Réseau électrique métropolitain

Que restera-t-il des trains de banlieue ?

Le réseau de trains de banlieue de la métropole souffrira de l’implantation du Réseau électrique métropolitain (REM). Sa ligne principale sera démantelée pour faire place au REM, sa ligne la plus récente n’aura plus d’accès vers le centre-ville et deux autres lignes pourraient perdre une partie de leur clientèle au profit du réseau de trains légers de CDPQ Infra. Après 2020, que restera-t-il des six lignes de ce réseau de transports en commun dans lequel Québec et les municipalités ont investi des milliards de dollars depuis 20 ans ?

DEUX-MONTAGNES : 

QUE VAUT CE VAISSEAU AMIRAL DE 450 MILLIONS ?

La ligne Deux-Montagnes sera complètement intégrée au Réseau électrique métropolitain (REM) de CDPQ-Infra. C’est le vaisseau amiral des trains de banlieue de la métropole. Sa fréquentation d’environ 30 000 usagers par jour représente 40 % de toute la clientèle du réseau (environ 80 000 personnes par jour). En pointe, ses trains sont bondés à la limite de l’inconfort. Malgré ce succès, la ligne périclite depuis 10 ans, faute d’investissements nécessaires pour améliorer les services et assurer son expansion. CDPQ-Infra estime que la « conversion » de cette ligne au train léger permettra d’augmenter la fréquentation de 22 000 usagers par jour, en offrant notamment une fréquence de 10 trains à l’heure, en périodes de pointe.

La modernisation de la ligne de train de banlieue de Deux-Montagnes a coûté 300 millions au début des années 90. L’étagement de la ligne Deux-Montagnes et du chemin de fer du CN, au nord de Montréal, a coûté 60 millions en fonds publics au début des années 2010. Et en 2014, l’Agence métropolitaine de transport (AMT) a acquis ce corridor ferroviaire du CN au coût de 92 millions, pour un total de plus de 450 millions sur 20 ans. Combien CDPQ-Infra va-t-elle payer au gouvernement du Québec pour acquérir l’emprise ferroviaire de 33 kilomètres et ses 12 gares, qui constituent la moitié du futur REM (67 kilomètres, 24 stations) ? Cela inclut le tunnel du mont Royal, qui en sera la colonne vertébrale.

Selon des documents, CDPQ-Infra paiera « la juste valeur marchande ». Mais qu’est-ce que la « juste valeur marchande » pour un corridor exclusif qu’il serait impossible à réaménager en milieu urbain, aujourd’hui, et un tunnel ferroviaire qui coûterait des centaines de millions de dollars à reconstruire, sous la montagne ?

MASCOUCHE : 

LE TRAIN DE 744 MILLIONS QUI N’IRA NULLE PART

Avec la mise en service du REM, en 2020, le train de banlieue de Mascouche, surnommé le Train de l’Est, n’aura plus accès au tunnel sous le mont Royal et n’ira plus au centre-ville de Montréal. Il s’arrêtera désormais à une station de correspondance, baptisée A40, où ses usagers devront sortir du train de banlieue et monter dans le REM pour se rendre jusqu’au centre-ville. Le REM monopolisera le tunnel sous le mont Royal. Tous ses trains provenant de l’aéroport Trudeau, de l’ouest de l’île de Montréal et de la couronne nord y transiteront, en direction du centre-ville, au rythme d’un train toutes les trois minutes, selon les prévisions de CDPQ Infra.

La création du train de Mascouche a coûté un total de 744 millions. Il est en service depuis moins de deux ans et transporte environ 6400 usagers par jour. Son taux d’occupation, en 2015, a atteint 56 %, le plus faible de tout le réseau, et les recettes de ses usagers financent à peine 22 % des coûts d’exploitation annuels, qui ont frisé les 25 millions l’an dernier. Selon certains, l’arrêt du train au tunnel du mont Royal et l’ajout d’une correspondance forcée pour le centre-ville vont réduire considérablement son attrait auprès d’une clientèle encore en développement.

Après 2020, pendant encore combien de temps les autorités publiques accepteront-elles d’éponger des déficits d’exploitation annuels de plus de 20 millions pour l’équivalent, en clientèle, d’un modeste circuit d’autobus ? Si on avait su, aurait-on investi 744 millions dans le Train de l’Est ?

