Jean-Marc Mac-Thiong

Le chirurgien qui avait besoin de courir

Après le 20e kilomètre du marathon de Boston, les étudiantes du collège Wellesley s’alignent avec, pour plusieurs d’entre elles, une pancarte « Kiss Me » dans les mains. Pour la première fois, le 15 avril dernier, Jean-Marc Mac-Thiong a jonglé avec l’idée de ralentir la cadence et de donner une petite bise.

« Cette année, j’avais un objectif subjectif. Je voulais apprécier le parcours, prendre du plaisir et ne pas forcer, surtout que mon entraînement avait été so-so. Mais je voulais quand même faire un temps respectable. »

En suivant cette philosophie, l’homme de 44 ans a réalisé un temps de 2 heures, 43 minutes et 6 secondes, ce qui le place au quatrième rang parmi tous les coureurs québécois présents à Boston.

Précision importante, le Montréalais a commencé la course à pied tardivement, à l’âge de 35 ans, et n’a réellement augmenté la cadence qu’à la toute fin de la trentaine. Avec ses fonctions de chirurgien et de chercheur à l’Université de Montréal, il n’a ni le temps ni le désir de suivre un entraînement structuré. Lors des courses, il lui arrive souvent de se retrouver avec des athlètes qui font de 50 à 60 kilomètres de plus que lui par semaine.

« La vraie vie, c’est la famille et le travail. À moins d’être Eliud Kipchoge [le détenteur du record du monde], le sport doit rester un loisir, même si c’est bon de compétitionner », distingue le DMac-Thiong, auteur d’un temps de 2 heures, 39 minutes et 19 secondes à Toronto l’an dernier.

S’il se sent plus performant lors des marathons d’automne – il ira à Berlin en septembre avec un objectif de 2 heures et 37 minutes –, l’épreuve de Boston s’est retrouvée sur son calendrier lors de six des sept dernières années. En 2013, son baptême a été assombri par les attentats rue Boylston, à quelques mètres de la ligne d’arrivée. Bien moins important, à ranger dans la catégorie des petits tracas, la météo a parfois joué de vilains tours. En 2018, les conditions extrêmes, avec le froid et le vent de face, lui ont fait payer très cher son habillement inadapté.

Mais il revient année après année sur la ligne de départ à Hopkington. Pourquoi ? Pour le mythe, le calibre, l’ambiance et l’histoire de cette course inaugurée en 1897. Il y a aussi ce parcours, « spécial », spécifie-t-il, qu’il faut apprivoiser avec le temps.

« La première fois, on a toujours des crampes ou des problèmes de jambes. On fait souvent un mauvais temps parce qu’on ne s’attend pas à ça. La difficulté, ce ne sont pas les montées, même si elles sont mal placées en fin de parcours, mais les descentes », explique le père de deux jeunes enfants.

« Ça descend toujours un petit peu et ça engendre un travail excentrique au niveau des quadriceps. C’est très usant parce qu’il faut toujours se freiner un petit peu. Quand on commence à faire les montées, les jambes bloquent, et on a des crampes. Ça prend de l’expérience pour bien gérer cette situation. »

Courir en toute liberté

Le Dr Mac-Thiong n’était ni un coureur-né ni un jeune athlète qui enchaînait les tours de piste à l’école secondaire. Ses trucs à lui, c’étaient le vélo et surtout le hockey. Mais une blessure à un bras, subie lors d’un match, l’a contraint à modifier ses habitudes. Incapable d’effectuer des opérations, de faire du vélo ou de sauter sur la glace, vers quoi pouvait-il se tourner ?

« Je me suis dit que j’allais commencer à courir puisque je n’avais rien d’autre à faire. Comme je venais du hockey et que je ne savais pas vraiment comment faire, je courais de toutes mes forces pendant une heure. Mon premier marathon a été extrêmement difficile, puis je me suis blessé. J’ai dû faire une longue pause. »

— Jean-Marc Mac-Thiong

Ses problèmes de tendon d’Achille (« C’était même difficile de marcher ») ont mis plusieurs années à disparaître. Mais une fois remis, le chirurgien a adopté de meilleures habitudes avec une progression graduelle et des sorties à différentes intensités. Par contre, il a fait le choix de ne pas se tourner vers un entraîneur. « Faire cinq ou dix minutes de mieux, ce n’est pas important. Je ne suis plus rendu là », lance le chirurgien spécialisé dans les interventions à la colonne vertébrale.

La course à pied va donc bien au-delà de ces quelques minutes grappillées ici et là. Elle représente une période de pure liberté, un ultime refuge entre les exigences de son travail et les responsabilités de sa vie familiale.

« On a tellement de pressions au travail et avec la famille que j’ai choisi de courir sans avoir d’objectifs trop spécifiques, prolonge-t-il. La course, c’est la seule chose que l’on fait encore juste pour nous. Avec un coach, ça viendrait me mettre dans le même pattern que le reste de ma vie. »

La course, passion tardive, ne lui a pas apporté qu’un moyen de s’aérer l’esprit. Elle a aussi été au cœur de son histoire d’amour avec sa femme. « Je l’ai rencontrée au même moment où je cherchais un sport. Elle pratique la course depuis qu’elle est jeune et on a vite eu un intérêt en commun. On court ensemble depuis ce temps-là. »

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