Pénurie de main-d’œuvre

Québec dévoile sa stratégie nationale

Le gouvernement Couillard veut faire travailler davantage les immigrants, mais aussi les personnes âgées et les autochtones, pour résorber la pénurie de travailleurs. Ce sont là trois des cibles de la nouvelle Stratégie nationale sur la main-d’œuvre dévoilée hier à Québec.

Pénurie de main-d’œuvre

L’immigration, les aînés et les autochtones au cœur de la relance

Québec — Le gouvernement Couillard compte sur les immigrants pour pourvoir un poste vacant sur cinq d’ici une décennie. Le premier ministre a donc présenté hier une stratégie de 900 millions de dollars sur cinq ans dont l’un des principaux objectifs est de faire travailler davantage les nouveaux arrivants, les aînés et les autochtones.

BESOINS CRIANTS

Le taux de chômage était de 6,1 % à la fin de 2017, un creux historique. Plusieurs régions comme Québec, Chaudière-Appalaches et la Montérégie se trouvent en situation de plein emploi. Résultat : des dizaines de milliers de postes sont vacants. Québec en recense 90 000 à l’heure actuelle et prévoit que 1,3 million de postes seront à pourvoir d’ici une décennie. Le premier ministre y voit un frein important à la productivité des entreprises, à l’investissement et au développement économique.

L’IMMIGRATION, LA CLÉ

Par sa Stratégie nationale sur la main-d’œuvre, présentée hier, Philippe Couillard vise à faire en sorte que 22 % des postes à pourvoir d’ici 10 ans soient occupés par des immigrants. Sur quelque 874 millions d’argent frais annoncé hier, près de 200 millions financeront des mesures ciblant spécifiquement les nouveaux arrivants. M. Couillard n’entend pas hausser de manière importante les seuils d’immigration, mais il a exclu de les baisser de 50 000 à 40 000, comme le propose la Coalition avenir Québec. « On va garder ce qui est prévu actuellement, a indiqué M. Couillard. Mais baisser de 10 000 personnes par année, c’est 6000 jobs qui ne sont pas occupés, c’est des milliards de moins dans le PIB. C’est une mesure antiéconomique. »

INTÉGRER…

Le premier ministre a dévoilé sa stratégie dans les locaux de Momentum Technologies, firme informatique de Québec dont les trois quarts des employés sont issus de l’immigration. Plusieurs des 47 mesures annoncées hier ciblent l’intégration des nouveaux arrivants au marché du travail. Québec bonifiera le programme PRIIME, qui subventionne les entreprises embauchant des immigrants. Le gouvernement augmentera également ses efforts de prospection et d’attraction des travailleurs étrangers et se dotera d’un plan pour améliorer la rétention des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers.

Taux d’emploi de la population de 15 à 64 ans arrivée depuis cinq ans ou moins

Canada – 64,1 %

Québec – 60,6 %

… ET FRANCISER

Les investissements les plus importants cibleront les efforts de francisation des nouveaux arrivants. Québec compte créer un « guichet unique » pour aider les immigrants qui souhaitent apprendre le français. On compte aussi bonifier les efforts de francisation en milieu de travail. « Les Québécois savent qu’on a besoin de travailleurs immigrants, a indiqué Philippe Couillard. Ils voient la pénurie de main-d’œuvre. Mais ils désirent une immigration qui soit la mieux intégrée possible et la mieux francisée possible, et c’est tout à fait naturel que ce soit le cas. »

PERSONNES ÂGÉES, HANDICAPÉES, AUTOCHTONES

L’immigration seule ne permettra pas de pourvoir les postes vacants. La Stratégie porte sur différentes clientèles actuellement sous-représentées sur le marché de l’emploi. Différents programmes annoncés hier cibleront ainsi les personnes âgées, les personnes handicapées, les autochtones et les personnes avec un casier judiciaire. Québec créera aussi une initiative de mentorat pour encourager la présence de femmes dans des emplois à prédominance masculine.

Pénurie de main-d’œuvre  Stratégie nationale

Les milieux d’affaires satisfaits, les syndicats déçus

La stratégie provinciale sur la pénurie de main-d’œuvre a été saluée hier par plusieurs intervenants du milieu économique. Même si elle ne réglera pas tous les problèmes de pénurie de main-d’œuvre – notamment chez les travailleurs spécialisés, disent certaines entreprises. Et les syndicats sont déçus du peu de mesures pour favoriser la conciliation travail-famille-études. Réactions.

