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Les surdoses de fentanyl seraient en baisse à Montréal par rapport à l’année dernière. Une tendance qui s'expliquerait notamment par les programmes d’accès à la naloxone, rapporte le SPVM.

surdoses de Fentanyl à Montréal

Vers une baisse du nombre de victimes

À moins d’un revirement spectaculaire dans les deux prochains mois, le nombre de victimes de surdoses de fentanyl – un opiacé 40 fois plus fort que l’héroïne – devrait connaître une baisse cette année à Montréal ou, dans le pire des scénarios, demeurer stable par rapport à l’an dernier.

Selon des statistiques obtenues auprès du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), au 10 octobre dernier, 18 victimes (décédées ou non décédées confondues) de surdose de fentanyl avaient été enregistrées depuis le début de 2018, contre 44 victimes pour toute l’année 2017.

En date d’hier, six de ces victimes étaient mortes des suites d’une surdose au fentanyl, soit le même total que pour toute l’année dernière. Cependant, cinq des personnes décédées cette année d’une surdose de fentanyl sont mortes avant le 31 mai, contre une seule dans les cinq mois suivants.

Les commandants Christine Christie et Marc Langevin, respectivement des divisions Sud et Est du SPVM, ont déclaré à La Presse que la situation était « stable » à Montréal ». 

Ceux-ci tiennent toutefois à préciser que le SPVM ne reçoit pas tous les signalements de surdoses de fentanyl à Montréal et que la police attend encore des résultats d’analyses pour déterminer si le fentanyl est présent ou non dans des cas de surdose.

Il y a également les dossiers dont la cause de la mort ne sera jamais connue. C’est le cas notamment des deux hommes de 25 et 31 ans dont les corps ont été retrouvés dans une camionnette de location garée dans la rue Jarry, près de la rue Foucher, dans le quartier Villeray, dans le nord de Montréal, le 5 juin dernier. Les analyses n’ont pas permis d’identifier la substance qui aurait provoqué leur mort, et le dossier est actuellement considéré comme fermé par le SPVM.

Prévention et répression

Le fentanyl fait des ravages ailleurs, particulièrement aux États-Unis et dans l’Ouest canadien, alors qu’il épargne relativement le Québec et Montréal jusqu’à maintenant. 

La commandante Christie estime que les surdoses de fentanyl constituent « un phénomène instable et que la situation pourrait changer dans six mois ».

Son collègue et elle croient que la situation actuelle s’explique par un heureux mélange de prévention et de répression.

« Depuis juin 2018, il y a des programmes d’accès à la naloxone – un antidote au fentanyl – gratuit dans 15 organismes communautaires de Montréal. Ceux-ci ont une proximité avec les consommateurs, ils ont distribué des trousses, cela a sauvé des vies. »

— La commandante Christine Christie, du SPVM

« Dès que des cas de surdose d’opiacés sont portés à notre connaissance, il y a une prise en charge immédiate. Des moyens sont pris pour identifier les fournisseurs et les trafiquants, et les arrêter. Ils savent que la police va prioriser ces dossiers, et c’est certain que les trafiquants se sont passé le mot, ils ne veulent pas de la chaleur policière », ajoute le commandant Langevin.

Les statistiques d’Urgences-santé semblent elles aussi vouloir démontrer une certaine diminution des surdoses aux opiacés à Montréal depuis la découverte des corps de deux hommes sous le pont Jacques-Cartier, le 25 août 2017.

En août, septembre et octobre 2017, Urgences-santé avait enregistré 73 cas de surdose aux opioïdes à Montréal et Laval comparativement à 40 pour la même période cette année.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse

Les surdoses par fentanyl à Montréal

2017

53

morts par surdose, dont six causées par le fentanyl 

44

surdoses causées par le fentanyl au total

2018

46

morts par surdose, dont six causées par le fentanyl (au 29 octobre)

18

surdoses causées par le fentanyl au total (au 10 octobre)

Saisies totales 

Réalisées par le SPVM du 1er janvier au 10 octobre 2018

Héroïne : 4,42 kg

Fentanyl : 0,08 kg

Fentanyl liquide : 0,453 L

Source : statistiques du SPVM

Fentanyl

Les États-Unis veulent tarir les sources chinoises de fentanyl

Le flot de fentanyl hyperpuissant qui sort en masse des usines chinoises constitue une menace sérieuse pour la santé publique dans le monde, et les gouvernements doivent trouver un moyen de s’attaquer à la source du problème, insiste le premier sous-secrétaire adjoint responsable du dossier au département d’État américain, James A. Walsh. Présent à Montréal pour une réunion d’un groupe de travail du G7, il a fait le point sur la crise avec La Presse.

Les dernières statistiques officielles montrent que les surdoses de drogue avaient fait 64 000 morts aux États-Unis en 2016. Le pire est-il derrière nous ?

« Nous avons eu un taux de mortalité atterrant l’an dernier. Les taux de mortalité continuent d’augmenter, mais il y a un ralentissement. L’augmentation est moins importante. »

Le haut fonctionnaire a bon espoir que les efforts de prévention, d’aide aux consommateurs et de répression du trafic porteront leurs fruits. Mais il est conscient qu’il faudra encore du temps. « Si vous regardez d’autres crises épidémiques liées aux drogues auxquelles nos deux pays ont fait face, cela prend plus d’un an pour y entrer, et cela prend plus d’un an pour en sortir. »

Comment se fait la distribution internationale de fentanyl ?

« La vaste majorité de l’approvisionnement semble venir de Chine. Et nous n’avons pas juste affaire à des dossiers de gros barons de la drogue, où l’on peut attaquer la tête et redescendre dans l’organisation. Il y a plusieurs petits fournisseurs, une diversité d’usines illégitimes et de produits qui peuvent être détournés d’une usine légitime. Il y a plusieurs travailleurs individuels qui exportent pour faire un supplément d’argent. Ce n’est pas le même modèle que nous connaissons avec les cartels mexicains et une structure très organisée. Et le fait qu’ils distribuent par la poste complique encore les choses », souligne M. Walsh.

La détection des envois de fentanyl par courrier s’est améliorée, dit-il, mais les trafiquants s’adaptent : ils envoient le fentanyl en passant par des pays intermédiaires pour atteindre les États-Unis sans attirer les soupçons. À un certain moment, ils faisaient transiter de grandes quantités de leurs envois par l’archipel des Tonga, dans le Pacifique. Qui se méfierait d’un petit colis postal venu d’un minuscule pays tropical, sans industrie pharmaceutique ou chimique significative ?

Y a-t-il moyen de réduire l’offre à la source ?

« Nous avons une relation compliquée avec la Chine actuellement », avance M. Walsh, diplomatiquement. Il souligne que plusieurs pays, pas seulement les États-Unis, travaillent « en coulisses » avec Pékin pour trouver des façons d’améliorer le contrôle dans les usines productrices et pour « aller chercher les criminels qui se cachent en Chine ».

Certains efforts ont déjà porté leurs fruits : après d’intenses discussions, le géant du commerce en ligne chinois, Alibaba, a accepté de resserrer de façon draconienne les contrôles sur sa plateforme afin d’éliminer la vente de fentanyl qui s’y faisait.

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