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Des centaines de mots pour dire la neige

Neige à bonhomme, poudrerie, gadoue, neige mouillée, neige fondante : les Québécois francophones ont bien quelques mots pour décrire ce qui leur est tombé sur la tête hier ou ce qui les attend au cours des prochains mois. Qu’en est-il des autochtones ? Ont-ils autant de mots qu’on l’affirme pour dire la neige ?

Chez les Inuits

La légende urbaine, racontée notamment aux Français de passage, veut que les Inuits aient très précisément 52 mots pour décrire la neige. La réalité est plus complexe que cela, disent les anthropologues et les linguistes qui se sont penchés sur le sujet.

Les Inuits parlent différents dialectes, et l’inuktitut étant une langue dite agglutinante (avec des mots constitués d’un radical de base et d’affixes qui viennent en préciser le sens), ce ne sont pas tant les mots que les combinaisons qui sont innombrables.

Dans son dictionnaire de l’inuktitut du Québec évoqué dans l’Encyclopédie canadienne, Lucien Schneider évoque les mots d’usage très courants comme « qanik » (neige qui tombe), « aputi » (neige sur le sol) et « putak » (neige cristalline sur le sol).

Il parle aussi de « maujaq », qui signifie n’importe quel sol mou dans lequel on peut s’enfoncer (boue, terre marécageuse, sable mouvant), mais qui ne peut se rapporter qu’à de la neige toute molle en hiver.

Louis-Jacques Dorais, dans l’ouvrage The Language of the Inuit, retient 25 termes de base liés à la neige, parmi lesquels « matsaaq » (neige à moitié fondue au sol), « aumannaq » (neige au sol sur le point de fondre), « illusaq » (neige parfaite pour construire un igloo) et « qannialaaq » (petite neige douce).

Dans certains dialectes, on utiliserait des expressions qui désignent « de la neige tassée, fondue, là où un chien a dormi », « la première neige de l’automne » et même « banc de neige formé par un vent du sud-est ».

Chez les Algonquins

Coup de fil à Georges Lafontaine, agent d’information pour le conseil tribal de la nation algonquine anishinabek qui, gentiment, se met à fouiller dans son grand dictionnaire pour nous.

De la neige ? On dit communément « kon », « mais avec tous ses dérivés, il y a près de 200 mots pour dire cela, de la neige. »

— Georges Lafontaine, agent d’information pour le conseil tribal de la nation algonquine anishinabek

Comme les Québécois, les Algonquins ont aussi un terme pour la neige mouillée, mais un autre aussi pour « neige abondante », « petite neige », « neige qui t’arrive en pleine figure ». Ils ont pensé aussi qu’il leur faudrait des expressions toutes faites pour dire « rester pris dans la neige profonde » (nawàham) ou « être enterré sous la neige » (ningwàgone).

Chez les Hurons

Chez les Hurons, il n’y a hélas pas de grand dictionnaire à consulter. « On est en train de travailler là-dessus », dit Marcel Godbout, agent culturel à la nation huronne-wendate.

C’est que si la langue huronne n’est pas morte, « elle est endormie. On a bien une douzaine de manuscrits pour la reconstituer, mais les Hurons ne la parlent plus dans la vraie vie », explique M. Godbout.

En gros, ça se limite à « bonjour », « comment ça va ?».

« Neige », on sait ? Oui, on sait pour neige. C’est « öndinienhta », mais « tempête de neige » s’est perdu.

Chez les Mohawks

Chez les Mohawks, même combat. « Il y a cinq ans, à Kanesatake, on avait fait le décompte, et on était environ 100 personnes à être capables de parler la langue, dit Nancy Howard, qui enseigne le mohawk intensif aux adultes. Là, avec tous les décès, il n’y a plus que 60 personnes et on n’est plus jeunes, jeunes ! »

Âgée de 72 ans, Mme Howard est donc l’une des dernières au Québec à parler la langue à la perfection. « Le mohawk est une langue très descriptive, dit Mme Howard. Il y a des expressions qui désignent les dernières traces de neige, au printemps (“kaniehtaké”), une tempête approche (“tekanien’kwataséhe”), poudrerie (“ionien’kwi:seron”) et « de la glace qu’on peut lancer – “iowisontion” –, un terme qu’on utilise pour parler de pluie verglaçante ».

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