Élections provinciales Opinion

Les jeunes sont-ils si différents ?

On parle beaucoup des « jeunes » dans cette élection. Mais qui sont les jeunes au juste ? Comment décident-ils pour qui voter ? Leur vote est-il plus volatil que celui des plus vieux ? Est-il différent ?

Qui sont les jeunes ?

D’abord une définition « statistique ». On utilise généralement la catégorie des 18 à 34 ans pour parler des jeunes, entre autres parce que ce sont les catégories fixées par Statistique Canada et utilisées par toutes les firmes de sondage.

Sociologiquement, d’autres catégories pourraient être plus appropriées. Dans le recensement de 2011, le plus récent dont on peut traiter les données, les jeunes composaient 27 % de l’électorat comparativement à 44 % en 1976, au moment de la première élection du Parti québécois.

Les jeunes ont moins souvent le français comme langue maternelle qu’en 1976, mais surtout, ils sont devenus plus bilingues.

Ils sont 76 % à déclarer le français comme langue maternelle en 2011 comparativement à 82 % en 1976. Ils sont près de 60 % à déclarer connaître les deux langues officielles comparativement à 44 % en 1986, première année où la question a été posée. Près du quart des jeunes sont des immigrés de première ou de deuxième génération.

Pendant la même période, les 55 ans et plus sont passés de 27 à 36 % de l’électorat. Ils sont devenus plus souvent francophones (de 76 % en 1976 à 82 % en 2011), mais à peine plus bilingues (de 32 % en 1986 à 37 % en 2011). Moins de 18 % d’entre eux sont des immigrés de première ou de deuxième génération.

Les jeunes sont-ils influencés par les sondages ?

On peut se demander si, étant donné leur peu d’expérience, les jeunes sont plus susceptibles d’être volatils ou influençables que les plus vieux. Dans une recherche que j’ai menée dans quatre élections en 2007 et 2012 au provincial et en 2008 et 2011 au fédéral, nous avons sondé la perception et le rôle des sondages de même que l’intention de vote pendant la campagne et le vote déclaré après les élections.

Première constatation, les jeunes ne consultent pas autant les sondages que les plus âgés (de 12 à 18 points de pourcentage de moins), sauf en 2012 où la grève étudiante a eu un effet mobilisateur. Par contre, les jeunes font autant confiance aux sondages que les plus âgés (à près de 60 %). Plus des deux tiers des jeunes considèrent que les sondages sont une bonne chose pour les électeurs, soit un peu plus que les autres groupes d’âge. Fait intéressant, chez les 18-24 ans en 2012, pour beaucoup des jeunes qui votaient pour la première fois, la proportion monte à plus de 80 %.

Les jeunes se distinguent par le fait qu’ils sont plus nombreux à dire que leur intention de vote n’est pas définitive. Par contre, cela ne se traduit pas par un changement d’allégeance.

Dans les quatre élections où la recherche a été effectuée, les jeunes n’étaient pas plus susceptibles que les autres groupes d’âge d’avoir changé d’idée entre leur préférence déclarée pendant la campagne et leur vote. Ils se distinguaient uniquement par le fait qu’ils étaient de deux à trois fois plus nombreux à déclarer ne pas être allés voter que les autres groupes d’âge, sauf en 2012.

Les sondages jouent-ils un rôle dans leur décision ? 

Les jeunes sont deux fois plus nombreux que les autres groupes d’âge à considérer que les sondages ont facilité leur décision. Bref, les jeunes ont tendance à considérer les sondages de façon positive et les jugent utiles quand ils doivent prendre leur décision de vote, sans que cela ne provoque de changement dans leur allégeance à un parti.

Quelles sont les conséquences sur les intentions de vote ?

Les jeunes votent-ils différemment ? Il faut faire preuve de prudence dans cette campagne, parce que les sources de sondages ne sont pas assez nombreuses et variées et qu’elles se contredisent à l’occasion.

Si on se fie aux sondages publiés depuis mai 2018, les différences entre le vote des jeunes et des plus vieux ne sont pas majeures, sauf pour une préférence nettement moins marquée pour la CAQ. Les intentions de vote des jeunes pour la CAQ se situent entre 7 et 10 points de pourcentage de moins que celles de l’ensemble de la population. Les jeunes ont également un peu moins tendance à voter pour le Parti québécois. Par contre, leur appui au Parti libéral du Québec se situe au même niveau que celui de l’ensemble des Québécois et ils ont un peu plus tendance – cinq points de plus en moyenne – à vouloir voter pour Québec solidaire.

Au moins une partie de la différence dans les intentions de vote des jeunes peut s’expliquer par les différences dans la composition de ce groupe sur les plans de la langue et du statut d’immigration.

Les jeunes sont-ils si différents ?

Les différences entre jeunes et plus vieux ne sont pas si importantes. Les jeunes apparaissent plus ouverts à changer d’idée et ils perçoivent les sondages comme utiles dans leur décision. Par contre, ils ne semblent pas changer d’allégeance plus que les autres groupes d’âge. Ils se distinguent par des intentions de vote moins importantes pour les partis qui font appel à l’identité, ce qui est congruent avec le fait qu’ils sont plus souvent d’origine immigrante et de langue maternelle autre que le français.

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