TVA demande de réduire ses dépenses en émissions canadiennes
OTTAWA — Citant ses « difficultés financières » et les « changements majeurs » sur le plan financier au petit écran, le Groupe TVA demande au CRTC la permission de réduire de 80 à 70 % ses dépenses en émissions canadiennes à la télé. Le Groupe TVA s’oppose aussi à l’introduction d’un critère de « reflet local » dans les nouvelles locales de ses chaînes généralistes.
Les trois principaux groupes de la télé québécoise privée – le Groupe TVA, Bell Média et le Groupe V Média – sont cette semaine à Laval en audiences devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), à qui ils demandent tous des allégements réglementaires dans le cadre du renouvellement de leurs licences télé. Les audiences commencent ce matin.
Le plus important groupe média au Québec, le Groupe TVA, propose que la part des émissions canadiennes passe de 80 à 70 % de son budget de programmation. Est-ce à dire que le Groupe TVA dépensera moins en programmation canadienne ? Tout en qualifiant son seuil proposé de 70 % de « très raisonnable et même généreux », TVA indique se baser « sur les résultats des trois dernières années et sur les prévisions des cinq prochaines années » pour en arriver à ce chiffre. « Notre engagement envers le contenu canadien et sa promotion est demeuré et demeurera notre priorité », indique le Groupe TVA dans ses documents transmis au CRTC.
Depuis 2012, les chaînes de télé généralistes de TVA, qui étaient tenues par leurs conditions de licence de dépenser au moins 80 % de leur budget de programmation en émissions canadiennes, y ont finalement consacré entre 88 et 89 %. Mais voilà, le nouveau seuil de 70 % proposé par le Groupe TVA est un pourcentage global à la fois pour les huit chaînes généralistes (le réseau TVA) et les cinq chaînes spécialisées (Addik, Yoopa, Prise 2, Casa, Moi & Cie). Le Groupe TVA n’a pas voulu indiquer à La Presse le pourcentage de dépenses en émissions canadiennes pour ce groupe de 13 chaînes au cours des dernières années.
Autre débat à prévoir au début des audiences aujourd’hui : la définition des « nouvelles locales » devant être produites par les chaînes généralistes en région.
L’an dernier, le CRTC a prévenu les chaînes généralistes – tenues par leurs conditions de licence de produire du contenu local, en pratique des bulletins de nouvelles – qu’il introduira un critère de « reflet local » dans les bulletins de nouvelles plutôt que de seulement vérifier si le bulletin était produit localement.
Le Groupe TVA s’oppose à cette idée, « un défi de taille » qui serait « laborieux et coûteux ». Le Groupe TVA reconnaît que l’idée est « pertinente, en théorie », mais « difficilement réalisable sur le plan pratique », rappelant le caractère imprévisible de l’actualité.
Si le CRTC impose un tel quota de « reflet local » pour les nouvelles locales, le Groupe TVA craint de devoir modifier ses bulletins de nouvelles dans le cas d’événements majeurs comme le 11 septembre 2001 ou les incendies de forêt de Fort McMurray. « Nous serions obligés de minimiser la couverture médiatique de grands événements d’actualités de pertinence locale afin de présenter des nouvelles locales reflétant la réalité locale, et ce, peu importe s’il s’agit de nouvelles anodines ou d’importance », écrit le Groupe TVA au CRTC.
Le Groupe TVA demande aussi de continuer d’être exempté d’un deuxième seuil de dépenses pour des émissions dites « d’intérêt national » (les drames, les comédies, les documentaires, les émissions de musique et variétés, les documentaires). Le Groupe TVA fait valoir que ce seuil réglementaire n’est pas nécessaire car ces « émissions occupent tout de même une place prépondérante sur nos ondes », soit environ 19 % des revenus du Groupe TVA. À titre de comparaison, les chaînes francophones de Bell Média sont obligées de consacrer 12 % de leurs revenus aux émissions d’intérêt national. Bell Média demande justement au CRTC de réduire ce seuil de dépenses d’émissions d’intérêt national pour ses chaînes spécialisées de 12 à 5 % de ses revenus en français, comme c’est le cas pour ses chaînes anglophones.
Les conglomérats de la télé auront fort à faire pour convaincre le CRTC : en élaborant sa politique réglementaire en 2015, l’organisme a indiqué son intention d’imposer à chaque groupe un seuil de dépenses d’émissions canadiennes et un seuil de dépenses pour les émissions d’intérêt national. Ces exigences remplacent les traditionnels quotas d’heures d’écoute de contenu canadien. « La question [des audiences] va être : comment allons-nous mettre en place la politique qu’on a déjà décidée dans Parlons télé [en 2015] par rapport aux licences ? », a dit le président du CRTC, Jean-Pierre Blais.