DUEL POLITIQUE 

Pour un nationalisme inclusif de dialogue

Pour renouer avec les francophones, plusieurs estiment que le PLQ doit faire preuve de plus de nationalisme. Or que veut dire être nationaliste en 2018 ? 

Au Québec, la Révolution tranquille a transformé notre nationalisme. Nos parents et grands-parents se sont détournés d’un nationalisme voulant conserver l’héritage catholique francophone pour embrasser un nationalisme humaniste au service de l’épanouissement des Québécois. Aujourd’hui plus que jamais, il faut renouer avec ce choix et reconnaître que le Québec a changé depuis. Le nationalisme moderne d’aujourd’hui doit être ouvert, embrasser le dialogue et valoriser les différences.

C’est un tel nationalisme qui permet de surmonter la ligne de fracture dans nos présents débats politiques qui opposent les citoyens du monde parfois détachés de notre société distincte aux nostalgiques d’un Québec passé qui n’existe déjà plus. 

Nous croyons qu’une troisième voie est possible. Nous pouvons choisir un nationalisme positif axé sur l’humain, le respect de la différence et la solidarité face aux enjeux mondiaux que nous devons affronter conjointement avec les autres nations du globe. Notre quête qu’est le développement d’une société francophone en Amérique du Nord doit donc redevenir un vecteur de changements qui visent la liberté et l’épanouissement de tous les Québécois, peu importe leur origine. Cette quête doit être solidaire des autres nations et communautés du pays et non en opposition avec elles.

Cela requiert que nous reconnaissions que nos identités, qu’elles soient québécoises, canadiennes ou autres, ne sont pas mutuellement exclusives. La diversité enrichit notre société et la rend plus apte à affronter ses défis, car le jeu des identités n’est pas un jeu à somme nulle. Notre nationalisme ne doit donc pas viser l’assimilation, mais plutôt une intégration qui fait du français l’élément de partage d’une société diversifiée et plurielle.

Dans nos relations avec les autres communautés du Canada, notre nationalisme doit délaisser la croyance profonde que les intérêts du Québec sont en opposition avec ceux du reste du Canada.

àIl y a bien sûr des différences dans nos aspirations respectives, mais cette différence doit être animée par le dialogue plutôt qu’une logique de rapport de force qui nous fait oublier que le Québec a aussi besoin des autres pour surmonter de nombreux défis.

Par exemple, le hasard de la géographie a doté le Québec de ressources hydroélectriques qui facilitent notre adhésion aux principes du développement durable. Or, la réalité est différente pour plusieurs provinces dont l’économie dépend davantage du pétrole. Le réflexe nationaliste de certains Québécois les amène à penser que la lutte contre les changements climatiques passe donc par le rejet d’un Canada vu comme pétrolier et contraire aux intérêts environnementaux du Québec.

Or, l’urgence climatique nécessite aussi de convaincre les plus grands émetteurs de gaz effet de serre de réduire leur impact environnemental, peu importe qu’ils soient au Québec ou en Alberta. Les intérêts environnementaux du Québec, et de la planète, passent donc par un dialogue avec ces communautés qui vivent dans une réalité différente de la nôtre afin que, pour une fois, nous atteignions nos objectifs de lutte contre les changements climatiques.

Cette logique d’un nationalisme axé sur le dialogue, la liberté, l’épanouissement de chacun dans le respect de la différence s’applique tout autant à la quête d’équité sociale ou aux questions du libre-échange et du commerce entre les provinces. C’est avec un nationalisme humaniste et inclusif que nous aurons un projet politique qui répond aux aspirations de plusieurs générations de Québécois. Alors, nous aurons un projet qui rassemble plutôt que de diviser. C’est avec le rassemblement et la volonté d’élargir la famille québécoise que nous donnerons une vigueur bien moderne à notre quête de voir fleurir une société francophone prospère en Amérique du Nord.

DUEL POLITIQUE

D’identité fondamentale

Pour renouer avec les francophones, plusieurs estiment que le PLQ doit faire preuve de plus de nationalisme. Or que veut dire être nationaliste en 2018 ? 

