Fumage

Savourer la lenteur

La fumée est l’âme du barbecue : ses volutes donnent aux aliments ce goût authentique et unique pour lequel les amateurs sont prêts à patienter des heures.

L’engouement pour le fumage est fort, observe le propriétaire de BBQ Québec, Max Lavoie. En plus d’un appareil au gaz ou au propane, plusieurs de ses clients s’équipent d’un petit fumoir ou d’un barbecue au charbon. Il y a toutefois moyen d’obtenir un résultat similaire avec un barbecue au gaz, assure-t-il. À condition de connaître les bonnes techniques et instruments. Voici nos conseils.

À froid ou à chaud

Il existe deux méthodes de fumage.

– À chaud : c’est la méthode classique. La température est suffisamment élevée pour cuire les aliments en même temps qu’elle les fume.

– À froid : l’aliment s’imprègne de fumée à très basse température, sans cuisson, soit à moins de 40 o (100 o). C’est la méthode classique utilisée pour les saumons scandinaves et celle qu’on recommande pour les aliments fragiles.

Tout dans la boucane

La fumée résulte de la combustion du bois. Ce dernier se déshydrate d’abord sous l’effet des flammes, puis se décompose et s’enflamme en produisant, à chaque étape, une fumée particulière. Celle qui est recherchée est transparente et bleutée. La fumée dense et blanche contient trop de créosote et est l’indicateur d’une mauvaise combustion. « Ça donne un goût trop prononcé et des brûlures d’estomac », prévient Max Lavoie.

Choisir son bois

Pour un barbecue au gaz, les copeaux vendus dans les quincailleries et les supermarchés, ou les petits morceaux de 4 à 10 cm sont recommandés, car ils produisent rapidement de la fumée.

Plusieurs essences se prêtent au fumage, mais les bois durs libèrent des saveurs plus intéressantes. Le bois doit être sec : vert, il s’enflamme difficilement et libère une fumée âcre et dense, explique le maître de la cuisine sur le gril, Steve Raichlen, dans son livre Pro du fumoir

Le fumage sur planche

La planche est une option de rechange pour la cuisson, mais ne se substitue pas au fumage, selon Max Lavoie. « C’est un peu de la triche. Ça donne un petit goût de bois, mais ça ne fume pas en profondeur », précise-t-il. Cette option est d’ailleurs de moins en moins populaire. Trop chauffée, elle finit par brûler ; pas assez, l’aliment qui y est déposé ne cuit pas. « Ça peut quand même être intéressant pour donner un goût subtil au saumon ou à un fromage, selon le gourou du barbecue. Mais oubliez le cèdre, dont le goût est trop fort. »

Les essences

Steven Reichler conseille de s’initier d’abord à chaque essence. Un cuisinier plus aguerri peut ensuite s’amuser à faire des mélanges pour obtenir des parfums particuliers et en varier l’intensité, car certains bois ont des saveurs plus prononcées que d’autres. Parmi les classiques : 

> L’érable : saveur douce. Polyvalent, il est indiqué tant pour la volaille, le porc et le poisson.

> L’hickory ou carier : saveur intense. Se prête au fumage du porc et d’autres viandes.

> Le pommier : pleine saveur. Assez polyvalent, il se marie bien aux viandes, particulièrement au porc.

> L’olivier : saveur douce. Intéressant pour la cuisine méditerranéenne.

Le secret des pros

Retenez ce mot : lenteur. Alors que la cuisson au BBQ se caractérise par son efficacité, le fumage, lui, exige du temps, rappelle Steven Raichlen dans son livre. La fumée doit avoir la chance de pénétrer dans l’aliment. À basse température, le gras fond lentement et se diffuse doucement dans la viande. Si on le fume trop rapidement, l’aliment s’asséchera.

Le trempage :  nécessaire ou pas ?

Il y a deux écoles : ceux qui croient que le trempage a pour effet de ralentir la combustion et de produire une fumée plus régulière, et ceux qui jugent cette étape inutile. Steven Raichlen et Max Lavoie sont de cette deuxième école. Sachez toutefois que trempé ou pas, le bois produira la même saveur, à moins de le mouiller avec un liquide aromatisé, comme du bourbon ou du jus de pomme pour parfumer l’aliment.

Les bons accessoires

Les barbecues au gaz sont dotés d’un évent à l’arrière qui permet à la fumée de s’échapper. Pas très pratique quand on veut justement fumer ! On peut toutefois contourner ce problème avec certains accessoires.

> La boîte à fumer : on y dépose les copeaux. Le principe est de limiter la quantité d’air et d’empêcher la flamme de toucher au bois. Elle est vendue environ 15 $ dans les magasins spécialisés et certaines quincailleries. On peut aussi déposer les copeaux dans un papier d’aluminium pour former un sachet, et le percer ensuite sur le dessus pour libérer la fumée.

> L’humidificateur : l’humidité fait en sorte que la fumée pénètre dans l’aliment sans l’assécher. Certains accessoires agissent comme humidificateurs, mais un récipient rempli d’eau ou d’un autre liquide peut faire le même travail. L’incontournable, selon Max Lavoie, est le Ribalizer, qui permet de cuire l’aliment par convection et sous pression, comme un presto. « C’est un fumoir en soi. S’il y a 50 $ à investir, c’est dans cet accessoire », estime le spécialiste.

> Un thermomètre à viande : il permet d’évaluer la cuisson. Quand la viande ou le poisson atteint une température interne de 125-140 o, la fumée n’est tout simplement plus absorbée.

Quoi fumer ?

Tout se fume, ou presque – les fromages, les noix, les légumineuses, les légumes, et même les alcools – avec la méthode de fumage appropriée. Puisque la fumée pénètre bien par le gras, on obtient de bons résultats avec les poissons à chair dense et grasse comme le saumon, et les pièces de viande robustes. « Je ne devrais pas le dire parce que les prix risquent d’augmenter, mais le rôti de palette, c’est l’idéal ! », lance le propriétaire de BBQ Québec. Une fois les viandes cuites, Steven Raichlen conseille de les laisser reposer 1 à 2 heures dans un sac isotherme, pour rendre la chair plus tendre et juteuse.

Pro du fumoir, techniques et recettes

Steven Raichlen

Les Éditions de l’Homme, 2017

295 p.

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