SOCIÉTÉ D’ÉTAT

Plus performante, la SAQ baissera ses prix

Le grand patron de la SAQ, Alain Brunet, n’a pas été irrité par le récent rapport de la vérificatrice générale (VG), pourtant assez critique. Au contraire, à l’écouter parler, c’est comme s’il avait eu droit gratuitement aux conseils d’une équipe de consultants réputés venus l’aider à rendre l’entreprise plus performante.

Améliorer la performance, c’est justement la pierre angulaire de la transformation qu’il pilote, martèle-t-il.

Parmi tous les chiffres contenus dans le rapport annuel dévoilé hier, celui qui rend le dirigeant le plus fier est d’ailleurs « le ratio des charges d’exploitation », a-t-il confié à La Presse au cours d’un long entretien. Pour l’exercice clos le 26 mars, ce ratio s’est établi à 18,6 %.

« C’est un ratio qui exprime la performance de l’organisation. Ça rend des comptes à tout le monde. […] Se donner une meilleure efficacité, c’est se donner plus de marge de manœuvre. » Les charges d’exploitation incluent les frais de mise en marché et de distribution, ainsi que la rémunération du personnel. Plus il est faible, mieux c’est.

Il est vrai que la SAQ a légèrement réduit ses coûts relatifs, comparativement aux deux exercices précédents (18,8 %). Le ratio était plus bas en 2012 et 2013 (18 %), mais la moyenne des 10 dernières années est de 19,3 %.

BAISSES DE PRIX DANS « DEUX OU TROIS ANS »

Concrètement, la « marge de manœuvre » dont parle Alain Brunet, c’est de l’argent sonnant. Quelque 25 millions cette année, prévoit celui qui travaille à la SAQ depuis 35 ans. Cette somme pourrait être ajoutée au dividende versé à Québec. Ou pas.

« L’efficacité qu’on va chercher, ça ne veut pas dire qu’on va toute la mettre dans le bénéfice, pour le grossir. Ça peut aussi être [utilisé] au bénéfice du consommateur. »

— Alain Brunet, grand patron de la SAQ

C’est ça, sa stratégie. S’il rend l’entreprise plus performante, il pourra baisser les prix de ses bouteilles les plus populaires, celles autour de 15 $ – qui sont moins chères à la LCBO – sans réduire la contribution versée au gouvernement.

Pour baisser ses prix, la SAQ préconise une révision en profondeur de sa structure de majoration. Car Alain Brunet croit que la société d’État négocie déjà de bons prix avec ses fournisseurs. Dans « 80 % des cas », dit-il, ses coûtants sont déjà inférieurs à ceux de la LCBO. « C’est une bonne moyenne au bâton ! » Pour arriver à cette conclusion, la SAQ a analysé 100 produits, peut-on lire dans le rapport de la VG. On ne sait pas, toutefois, de quelle manière ils ont été choisis parmi les 13 500 offerts dans une année.

BAS PRIX DE TOUS LES JOURS

Selon la VG, la SAQ ne fait pas tout en son pouvoir pour obtenir les meilleurs prix possible auprès de ses fournisseurs, ce qui coûte 219 millions de dollars par année aux Québécois, lui rappelle-t-on.

« On peut toujours mieux faire, mais ce n’est pas là que la cible est. Pour obtenir de meilleurs prix de détail, c’est sur la structure de coûts qu’il y a une opportunité et où on va mettre le focus. »

« La SAQ va se remettre en question sur sa structure de majoration et va se prendre, dans certaines strates de prix ciblées, des marges [de profit] moins grandes. Ce n’est pas juste aux fournisseurs de faire leur part, c’est aussi à la SAQ. »

— Alain Brunet, grand patron de la SAQ

D’ici deux ou trois ans, les Québécois ne verront plus autant d’écart de prix avec la LCBO dans la catégorie des vins à 12-15 $, promet-il. En revanche, la SAQ regarde la possibilité d’augmenter le prix de ses vins haut de gamme. Le prix des spiritueux ne devrait pas bouger.

Depuis 10 ou 15 ans, la SAQ cherchait à faire un maximum de profit sur les bouteilles qui se vendaient le plus. « Tous les commerces de détail font cela », affirme Alain Brunet. La philosophie va quand même changer. « On est à la croisée des chemins. Il faut mettre ça au goût du jour, être moins en mode rabais et avoir des prix intéressants de tous les jours. L’Ontario fait la même chose. Pourquoi leurs spiritueux sont-ils plus chers [qu’à la SAQ] ? Parce qu’ils en vendent plus ! »

Depuis deux ans, les champagne ont eu droit à une nouvelle structure de majoration. Les prix ont baissé, de nouveaux produits d’entrée de gamme ont été ajoutés sur les tablettes et « on a un grand succès », soutient le PDG qui veut répéter l’expérience.

« Il faut réinventer l’organisation. Notamment sur le commerce, le numérique, la personnalisation de la relation. Le commerce de détail a évolué. Soyons une entreprise ouverte qui prépare l’avenir. Est-ce que ça nous met à l’abri de la privatisation ? Moi je ne suis pas contre quelque chose, je suis pour quelque chose. Je suis pour être en phase avec le client, être à l’écoute. En fin de compte, c’est le client qui va décider », conclut Alain Brunet.

RÉSULTATS ANNUELS

Exercice terminé le 26 mars (en millions de dollars)

Ventes 

3073,6 (+ 2,2 %)

Bénéfice net 

1067,1 (+ 3,3 %)

Somme versée à Québec et Ottawa

(bénéfice net, taxes diverses, douanes) 

2093,1

(soit : 1,69 milliard à Québec et 405,5 millions à Ottawa)

Vin 

+ 1,6 % (en dollars)

+ 1,7 % (en volume)

Spiritueux 

+ 5 % (en dollars)

+ 4,1 % (en volume)

Bières et cidres 

- 3,1 % (en dollars)

- 1,9 % (en volume)

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