« Il n’y a pas d’identité fondamentale, pas de courant dominant, au Canada. Il y a des valeurs partagées – ouverture, compassion, la volonté de travailler fort, d’être là l’un pour l’autre, de chercher l’égalité et la justice. Ces qualités sont ce qui fait de nous le premier État postnational. » 

En 2015, dans une entrevue accordée au New York Times, Justin Trudeau affirmait que le Canada était le premier pays s’inscrivant dans une démarche d’affranchissement de la question « nationale ». Qu’à l’exception des limites territoriales que les Canadiens et Canadiennes partagent, rien ne les unit. Cette citation envoie un signal clair : pour le premier ministre canadien, la communauté et l’identité n’existent plus.

Plusieurs ont déjà signé l’arrêt de mort de la nation. A priori, ce verdict semble être partagé par certains. À l’échelle internationale, il tient du lieu commun que la mondialisation engendre un certain désintérêt de l’État-nation. Plus proche de nous, il tient également lieu du fait que les Québécois et Québécoises ont essuyé plusieurs revers et que la question nationale ne semble plus au goût du jour.

L’essoufflement du peuple québécois en regard de la question nationale n’a rien d’anormal, bien au contraire. À l’occasion de la dernière élection générale, il a donné un mandat clair à un gouvernement se proclamant « nationaliste ». Pourrions-nous penser que ce sont les paramètres du débat fédéraliste-souverainiste qui ne fonctionnent plus ?

D’identité nationale

En tant que nation francophone en Amérique, nous avons un destin particulier qui s’inscrit dans une volonté d’ouverture et d’affirmation. Souscrire à cette idée, c’est souscrire au nationalisme québécois.

Quand je regarde autour de moi, les Québécois et Québécoises – de toutes générations – partagent bien plus qu’un territoire. Ils partagent une langue commune, un modèle d’intégration qui leur est propre, l’interculturalisme, une volonté de collaboration avec les nations autochtones, une culture nationale forte et diversifiée, des valeurs entrepreneuriales, un système juridique distinct, un attachement profond à leur territoire et à leurs richesses, et j’en passe.

Les retombées de notre nationalisme sont bien concrètes. D’abord, la Révolution tranquille avec Lesage, un gouvernement qui décide de s’affranchir du clergé et de proclamer son autonomie dans des secteurs clés : nationalisation de l’électricité, système public d’éducation, Caisse de dépôt et placement. Puis, les années 1970-1980 avec le gouvernement Lévesque : défense de la langue française, loi 101, démarrage du Fonds de solidarité FTQ.

Un constat s’impose : le nationalisme québécois est le véhicule politique qui a mis au monde notre État providence, qui rivalise aujourd’hui avec d’autres États comme l’un des plus égalitaires du monde.

D’identité internationale

Les gouvernements des dernières décennies ont eu en commun – à l’exception du gouvernement Couillard – une attitude nationaliste face à Ottawa et au monde entier. Même Jean Charest, alors premier ministre, croyait au rôle que le Québec pouvait jouer à l’échelle mondiale. Il s’était d’ailleurs rendu en France, pour forcer la main d’Ottawa et de Bruxelles à négocier l’un des principaux accords commerciaux de notre époque, l’Accord commercial entre le Canada et l’Union européenne. Dans un contexte de mondialisation, l’autonomie politique d’une nation est le seul statut permettant à celle-ci de se développer sur la scène internationale tout en préservant ses acquis.

Le nationalisme québécois permet également de résister au rouleau compresseur américain. Les économies nationales doivent survivre pour que le marché mondial soit représentatif de notre monde et de sa diversité. Il en va de même pour les identités nationales.

D’hier à aujourd’hui

En 1990, Robert Bourassa prononçait ces mots percutants après l’échec de l’Accord du lac Meech : 

« Monsieur le président, le Canada anglais doit comprendre de façon très claire que, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement. »

Cette réalité juridique, politique, économique, culturelle et sociale n’est pas moins vraie aujourd’hui, près de 30 ans plus tard. Le Parti libéral gagnerait à retourner à ses racines.

L’IRAI est un institut de recherche indépendant dont la mission est de réaliser, diffuser et rendre accessibles des études sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales.

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