VAUDREUIL-HUDSON : 

LE VIEUX TRAIN MALADE

Cette ligne de train de banlieue relie l’ouest de l’île de Montréal au centre-ville depuis 1889. Avec une fréquentation de 3,7 millions d’usagers par année (près de 16 000 par jour), elle est la deuxième du réseau de l’AMT en ce qui concerne la fréquentation. Celle-ci stagne toutefois depuis plus de cinq ans. Ses trains sont les moins ponctuels du réseau en raison de problèmes d’infrastructures récurrents et de la congestion de ses voies ferrées, utilisées par les trains de marchandises. L’encombrement des voies et l’échec du projet du Train de l’Ouest, qui devait tripler le nombre de départs quotidiens, laissent peu d’espoir d’amélioration notable des services.

Dans ce contexte, le REM pourrait livrer une dure concurrence à la ligne Vaudreuil-Hudson. Son antenne Ouest offrira cinq stations aux résidants de l’Ouest-de-l’Île, dans l’axe de l’autoroute 40, à quelques kilomètres au nord de la ligne Vaudreuil-Hudson. Un trajet qui dure entre 45 et 50 minutes avec le train de banlieue, entre Sainte-Anne-de-Bellevue et le centre-ville, prendra entre 35 et 40 minutes avec le REM. Celui-ci offrira aussi des départs plus fréquents, et sans risque de retards causés par les trains de marchandises, puisque le train léger roulera sur des voies exclusives. CDPQ Infra prévoit 11 000 passagers par jour sur cette antenne dès sa mise en service, en 2020.

Étant donné les coûts d’exploitation très élevés du train de Vaudreuil-Hudson, qui s’élèvent à plus de 32 millions par année, une perte de fréquentation importante au profit du REM pourrait-elle être fatale à cette liaison ferroviaire vieille de 127 ans ?

CANDIAC : 

UN CONCURRENT SUR L’A30

Comme le cas de Vaudreuil-Hudson, la fréquentation de la ligne de Candiac, sur la Rive-Sud, pourrait souffrir de la proximité relative de l’antenne Sud du REM, entre Brossard et le centre-ville. La ligne de train de Candiac est la plus courte du réseau de l’AMT (environ 26 kilomètres), et un parcours complet entre Candiac et le centre-ville prend 40 minutes. En comparaison, les usagers du REM, entre Brossard et le centre-ville, n’auront besoin que de 15 à 20 minutes pour se rendre à la gare Centrale. Nombre de résidants de la Montérégie pourraient être tentés de rouler jusqu’à la station Rive-Sud du REM, d’y laisser leur automobile au stationnement incitatif et de monter dans le train léger. Les quatre gares de la ligne Candiac, sur la Rive-Sud, sont situées à des distances allant de 13 à 25 kilomètres de l’antenne Sud du REM, via l’autoroute 30.

SAINT-JÉRÔME : 

LE TOUR DE LA MONTAGNE

La ligne de train de banlieue de Saint-Jérôme se déploie dans un axe complètement différent du REM, et rien ne laisse croire que sa fréquentation quotidienne de plus de 13 000 usagers souffrira de la concurrence du train léger de CDPQ Infra. La mise en place du REM mettra toutefois définitivement fin au projet d’électrifier la ligne pour la faire passer dans le tunnel du mont Royal jusqu’à la gare Centrale. Ses usagers devront s’y résigner : le train de Saint-Jérôme est condamné à jamais à faire le tour du mont Royal pour aboutir au centre-ville de Montréal. Il faut entre 25 et 30 minutes pour faire le tour de la montagne.

Dans son projet, CDPQ Infra suggère de créer une correspondance entre cette ligne de train et le REM. Le train de banlieue de Saint-Jérôme circule sur des voies du Canadien Pacifique qui passent à un coin de rue seulement de la gare Canora actuelle, avant de faire le tour du mont Royal. La construction d’un quai à l’intersection de la rue Jean-Talon et du chemin Canora permettrait aux usagers de débarquer du train pour emprunter le REM à la future station Canora, jusqu’à la gare Centrale. « Ce n’est qu’une suggestion », insiste le directeur des relations médias de CDPQ Infra, Jean-Vincent Lacroix.

MONT-SAINT-HILAIRE : 

UN TRAIN EN PAIX

La ligne de train de banlieue de Mont-Saint-Hilaire, sur la Rive-Sud de Montréal, transporte près de 10 000 personnes par jour. Elle affiche le meilleur taux de ponctualité du réseau de train de banlieue (97,5 % l’an dernier). Ses gares sont toutes situées à bonne distance du REM, sauf celle de Saint-Lambert. Mais celle-ci est à moins de 15 minutes du centre-ville, en train. Il n’y a pas de raison de croire que cette ligne soit touchée par le REM.

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