Crèmes solaires

Chimique ou minéral ?

Les ingrédients actifs dans les crèmes solaires existent sous deux formes : les traditionnels filtres « chimiques », composés de molécules organiques qui pénètrent dans la peau, et les filtres « minéraux » (oxyde de zinc ou dioxyde de titane), qui agissent comme une barrière à la surface de la peau. Lesquels choisir ? Le tour de la question… en quatre questions.

Existe-t-il des écrans solaires dangereux ?

« En général, toutes les crèmes solaires sont très sécuritaires, indique d’emblée le Dr Joël Claveau, dermatologue au CHU de Québec et spécialiste du mélanome. En pratique, on ne voit jamais personne s’intoxiquer aux écrans solaires. » Quelques patients vont présenter des allergies à certains ingrédients ou agents de conservation, mais c’est « très, très rare », « 10 fois moins fréquent que l’allergie au soleil », indique le Dr Claveau.

Le pharmacien Olivier Bernard s’est penché sur la question des écrans solaires pour son blogue, Le Pharmachien. « Présentement, dit-il, on ne peut pas dire qu’il y a des ingrédients dangereux dans les écrans solaires. » En se basant sur les données scientifiques actuelles, il serait même « absurde », selon lui, d’affirmer une telle chose.

De 2 à 3 %

Les cancers de la peau augmentent de 2 à 3 % par année, souligne le Dr Joël Claveau, selon qui le vrai problème est la surexposition au soleil et la sous-utilisation d’écran solaire.

Que penser des craintes entourant certains ingrédients ?

Des études de laboratoire menées sur des cellules et sur des animaux ont mis en évidence des « signaux » concernant certains ingrédients contenus dans les écrans solaires chimiques, explique Olivier Bernard.

« Il y a un signal, par exemple, que l’oxybenzone [un filtre solaire largement utilisé dans les écrans chimiques] a le potentiel d’être un perturbateur endocrinien, explique Olivier Bernard. Il y a un signal comme quoi les dérivés de la vitamine A [le palmitate de rétinyle] peuvent être cancérigènes. Mais un signal, ce n’est pas la même chose qu’un cancérigène connu ou qu’un perturbateur endocrinien connu. »

Le professeur Ariel Fenster, fondateur de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill, souligne que plusieurs de ces études ont été faites dans des conditions « extrêmes », en soumettant les animaux à de très fortes doses. « Pas dans des conditions qui s’appliquent à l’humain. »

85 %

La plupart des dermatologues croient que l’oxybenzone et le palmitate de rétinyle sont sécuritaires dans les crèmes solaires (86 % et 85 %, respectivement).

En cas de doute, vaut-il mieux s’abstenir ?

Depuis 2007, l’Environmental Working Group (EWG) établit chaque année un guide d’achat des écrans solaires en passant en revue les ingrédients contenus dans quelque 750 produits offerts aux États-Unis. Et parmi les écrans solaires recommandés par l’organisation environnementale américaine, la très vaste majorité contient uniquement des filtres minéraux : on recommande même à la population d’éviter les écrans solaires contenant de l’oxybenzone. « Habituellement, écrit l’EWG sur son site internet, les écrans minéraux obtiennent de meilleures notes que les écrans chimiques sur le plan de la sécurité. »

Aux yeux de Louise Hénault-Ethier, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, le principe de précaution devrait primer autant que possible lorsqu’on choisit un écran solaire. « Qu’on opte pour un écran chimique ou minéral, il faut le faire en tenant compte des recommandations les plus récentes sur le sujet », dit-elle.

« Si on a identifié un danger à une substance, même si on y est exposé très peu dans notre environnement, on ne sait jamais s’il peut y avoir une interaction avec une autre substance, poursuit Louise Hénault-Ethier. Une autre substance peut ne pas être hyper toxique, mais être présente dans ta pâte dentifrice, dans ta crème solaire, dans ton savon, dans ton détersif à lessive… »

Le principe de précaution – la tendance à éliminer une substance qui fait l’objet d’un doute – est souvent appliqué en Europe, souligne Olivier Bernard. « Ce n’est pas nécessairement la meilleure approche, en passant », estime le pharmacien, qui rappelle qu’on peut se tromper lorsqu’on prend des décisions en se basant sur de l’information incomplète.

L’écran solaire minéral est-il moins efficace ?

En général, les écrans solaires chimiques offrent une couverture plus complète des rayons UV, si on se fie aux tests réalisés chaque année par le Consumer Reports, un mensuel américain.

