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L’Oréal mandate Cossette, mais paiera autrement

De plus en plus d’agences de pub sont rémunérées selon les résultats de leurs activités de communications marketing. Il y a 10 jours, Cossette a publiquement fait état d’une entente de ce type signée avec L’Oréal Paris au Canada. Une minirévolution ?

Cossette, la nouvelle agence de communication numérique de L’Oréal Paris au Canada, ne sera pas payée de façon forfaitaire. Les deux parties ont convenu d’une rémunération basée sur les résultats engendrés par le travail de l’agence. 

« Ce type de rémunération se voit de plus en plus et pas juste au Canada, note Stéphane Bérubé, chef de la direction du marketing de L’Oréal Canada. Les annonceurs demandent aux agences de changer leurs méthodes de rémunération, car les performances sont aujourd’hui mesurables plus facilement. »

« Ce n’est rien de nouveau, poursuit toutefois Dominique Villeneuve, directrice générale de l’Association des agences de communication créative (A2C). C’est un sujet dont on discute depuis plusieurs années. Mais ça s’est amplifié avec la venue du numérique. »

Le cinquième (21 %) des contrats avec les agences comportaient des clauses de bonification ou de paiement sur les résultats, en 2012, selon une étude de l’Association canadienne des annonceurs à laquelle 89 annonceurs ont accepté de participer.

L’entente Cossette-L’Oréal survient néanmoins à l’heure où le milieu des communications, du marketing et de la pub cherche à colmater la fuite de comptes, notamment en Ontario, et à pallier la réduction des budgets des annonceurs. Les agences doivent-elles davantage se plier à cette forme de rémunération ?

« Des occasions se créent dans un milieu sous pression », répond Mélanie Dunn, présidente et chef de la direction de Cossette au Canada.

« Il y a de plus en plus de collaboration. Il faut tous prendre des risques ensemble. Cela dit, je ne me sens pas obligée de faire ça. Je ne me sens pas sur la corde raide. »

— Mélanie Dunn, présidente et chef de la direction de Cossette au Canada

PARTENARIAT AGENCE-CLIENT

Les outils de mesure sur l’internet qui se multiplient contribuent à de telles ententes. Le fait de maintenant pouvoir analyser le comportement d’achat des consommateurs et leur engagement sur les réseaux sociaux, notamment. De pouvoir calculer qui visionne quoi, qui relaie quoi et qui achète quoi également.

Mais encore faut-il définir ce qu’est la performance dans un tel contexte et « l’atteinte de résultats ». « Le numérique offre des occasions incroyables sur le plan des résultats », dit Dominique Villeneuve, qui ajoute du même souffle que de telles ententes nécessitent une relation claire, précise et de tous les instants entre le client et l’agence.

« Il faut vraiment croire en un partenariat agence-client, estime-t-elle. L’agence doit avoir confiance dans les décisions d’affaires du client. Et vice versa. C’est souvent beau théoriquement. »

Les défis sont grands. « On propose la bonification à la performance à tous nos clients, raconte par exemple Jacques Labelle, président et chef de la direction de l’agence Saint-Jacques Vallée Y & R. Mais lorsqu’on essaie d’établir de véritables critères de performance, considérés comme justes, ça peut être difficile. »

« Une vraie entente à la performance doit être basée sur les ventes », juge Jean-François Renaud, cofondateur de l’agence numérique Adviso.

« Or, c’est impossible de mesurer précisément ce qui se passe dans un magasin qui n’est pas le tien, comme une pharmacie qui vend tes produits. À mon avis, un résultat basé sur l’engagement des consommateurs est un sous-indicateur des ventes réelles. »

— Jean-François Renaud, cofondateur de l’agence numérique Adviso

Au dire de L’Oréal, sa stratégie numérique repose davantage sur la notion de services proposés plutôt que sur la notion de vente de produits. L’annonceur entrevoit une relation évolutive avec Cossette qui aura pour mandat l’optimisation des plateformes web de L’Oréal, la création de contenus et la relation avec les clients. 

« LE MODÈLE SERA ÉVOLUTIF »

« Nous ne sommes pas dans un modèle de campagne publicitaire, explique Stéphane Bérubé. Pour les résultats, nous estimons facile d’identifier des mesures de performance. Mais ces indicateurs vont être appelés à changer. Le modèle sera évolutif. C’est la beauté et la complexité du numérique. »

« Des inconnues, il y en aura, admet Mélanie Dunn. Il faut adapter le modèle de rémunération, la capacité de réagir en continu. Le client est beaucoup plus engagé avec nous. Il va encourager des comportements d’investissement chez nous. De notre côté, tout le monde aura intérêt à ce que ça fonctionne. Il n’y a pas de limite à ce qu’on va pouvoir accomplir. »

De telles ententes traduisent un désir de plus en plus grand des agences de prendre part aux décisions importantes des entreprises. Et de s’assurer un niveau élevé de loyauté de part et d’autre. « On veut agir comme si c’était notre entreprise, dit Jacques Labelle. On veut être plus qu’un fournisseur. »

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