Atrazine et pesticides dans l’eau potable

Le feu jaune est allumé !

Il y a effectivement des pesticides partout. Notre système de production agricole dépend très lourdement de pesticides chimiques et ces produits se retrouvent donc à différentes concentrations dans l’environnement, dans l’eau et les produits que nous consommons. Si on veut réduire la diffusion des pesticides partout dans l’environnement, il faut réduire leur utilisation. Acheter des produits biologiques ou certifiés sans pesticides est un excellent pas dans cette direction.

L’instrumentation pour les analyses chimiques est maintenant si performante qu’on arrive à mesurer des traces de presque tout, un peu partout. Les pesticides en milieu agricole se retrouvent donc dans les cours d’eau voisins et les médicaments qu’on achète à la pharmacie se retrouvent dans notre urine et dans les égouts. La totalité des échantillons d’eau qu’on analyse au laboratoire contient donc des traces de divers contaminants.

Il est donc quasi impossible de trouver des sources d’eau naturelles qui ne contiennent pas des traces d’un quelconque contaminant !

Le défi est donc de cerner quand les concentrations de pesticides ou autres contaminants sont assez élevées pour représenter un risque réel pour l’environnement ou la santé humaine et dans quels cas on peut considérer ces traces comme étant sans impacts significatifs.

L’atrazine est un herbicide utilisé principalement pour contrer les mauvaises herbes dans la culture du maïs. Plusieurs travaux passés et actuels démontrent que l’atrazine et ses métabolites se retrouvent dans les eaux de surface, principalement dans les zones agricoles. Nos données préliminaires montraient qu’il y a une grande variabilité dans les concentrations d’atrazine observées dans le fleuve Saint-Laurent.

L'eau du robinet

Pour cette étude que mon équipe de l’Université de Montréal a menée en collaboration avec Équiterre, nous avons donc choisi de vérifier l’eau potable d’un robinet alimenté par le fleuve pour voir comment la concentration d’atrazine varie selon les saisons, les périodes d’épandage de pesticides, la fonte des neiges, les périodes de pluie intense ou de sécheresse.

Sur 150 échantillons analysés sur une période d’un an et demi, on a vu que les concentrations d’atrazine et son sous-produit principal ont varié entre 51 et 242 ng/litre, avec une moyenne de 116 ng/litre. Cette concentration est bien en dessous des normes de qualité nord-américaines, mais très souvent au-dessus de la norme européenne de 100 ng/litre.

Le fleuve Saint-Laurent a un débit d’eau immense et une énorme capacité de dilution. C’est malgré tout un cours d’eau où la concentration d’atrazine demeure relativement élevée (peu de pesticides ou contaminants de ce type ont des concentrations plus grandes que 100 ng/litre).

Il faut bien réaliser qu’il faut une quantité gigantesque d’atrazine pour augmenter la concentration dans toute l’eau du fleuve.

Comme le traitement de l’eau potable enlève environ la moitié, la concentration d’atrazine qu’on a mesurée dans l’eau du robinet signifie qu’il y en a environ le double dans le fleuve.

La littérature scientifique est assez claire sur les impacts de l’atrazine sur la faune aquatique, plus particulièrement les amphibiens. On a donc besoin d’une norme suffisamment sévère pour bien protéger nos grenouilles. Les pics de concentration qu’on observe dans l’eau du fleuve ainsi que dans les cours d’eau en milieu agricole pourraient causer des problèmes pour la faune aquatique. Par contre, la littérature scientifique est plus floue sur les impacts sur la santé humaine. Certaines études montrent des effets possibles sur l’humain ou les mammifères, mais plus d’études sont nécessaires pour déterminer à partir de quelles concentrations on doit s’inquiéter pour des impacts possibles sur les humains. Pour le moment, les niveaux mesurés dans l’eau potable semblent bien en dessous des seuils d’impact pour la santé humaine.

La principale conclusion qu’on peut retirer de ces données est que l’utilisation à grande échelle de pesticides mène aussi à une contamination à grande échelle de l’environnement par ces mêmes pesticides.

Pour limiter la contamination par ces pesticides, il faut en minimiser l’utilisation.

Dans le cas de l’atrazine, on vise à surtout à protéger les grenouilles et la faune aquatique. Pour protéger notre santé, on ne veut pas juste limiter l’exposition à cet herbicide particulier, mais à tous les pesticides et autres contaminants auxquels nous sommes tous exposés. Ces pesticides pourraient avoir des effets difficiles à détecter pour une exposition chronique avec des petites concentrations d’un mélange de multiples contaminants – une certaine dose de précaution semble judicieuse.

* Ses recherches portent sur l’analyse, le devenir environnemental et les impacts des contaminants dans l’environnement.

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