OPINION

LA SANTÉ ET LES ÉLECTIONS DE 2018
Quel parti pourrait remettre le système sur ses rails ?

Les manœuvres, grandes et petites, sont déjà engagées en vue des élections d’octobre 2018. Si on en juge par les sondages, rien n’est assuré. Les gens, insatisfaits et sceptiques vis-à-vis la classe politique, souhaitent des changements sans trop savoir lesquels.

Les enjeux susceptibles de faire l’objet de débats sont nombreux. Il est encore trop tôt pour identifier ceux sur lesquels l’élection va se jouer. Il faut à ce sujet se rappeler que ce sont les électeurs qui font ces choix. Non pas les partis politiques, qui aimeraient bien fixer le programme eux-mêmes.

Aussi, les préoccupations des gens au sujet de la santé vont inévitablement occuper une place importante dans les débats à venir. Les déclarations et les échanges ont d’ailleurs déjà commencé. Car la santé, contrairement aux autres questions, touche tout le monde. Son importance est telle qu’elle accapare près de la moitié du budget du gouvernement et prive bien souvent les autres secteurs de budgets essentiels.

Et, à un an des élections, les partis de l’opposition sont bien conscients que les sondages indiquent que la majorité des Québécois sont loin d’être satisfaits de leur système de santé.

On fait état des difficultés d’avoir un rendez-vous en temps utile, des visites minutées chez les médecins (la « médecine McDonald’s »), des longs délais et des reports fréquents dans les traitements, de l’engorgement des urgences, etc. La semaine dernière, nous apprenions que la Protectrice du citoyen déplore la diminution des soins et services aux personnes âgées en perte d’autonomie.

De leur côté, les infirmières et autres travailleurs de la santé se plaignent d’être débordés et souvent exténués. Il existe un sentiment à l’effet que la situation se détériore. Nous sommes loin des 300 groupes de médecine familiale et des 50 supercliniques promises par le ministre.

Réforme nécessaire

L’état du système est tel qu’une majorité de Québécois sont convaincus qu’une réforme en profondeur est nécessaire. Tous les organismes qui ont analysé notre système, le Commonwealth Fund, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) et le Commissaire québécois à la santé, concluent que des changements fondamentaux sont absolument essentiels.

Fait nouveau intéressant, de plus en plus de jeunes médecins brisent le silence et réclament ouvertement des changements non pas pour accroître leurs revenus, mais pour mieux répondre aux besoins des personnes qui font appel à leurs services.

Les enjeux du système de santé sont connus. Il est évident que le ministre ne peut gérer à lui seul le système à coups de gueule, de sanctions, d’intimidation et de brassage de structures. Les principes élémentaires d’une saine gouvernance doivent retrouver leur place et le patient doit être replacé au centre du système.

Les changements nécessaires afin de rééquilibrer le système et y réintroduire le bon sens vont être nombreux et complexes. Une tâche de longue haleine qui va s’étaler sur des mois et possiblement des années.

Un projet qui va nécessiter un effort majeur en fonction d’une stratégie dans laquelle tous les intervenants seront appelés à s’impliquer et à collaborer. Cela dans le respect de ceux qui ne partagent pas nécessairement les vues du ministre et qui doivent avoir la liberté de s’exprimer sans crainte de représailles.

L’organisation des services doit aussi être mise en place afin de répondre à la demande accrue de services provoquée par le vieillissement de la population. Un vieillissement plus rapide au Québec que partout ailleurs dans le monde, sauf au Japon. Il s’agit d’un énorme défi dans lequel nous sommes déjà engagés. Le système, qui peine présentement à suffire à la demande des personnes âgées, va voir leur nombre augmenter de près de 1 million au cours des 15 prochaines années.

Rémunération des médecins

Au-delà de ces questions, celle de la rémunération des médecins et particulièrement des médecins de famille va sûrement retenir l’attention. Elle doit être revue en profondeur. La récente entente avec leur fédération (la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la FMOQ), négociée dans le plus grand secret, ne laisse aucun doute à ce sujet.

Suivant l’intention du budget Leitão de réinvestir dans les établissements de santé les sommes dégagées chez les médecins, on s’attendait à une pause dans leur rémunération. C’est loin d’être le cas. L’entente prévoit des augmentations sur trois ans et des paiements forfaitaires à tous les médecins de famille incluant les retraités.

De plus, le gouvernement a cédé à la FMOQ la répartition des enveloppes de rémunération et aucune modification n’a été apportée à la rémunération à l’acte. Il s’agissait pourtant de deux questions fondamentales. Force est de conclure que le gouvernement a cédé sur toute la ligne face à la FMOQ, qui a pourtant une bonne part de responsabilité dans la situation actuelle.

Une lourde responsabilité

À l’aide de cette toile de fond, voyons comment la question de la santé se présente sur le plan politique.

En premier lieu, il est évident qu’après 15 années de pouvoir quasi ininterrompues, il va être difficile, sinon impossible pour Philippe Couillard et son ministre de s’engager à réformer notre système de santé. Ce serait de toute façon admettre qu’ils ont échoué.

Ce qui signifie que les Québécois auront en réalité à choisir entre les trois partis en lice. Mais comme il n’est guère possible de discuter sérieusement, dans le contexte d’une campagne électorale, des questions complexes comme celles liées à la santé, les électeurs vont en fin de compte devoir choisir le parti qui donnera les meilleures garanties de remettre le système sur ses rails et qui présentera une personne capable d’assumer cette lourde responsabilité.

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