Parmi les produits testés par Consumer Reports entre 2013 et 2016, 74 % des écrans solaires minéraux n’atteignaient pas le FPS indiqué sur l’étiquette, contre 42 % des écrans solaires chimiques. Les résultats des plus récents tests, publiés la semaine dernière, sont similaires : seuls 2 écrans solaires minéraux sur 17 atteignaient le FPS indiqué.

Soulignons que le FPS concerne le blocage des rayons UVB seulement ; or, les rayons UVA augmentent aussi les risques de cancer. Sur ce plan, les écrans solaires minéraux font meilleure figure (5 écrans minéraux sur les 17 testés cette année avaient une « excellente » couverture des rayons UVA), mais encore là, les écrans chimiques demeurent plus performants.

Cela dit, la disponibilité des écrans solaires minéraux est en constant développement, tient à souligner le Dr Joël Claveau.

« Nous avons observé au cours des dernières années une plus grande variété d'écrans physiques [minéraux] avec des couvertures améliorées et des aspects cosmétiques améliorés », indique le Dr Joël Claveau. Les gens qui souffrent d'allergies et d'eczéma tolèrent en général mieux les écrans minéraux, ajoute-t-il.

Et que dire des nanoparticules ?

Dans le monde des écrans solaires, un autre champ d’études intervient : celui des nanoparticules. Pour rendre leurs écrans solaires minéraux translucides lors de l’application, des fabricants utilisent l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane sous forme de nanoparticules. Quelques études ont suggéré que les nanoparticules pourraient induire la formation de radicaux libres qui pourraient théoriquement pénétrer dans la peau et endommager les cellules. Des revues de la littérature sur le sujet ont toutefois conclu qu’il n’existe aucune preuve que les nanoparticules contenues dans les écrans solaires peuvent avoir une quelconque conséquence négative pour la santé humaine.

Des ingrédients à surveiller, selon l'Environmental Working Group (EWG)

Oxybenzone

Autres noms : benzophénone-3, 2-hydroxy-4-méthoxybenzophénone

Ce filtre UVB-UVA serait présent dans environ 70 % des écrans solaires vendus aux États-Unis. Des chercheurs qui ont fait mangé de l'oxybenzone à des rats pendant 21 jours ont noté qu'il pouvait avoir un potentiel de perturbateur endocrinien chez ces derniers. Ce potentiel a aussi été identifié dans des études in vitro (sur des cellules). 

Au Canada : sa concentration est limitée à 6 % dans les écrans solaires.

Cote de risque selon l’EWG : 8/10

Palmitate de rétinyle

Autres noms : acétate de rétinyle, linoléate de rétinyle, rétinol 

Ce dérivé de la vitamine A est ajouté aux écrans solaires dans le but de réduire le vieillissement de la peau. Une étude menée en 2012 par des scientifiques du gouvernement américain a montré que, lorsqu’elles étaient exposées à des rayons solaires synthétiques, les souris enduites de crème contenant du palmitate de rétinyle développaient plus de tumeurs, et plus rapidement. Soulignons que des revues de la littérature sur le sujet ont contesté ces résultats. 

Au Canada : sa concentration est limitée à 1,83 % dans les cosmétiques.

Cote de risque selon l’EWG : 9/10

Enzacamène

Autres noms : benzylidène camphre de 4-méthyle, 4-MBC

Ce filtre UVB est surtout utilisé en Europe – son utilisation comme ingrédient actif n’a d’ailleurs pas été approuvée aux États-Unis. Des chercheurs qui ont fait manger cette substance à des rats ont constaté qu'elle pouvait retarder la puberté des rats mâles et affecter le développement de leurs organes sexuels.

Au Canada : sa concentration est limitée à 4 % dans les écrans solaires.

Cote de risque selon l’EWG : 7/10

Octinoxate

Autres noms : salicylate de 2-éthylhexyle, salicylate d’octyle

Des études en laboratoire ont montré que ce filtre UVB avait un potentiel de perturbation endocrinienne (de faible à moyen) chez les rats qui en consommaient. Des cas d’allergie ont aussi été signalés.

Au Canada : sa concentration est limitée à 7,5 % dans les écrans solaires.

Cote de risque selon l’EWG : 6/10

Padimate-O

Autre nom : PABA d’octyle diméthyle

Le padimate-O est un dérivé du PABA, un filtre autrefois répandu dans les crèmes solaires, mais qui figure aujourd’hui sur la liste des ingrédients interdits dans les cosmétiques au Canada. Des études suggèrent que le padimate-O pourrait libérer des radicaux libres, avoir un potentiel de perturbateur endocrinien et provoquer des allergies chez certains. 

Au Canada : sa concentration est limitée à 8 % dans les écrans solaires.

Cote de risque selon l’EWG : 5/10

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