ZOOM

Comment parler « Trump » ?

Le prochain président des États-Unis a une façon bien à lui de s’exprimer en multipliant les superlatifs tout en se spécialisant dans le coq-à-l’âne. Le résultat est souvent déroutant, jamais ennuyant. Vous voulez parler « Trump » ? Petit guide pratique.

Les mots : 

I (je) ou me (moi) ou my (mon) 

Donald Trump est-il narcissique ? Dans une analyse réalisée par deux spécialistes du Calvin College, Kristin Du Mez et Katelyn Guichelaar ont calculé que le président désigné a fait référence à lui-même 850 fois dans 7 discours tenus pendant la campagne présidentielle. Au total, 3,3 % des mots qu’il utilise font référence à lui-même.

Very (très) 

C’est l’un des mots préférés du président désigné. Il l’utilise à profusion, souvent à répétition. C’est le mot qu’il a le plus utilisé pendant sa conférence de presse du 11 janvier dernier, soit à 71 reprises.

« We’re going to have a very, very elegant day. The 20th is going to be something that will be very, very special ; very beautiful. (Nous allons avoir une journée très, très élégante. Le 20 janvier prochain sera une journée très, très spéciale, très belle.) »

Tremendous (énorme) 

Un autre des qualificatifs que Donald Trump affectionne particulièrement. C’est l’un des mots qu’il a le plus utilisés dans les sept discours analysés par les experts du Calvin College.

« Who knows, but maybe the intelligence agencies which would be a tremendous blot on their record if they in fact did that. A tremendous blot, because a thing like that should have never been written. (Qui sait, mais peut-être que les agences de renseignement vont se retrouver avec une énorme tache à leur dossier. Une tache énorme, parce qu’un tel rapport n’aurait jamais dû être rédigé.) »

Great (grand ou formidable) 

Le président désigné a utilisé le mot « grand » (great) à 25 reprises au cours de sa conférence de presse du 11 janvier. Dans cet exemple, il n’hésite pas d’ailleurs à reprendre plusieurs de ses qualificatifs préférés.

« Over the weekend, I was offered a $2 billion to do a deal in Dubai with a very, very, very amazing man, a great, great developper from the Middle East, Hussein Damack, a friend of mine, great guy. (Au cours de la fin de semaine, on m’a fait une offre de 2 milliards de dollars pour conclure une entente à Dubaï avec un homme très, très, très incroyable, un grand, grand promoteur immobilier du Moyen-Orient, Hussein Damack, un ami à moi, un homme formidable.) »

Big (gros) 

Donald Trump utilise très souvent les mots « big » (gros) ou « bigger » (plus gros) pour qualifier certaines de ses affirmations.

« A lot of car companies are going to be moving in, we have other companies – big news is going to be announced over the next couple of weeks about companies that are going to be building in the Midwest. We saw yesterday Fiat Chrysler ; big, big factory going to be built in this country as opposed to another country. (Plusieurs constructeurs automobiles vont déménager aux États-Unis, de grosses nouvelles seront annoncées dans les prochaines semaines à propos de constructeurs qui vont ouvrir des usines dans le Midwest. Nous avons vu hier Fiat Chrysler qui a annoncé qu’une grosse, grosse usine serait construite dans notre pays plutôt qu’ailleurs.) »

D’autres mots fétiches du président désigné : fantastic (fantastique), a lot (beaucoup), incredible (incroyable), horrible (horrible), bad (mauvais), billions (milliards).

Les phrases : 

Donald Trump est un politicien atypique. Il suit très rarement un texte préparé à l’avance lorsqu’il prend la parole en public. Le résultat, c’est que le président désigné est totalement imprévisible. Il change aussi de sujet en plein milieu d’une phrase, pour revenir plus tard à son idée initiale.

En juillet 2015 alors qu’il critiquait l’accord international au sujet du programme nucléaire iranien et qu’il concluait que cette entente était mauvaise pour les États-Unis : 

« Look, having nuclear – my uncle was a great professor and scientist and engineer, Dr. John Trump at MIT ; good genes, very good genes, okay, very smart, the Wharton School of Finance, very good, very smart… (Au sujet du nucléaire – mon oncle, le Dr John Trump, était un grand professeur, un scientifique et un ingénieur au MIT ; de bons gènes, de très bons gènes, O.K., très intelligent, il est allé à l’École de finance Wharton, très bon, très intelligent…) »

Le 11 janvier 2017, au cours de sa première conférence de presse comme président désigné : 

« And we focused very hard in those States and they really reciprocated. And those States are gonna have a lot of jobs and they’re gonna have a lot of security. They’re going to have a lot of good news for their veterans. And by the way, speaking of veterans, I appointed today the head secretary of the Veteran Administration, David Shulkin. And we’ll do a news release in a little while. Tell about David, he’s fantastic, he’s fantastic. He will do a truly great job. (Et nous avons travaillé très fort dans ces États et ils ont voté pour moi. Et ces États auront beaucoup de nouveaux emplois et ils seront plus en sécurité. Et il y aura beaucoup de bonnes nouvelles pour leurs anciens combattants. En passant, en parlant d’anciens combattants, j’ai nommé aujourd’hui David Shulkin ministre des Anciens combattants. Nous publierons un communiqué de presse sous peu. David est fantastique, il est fantastique. Il va faire un travail vraiment génial.) »

Le « langage Trump » décortiqué

Imprévisible 

Selon Rafaël Jacob, spécialiste de la politique américaine et chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, Donald Trump s’exprime d’une façon tout à fait inhabituelle. « Je ne vois aucun autre président à qui le comparer. C’est très rare qu’il suive un texte rédigé à l’avance. Le résultat est souvent imprévisible. »

Problème de concentration 

Dans une entrevue au magazine Vox, Geoffrey Pullum, professeur de linguistique à l’Université d’Édimbourg, avance que la façon de s’exprimer du président désigné est le résultat d’un problème de concentration. « Ses discours me laissent croire que ses pensées sont désorganisées, qu’il a une faible capacité de concentration et qu’il manque de discipline et de capacité analytique. »

Les techniques d’un vendeur 

Selon George Lakoff, linguiste à l’Université Berkeley, Trump met plutôt à profit ses 50 ans d’expérience comme vendeur, rapporte Vox. Il utilise les mêmes techniques que les vendeurs. Il laisse croire qu’il sait de quoi il parle, il répète ses phrases quand il veut renforcer une affirmation. « C’est là qu’il est à son mieux. »

Source : Vox

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.