Chronique

L’inutile guerre de l’autopartage

Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi la Ville de Montréal s’entête à mettre des bâtons dans les roues à Communauto et à Car2Go ?

J’ai beau chercher, je ne comprends pas.

Ces deux entreprises, l’une québécoise, l’autre allemande, ne méritent que des bravos. Il y a plein de gens, surtou des jeunes, qui ont fait le choix de ne pas acheter d’auto grâce à l’existence des services de véhicules en libre-service (VLS).

Ça ne règle pas tout, surtout que ces entreprises sont de petite taille, mais ça aide à réduire la pollution, la congestion et le nombre d’autos en ville.

Selon une étude de l’Université de Berkeley, chaque VLS contribuerait à enlever de 7 à 11 véhicules de la route. Communauto possède 500 VLS, bientôt 550. Car2Go en a 460.

En plus, ce n’est pas très cher : 38 cents la minute, 12 $ l’heure et 50 $ la journée pour Communauto ; 41 cents la minute, 10 $ l’heure et 60 $ la journée pour Car2Go.

Vous en avez fait l’essai ?

C’est un moyen de transport parmi d’autres. Mais un moyen qui a l’avantage de réduire notre dépendance à la voiture privée. Vous pouvez, par exemple, vous rendre au travail en métro et utiliser un VLS pour revenir chez vous si vous avez des courses à faire en chemin. Ou si vous travaillez très tôt le matin, avant l’entrée en fonction des autobus, prendre un VLS pour aller au boulot et revenir le soir en BIXI, en autobus ou en métro. Vous pouvez aussi prendre un taxi pour vous rendre à l’aéroport et revenir en Car2Go.

C’est un « plus » dans une ville. Pas un « moins ». La question ne se pose même pas.

Partout – et quand je dis partout, c’est partout –, ce service fait fureur. Mais ici, pour une raison inexplicable, on fait tout pour freiner son développement et limiter l’offre. On voudrait tuer ces entreprises qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Tellement que Communauto et Car2Go, pourtant en concurrence, ont décidé de faire front commun pour lancer aujourd'hui une campagne dans les médias sociaux auprès de leurs utilisateurs et dénoncer ce qui semble de l’acharnement à leur endroit de la part de la Ville.

Des exemples : l’administration Coderre plafonne à 800 le nombre de vignettes de stationnement (impossible de remplacer les vieilles autos ou d’en acheter de nouvelles, sauf si elles sont électriques), bloque l’accès au stationnement au centre-ville, impose un échéancier très serré, voire irréaliste, pour remplacer les VLS à essence par des véhicules électriques et augmente de 32 % le coût du permis annuel (de 1000 $ à 1320 $).

Pendant ce temps, l’auto privée, elle, peut aller où elle veut. Et la vignette de stationnement coûte une centaine de dollars, en moyenne.

Si on imposait autant de contraintes à l’auto privée qu’à l’autopartage, on aurait résolu en grande partie le problème de la congestion et du stationnement à Montréal. Mais ce n’est pas ce qu’on fait.

« On livre un service qui fait partie de la solution. On ne comprend pas pourquoi on a tant de problèmes avec la Ville », m’a confié Marco Viviani, directeur, développement et relations publiques, chez Communauto, le plus ancien service d’autopartage en Amérique du Nord, créé à Québec en 1994.

On le sait, Montréal a choisi, pour se démarquer comme ville innovante, de miser sur l’électrification des transports. La Ville a annoncé en mai son intention de se doter d’un système de VLS électriques et d’installer 1000 bornes de recharge d’ici 2020. Un projet audacieux et ambitieux, mais qui a le net désavantage d’étouffer les services en place au lieu de s’en faire des alliés pour mieux réussir l’électrification. 

Ne veut-on pas, d’abord et avant tout, réduire le nombre de voitures sur nos routes ?

C’est le nombre de voitures en partage qui fait la différence, bien plus que le fait qu’elles soient électriques ou non.

« S’il y a des bornes de recharge en quantité suffisante, on va électrifier la flotte, volontiers. On le fait déjà ailleurs dans le monde », assure Jérémi Lavoie, patron de Car2Go à Montréal.

Cherchez l’erreur.

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