Des mesures « indispensables »

« Nous saluons le travail du gouvernement qui a su proposer une stratégie répondant à un enjeu économique majeur de notre société, en offrant des solutions concrètes pour les manufacturiers. Les manufacturiers sont très innovants et créatifs pour trouver des solutions à la rareté de main-d’œuvre. […] Les mesures proposées aujourd’hui sont néanmoins indispensables pour assurer la disponibilité d’une main-d’œuvre compétente pour les manufacturiers et ainsi assurer la compétitivité et la croissance de ce secteur. » 

— Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

« Dans la bonne direction »

« Le Conseil du patronat du Québec constate que bien du chemin reste à parcourir et que les besoins en matière de disponibilité et de compétences de la main-d’œuvre au Québec constituent l’un des enjeux les plus importants pour la prospérité du Québec […]. Bien sûr que les attentes sont grandes et que la Stratégie, malgré ses bonnes intentions, ne peut offrir des réponses à tous les problèmes ; toutefois, ses orientations vont dans la bonne direction et de nombreuses mesures prévues sont pertinentes. »

— Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec

Encore difficile d’embaucher des immigrants spécialisés

« Globalement, nous ne pouvons pas être contre les mesures. Mais la stratégie est moins adaptée aux métiers spécialisés [par exemple : camionneurs, mécaniciens]. Là où la stratégie tombe court, c’est pour faciliter les démarches des entreprises pour embaucher des immigrants qui ont ces compétences spécialisées. Nous essayons de faire venir des camionneurs français, mais les démarches sont longues et ils peuvent devoir attendre jusqu’à un mois après leur arrivée au Québec avant de travailler. Il faudrait aussi plus de programmes pour permettre à des employés non spécialisés dans une entreprise de faire une formation spécialisée. »

— Éric Trudeau, vice-président des ressources humaines du Groupe Robert, entreprise dans le secteur du transport de marchandises

Favoriser « l’enrichissement collectif »

« Cette stratégie et les moyens qu’elle entend déployer peuvent et doivent contribuer à notre enrichissement collectif. […] Au cours des 15 prochaines années, la pénurie de main-d’œuvre constituera un des principaux goulots d’étranglement de notre croissance économique, particulièrement en région. La solution à ce problème sera plurielle : retenir sur le marché les travailleurs d’expérience, favoriser la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs, mais également miser davantage sur une main-d’œuvre venue d’ailleurs. Cela signifie en accueillir un plus grand nombre, en retenir plus au Québec et les intégrer mieux. » 

— Stéphane Forget, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec 

Peu d’argent pour l’organisation du travail

« En assouplissant certains programmes où il y a une rareté de main-d’œuvre, le gouvernement se donne une chance de réussir, en espérant cependant que l’annonce d’aujourd’hui ne soit pas juste un exercice de relations publiques. Bien que la stratégie contienne plusieurs éléments positifs, la FTQ note qu’il n’y a pas beaucoup d’argent consacré à l’adaptation des milieux de travail et à l’organisation du travail permettant une meilleure conciliation travail-vie personnelle. » 

— Daniel Boyer, président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), dans un communiqué

CSN

« S’il y a une grande négligée dans la stratégie nationale, c’est bien la question de l’adaptation des milieux de travail aux réalités de la conciliation famille-travail-études. Attirer, recruter et retenir la main-d’œuvre de demain mérite que cette orientation de la stratégie nationale soit plus convaincante. Les enjeux de l’organisation du travail seront prioritaires dans les prochaines années et tout le monde devra y répondre, tant les syndicats que les employeurs. Là-dessus, la stratégie manque son coup. »

— Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

« Une belle journée » pour l’aérospatiale

«  Avec près de 30 000 nouveaux postes qui devront être créés d’ici 10 ans, la réponse du gouvernement aux enjeux de main-d’œuvre était très attendue et correspond aux demandes que nous avions formulées aux élus à maintes reprises. On peut toujours faire plus, mais c’est une belle journée pour l’industrie innovatrice de l’aérospatiale. » 

— Suzanne M. Benoît, PDG d’Aéro Montréal, dans un communiqué

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