Plomb dans l’eau

Québec en est encore à parfaire sa directive aux commissions scolaires

Québec n’a toujours pas envoyé sa directive aux commissions scolaires sur la façon de tester le plomb dans l’eau potable comme le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, s’était engagé à le faire, mais ce retard pourrait cacher une bonne nouvelle.

Selon nos informations, la rencontre du ministre Roberge avec des experts – dont Michèle Prévost de Polytechnique Montréal et Michel Lucas du projet VisezEau – mercredi dernier a convaincu M. Roberge que la méthode actuelle utilisée au Québec pour mesurer le plomb dans l’eau était inefficace.

« J’ai senti que le gouvernement prenait la question au sérieux et qu’il voulait bien faire les choses », a dit Mme Prévost, titulaire de la Chaire industrielle en eau potable de Polytechnique Montréal, à La Presse, hier, sans toutefois présumer du choix que le ministre fera.

Rappelons que dans une enquête de La Presse révélant que l’eau de certaines écoles de la région montréalaise contenait trop de plomb, maints experts, dont Mme Prévost, dénonçaient la méthode de prélèvement actuelle, qui consiste à faire couler l’eau cinq minutes avant de la prélever.

Nous avons mené des tests « collés sur la réalité des enfants » en collaboration avec l’Université de Montréal en prélevant l’eau de fontaines de 24 écoles de la grande région de Montréal sans écoulement préalable. Pour 4 des 24 écoles, le taux de plomb dans l’eau dépassait la recommandation de Santé Canada de 5 microgrammes par litre (la norme québécoise, elle, est de 10 microgrammes par litre, et le protocole stipule que l’eau doit couler cinq minutes avant la prise de l’échantillon).

« IL Y A URGENCE »

Après la publication de notre enquête ainsi que de celle du Soleil, qui révélait un problème similaire dans la région de Québec, le ministre de l’Éducation a ordonné que toutes les écoles soient testées. Or, dans sa première directive envoyée aux commissions scolaires, le ministre Roberge ne précisait pas quelle méthode il privilégiait et indiquait qu’une directive plus précise de la Direction des infrastructures serait envoyée d’ici le 18 octobre, soit hier.

Cependant, en date d’hier, cette directive n’avait toujours pas été envoyée. « La lettre devrait partir la semaine prochaine. Nous devons terminer sa bonification en fonction des recommandations et conseils des experts de VisezEau à la suite de leur rencontre mercredi [dernier] », a fait savoir l’attaché de presse du ministre Roberge, Francis Bouchard.

La Presse a aussi révélé que l’eau de 300 écoles et garderies avait été testée en moyenne chaque année depuis 2013, alors que le Québec compte 3236 écoles et 17 200 garderies.

« Pendant qu’on évalue quelles sortes de tests on veut faire, dans les nombreuses écoles qui n’ont pas encore été testées, il y a des enfants qui boivent de l’eau qui contient trop de plomb », déplore quant à lui le professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal Sébastien Sauvé. « Il y a urgence de les tester en mesurant l’eau du premier jet. »

UN CHOIX CRUCIAL

Les choix de la méthode et du taux sont cruciaux pour déterminer l’ampleur du problème, selon les experts consultés par La Presse. Mme Prévost a recommandé au ministre d’exiger que les tests se fassent sans faire couler l’eau cinq minutes avant de tester – en d’autres mots, sans écoulement préalable. En effet, à ses yeux, « faire couler l’eau cinq minutes, c’est la façon parfaite de cacher le problème ».

D’ailleurs, à la suite de notre reportage, la Commission scolaire de Montréal – la plus grosse au Québec – a envoyé une lettre à toutes ses directions d’école pour leur assurer que les tests allaient être réalisés le plus tôt possible, dès réception des directives de Québec sur les méthodes et les outils à utiliser.

Parmi les chercheurs de VisezEau, projet du ministère de la Santé et des Services sociaux pour remplacer la consommation de boissons sucrées dans les écoles par la consommation d’eau potable, Mme Prévost ainsi que deux autres collègues avaient démissionné l’hiver dernier après que Québec eut retiré le volet sur la qualité de l’eau.

Une semaine après les enquêtes de La Presse et du Soleil, Le Devoir, en collaboration avec des étudiants en journalisme de Concordia et Global News, a révélé que le problème ne touchait pas seulement les écoles, mais aussi les résidences privées.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.