sais où est mon point de résistance. L’instinct est là. Le cerveau est une machine à instinct, ce qu’on appelle le savoir inné.

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