Questions pour un patron

Acquérir pour grandir

La Presse Affaires donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d’entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Robert Coallier, chef de la direction d’Agropur, répond aujourd’hui aux questions de François Olivier, président et chef de la direction de TC Transcontinental.

Depuis votre arrivée à la tête de l’entreprise en février 2012, vous avez propulsé le développement d’Agropur, notamment grâce à de multiples acquisitions. Comment votre organisation réussit-elle à gérer cette croissance accélérée ?

Au cours de notre histoire, on a réalisé au-delà de 140 fusions et acquisitions. Les quatre dernières années s’inscrivent dans la même tradition. On s’assure que chaque acquisition répond aux grands principes qu’on s’est fixés pour notre développement. Les 11 transactions réalisées depuis 2012 se sont faites dans cet esprit-là et dans des secteurs que nos équipes connaissent très bien. On a donc été en mesure de minimiser considérablement nos risques d’intégration. Comme entreprise, c’est essentiel de s’adapter à nos nouvelles réalités, tant de taille que de marché.

On a aussi misé sur la croissance organique. On va la chercher à travers le développement de nos marques fortes, l’innovation, notre structure de coûts compétitive et notre capital humain exceptionnel.

Agropur évolue sur la base du modèle d’affaires d’une coopérative. Quels en sont les grands avantages et les défis dans l’environnement d’affaires d’aujourd’hui ?

Le modèle est très pertinent dans le monde d’aujourd’hui. Nous sommes une coopérative, mais aussi une entreprise. On se distingue particulièrement par nos valeurs, nos propriétaires et notre gouvernance. En 1938, lorsque Agropur a été fondée, nos membres se sont regroupés pour se donner un outil industriel de transformation efficace. Aujourd’hui, on veut rester fidèles à la vision de pérennité de nos membres. On s’appuie sur une stratégie qui inclut : avoir des marques fortes, être un fournisseur de choix, transformer le lait en produit innovateur à valeur ajoutée et créer un environnement de travail dynamique axé sur la performance.

Cette vision nous a permis de faire des gestes audacieux, comme le lancement de IÖGO qui atteint près de 13 % de parts de marché au Canada après trois ans. Notre modèle sert aussi au développement des régions par l’entremise des ristournes à nos membres, qui sont investis dans l’économie locale.

Vous avez décidé de développer vos activités aux États-Unis. Quels sont les défis et comment limitez-vous le risque ? Considérez-vous une expansion au-delà de l’Amérique du Nord ?

C’est important pour nous de demeurer un joueur significatif. Comme dans toute entreprise, le développement peut entraîner des éléments de risque à court terme. Lorsqu’on prend ces décisions, on regarde davantage l’impact sur le long terme. On a fait d’excellentes acquisitions même si les marchés ont été plus difficiles. On a été en mesure de livrer des résultats de croissance en 2015 et 2016 s’annonce encore comme une bonne année. On considère qu’on peut encore se développer en Amérique du Nord. C’est notre priorité.

Comment assurer l’intégrité et l’évolution du système canadien de gestion de l’offre dans un contexte où le commerce international prend de plus en plus d’ampleur ?

On doit d’abord considérer le système de gestion de l’offre comme un choix de société. Au Canada, contrairement à la majorité des pays, on a décidé de ne pas subventionner le secteur laitier, mais plutôt de mettre en place une gestion de l’offre. Celle-ci permet aux producteurs laitiers d’avoir un revenu prévisible, aux transformateurs, un marché stable et aux consommateurs, un produit de qualité à juste prix.

Ça fait au-delà de 40 ans que le système existe, il a fait ses preuves. Une étude du Boston Consulting Group de 2015 démontre que notre système se compare avantageusement aux autres modèles à l’échelle mondiale. Il est essentiel de le préserver, mais ça prendra une volonté gouvernementale forte.

D’abord une coopérative régionale, Agropur est devenue un leader nord-américain. Quels sont les facteurs qui lui ont permis de traverser le temps avec succès, et ce, de façon durable ? Comment préparez-vous la relève ?

Le fait que notre modèle d’affaires est aussi fort est une des raisons qui expliquent notre succès. On n’a jamais eu peur de se transformer tout en mesurant les risques. On entend bâtir notre futur sur les mêmes bases. On est aussi convaincus qu’il faut préparer une relève forte. On investit plus que jamais dans le capital humain. On a fait un investissement exceptionnel dans notre nouveau siège social. On a créé un environnement complètement ouvert, avec des lieux de collaboration. On met en place des outils de gestion modernes, que ce soit pour le leadership ou la formation. Notre désir, c’est d’attirer et de retenir les meilleurs talents.

À lire la semaine prochaine :  Alain Bellemare, PDG de Bombardier, répond aux questions de Robert Coallier

LE PARCOURS DE ROBERT COALLIER EN BREF

ÂGE : 56 ans

ÉTUDES : Robert Coallier est titulaire d’un baccalauréat de l’Université McGill et d’un MBA de l’Université Concordia.

EN POSTE DEPUIS : février 2012

NOMBRE D’EMPLOYÉS : près de 3000 au Québec

AVANT D’ENTRER CHEZ AGROPUR : il a été notamment vice-président directeur de Molson, puis responsable des activités brésiliennes du groupe et chef de la direction financière de Dollarama. Il a auparavant travaillé à la Caisse de dépôt et placement du Québec comme cadre supérieur.

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