Chronique

Des universités à la merci de Québec

Les universités du Québec ont vu leurs subventions charcutées ces dernières années, dans le contexte du déficit zéro. Aujourd’hui, plusieurs sont dans une situation précaire qui les oblige même à rendre des comptes au gouvernement malgré leur indépendance.

Pour avoir un portrait juste de leur santé financière, il m’a fallu faire un véritable travail de moine. Étonnamment, les données financières publiques des universités ne sont pas toujours comparables ou même pertinentes pour évaluer justement leur situation. Les universités sont pourtant régies par les mêmes normes comptables reconnues, dont le but est justement de rendre les données fiables et comparables.

Pour m’en sortir, j’ai utilisé ou reconstitué trois données fondamentales : le déficit (ou le surplus) de l’année 2015, le déficit cumulé des dernières années et, enfin, la valeur nette des dons faits aux universités.

Le déficit reconstitué de 2015 est celui que le gouvernement calcule pour vérifier si les universités doivent faire le ménage avant d’avoir droit à la dernière tranche de leur subvention annuelle (1).

Premier constat : les compressions récurrentes de près de 300 millions depuis trois ans ont effectivement rendu nos universités fragiles. Au cours de l’exercice terminé le 30 avril 2015, quatre des neuf universités ont enregistré un déficit et quatre sont sous le coup d’un plan de redressement.

PLAN DE REDRESSEMENT À L’UDEM

C’est le cas de l’Université de Montréal, qui s’est engagée à assainir ses finances pour résorber son déficit de 9,4 millions d’ici trois ans, le plus important des universités au Québec.

L’établissement a donc dû limiter l’embauche, réduire les dépenses administratives et même renoncer à offrir certains cours, sans quoi elle se voyait privée de subventions avoisinant les 50 millions de dollars, soit environ 10 % du total, m’a expliqué la direction. Pour l’exercice en cours, qui se termine le 30 avril, l’université s’attend à réduire son déficit à 5,6 millions. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la rémunération de 414 000 $ du recteur Guy Breton fasse l’objet de critiques.

L’Université Concordia a également enregistré un déficit important en 2015, de l’ordre de 7,4 millions. Toutefois, l’établissement n’a pas eu à soumettre un plan de redressement au Ministère, parce que le déficit s’explique par une dépense non récurrente de 8,3 millions qui sert à payer les indemnités de départ de quelque 90 employés administratifs.

L’ensemble du réseau de l’Université du Québec affiche un déficit de 5,5 millions, principalement en raison des déséquilibres financiers de l’UQAM et de l’ENAP. Ces deux constituantes sont sous le coup d’un plan de redressement, la première depuis le scandale de l’îlot Voyageur, il y a sept ans, et la seconde depuis un an.

Nul doute que la baisse de fréquentation importante à l’UQAM cette année rendra le retour à l’équilibre encore plus pénible. À la lumière des chiffres, il est facile de comprendre pourquoi les négociations entre la direction et les professeurs sont dans une impasse.

BISHOP’S EST PUNIE

Toutes proportions gardées, c’est l’Université Bishop’s qui a présenté le plus lourd déficit au cours de l’exercice se terminant le 30 avril 2015. Le déficit de 2,2 millions de 2014-2015 équivaut à 865 $ par étudiant, soit trois fois plus qu’à l’Université de Montréal.

Cet énorme déficit a même poussé le gouvernement à retenir une subvention de 2 millions, indique la vice-rectrice France Gervais. Pour obtenir la grâce du Ministère, l’Université a présenté un plan de retour à l’équilibre sur cinq ans. Des rencontres sont encore prévues avec le Ministère prochainement. La direction, les professeurs et les autres employés sont tous mis à contribution pour trouver des solutions.

À l’autre bout du spectre, l’Université McGill aurait un surplus très important, de l’ordre de 15 millions, selon nos estimations. Ni la direction de l’Université ni le ministère de l’Éducation n’ont toutefois pu répondre à mes questions, malgré trois jours de délais.

(1) Nos estimations du déficit à partir des états financiers ont été validées par les universités Concordia, Bishop, du Québec, de Montréal, de Laval, ou par des sources externes fiables.

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