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La médiation familiale a ses limites

La médiation familiale a sans conteste contribué à pacifier les relations entre des conjoints en cours de séparation ou de divorce. Toutefois, elle ne résout pas tout et peut même créer des frustrations. Mieux vaut en connaître les limites pour profiter au maximum de ses avantages.

Sylvie a suivi une procédure de médiation familiale lorsque son ex-conjoint l’a quittée alors que leur fils était au début de l’adolescence. Vulnérable, elle traversait une phase très éprouvante de sa vie. « J’ai trouvé ce processus frustrant. J’aurais voulu que le médiateur fasse comprendre à mon ex que ce qu’il avait fait n’était pas correct. Mais il n’est pas là pour ça, je l’ai bien compris par la suite », se souvient Sylvie qui, plusieurs années plus tard, en garde encore un goût amer.

Cette réalité, Me Marie-Élaine Tremblay la connaît bien. Avocate et médiatrice familiale à Montréal, elle voit souvent arriver à son bureau des ex-conjoints qui veulent remettre en cause l’entente conclue en médiation familiale parce qu’ils « se sont sentis lésés par le processus ». 

« Sur le moment, les gens sont parfois vulnérables et angoissés, si bien que le fait d’arriver à un accord minimum les rassure et ils s’empressent de le signer mais après, ils se rendent compte qu’ils avaient droit à bien plus », poursuit MTremblay.

La médiation familiale est un processus de résolution de conflit permettant aux couples en cours de séparation de convenir d’une entente à l’amiable en présence d’un médiateur, qui peut aussi être un avocat, un psychologue, un notaire ou un travailleur social. Cinq heures de ce processus sont payées par le gouvernement pour les couples qui ont des enfants.

Rechercher le consensus

« Il faut bien comprendre que le médiateur ne prend pas parti pour l’un ou pour l’autre et ne peut pas donner de conseils juridiques. Il est là pour aider les gens à prendre des décisions, mais ce sont eux qui les prennent au final », souligne Farah-Anne Jean-Pierre, médiatrice familiale, travailleuse sociale et directrice du Centre d’expertise familiale, à Terrebonne. 

L’objectif est d’atteindre un consensus et de protéger les enfants. « Quand on cherche la meilleure solution pour les enfants, un parent peut sentir que ce n’est pas la meilleure pour lui », souligne cependant Mme Jean-Pierre.

Toutefois, la présence d’une tierce personne est un atout de taille dans des situations où « la charge émotive est très forte », assure Farah-Anne Jean-Pierre. 

« En s’asseyant avec une personne extérieure et neutre, le couple en séparation se sent en sécurité et arrive à se parler », poursuit-elle. Les chiffres le prouvent d’ailleurs : plus de 8 couples sur 10 arrivent à une entente. Si le processus n’existait pas, tous les couples, comme avant, se présenteraient devant les tribunaux. Or, « le jugement d’une cour ne règle pas le problème et peut même l’aggraver car la procédure judiciaire pousse les gens à entrer en guerre », estime la travailleuse sociale.

« La paix plutôt que la justice »

Un point sur lequel diverge d’avis Sylvette Guillemard, professeure en procédure civile à la faculté de droit de l’Université Laval. « Parfois, il vaut mieux crever l’abcès plutôt que de mettre des pansements sur la plaie, avance-t-elle. Le fait que la décision vienne d’une autorité supérieure comme un juge peut non seulement paraître comme un facteur de protection pour une personne vulnérable, mais aussi être mieux acceptée. Le consensus a des limites. Par la médiation, on cherche la paix plutôt que la justice. »

Or, les deux parties ne sont pas toujours équilibrées. « Il y a souvent des jeux de pouvoir. Les gens ont vécu plusieurs années ensemble, ils connaissent bien les forces et les faiblesses de l’autre et ils peuvent en jouer », constate MMarie-Élaine Tremblay. Les médiateurs ont comme devoir, s’ils s’en rendent compte, de déjouer ces situations. « Mais c’est souvent très subtil », reconnaît l’avocate.

De plus, « la médiation se fait souvent dans un moment de crise, ce qui n’est pas un bon moment pour prendre des décisions. Les gens pensent qu’il ne faut pas faire de vagues, qu’il faut être d’accord sur tout. L’accord est acquis au prix de renoncements. Quand ils se rendent compte, plus tard, qu’ils ont accepté des choses qui ne leur conviennent pas, ils ressentent de la frustration », affirme Sylvette Guillemard.

Une procédure qui doit prendre son temps

Sylvie s’aperçoit aujourd’hui qu’elle a entrepris le processus de médiation trop tôt. « Quand on a les émotions à fleur de peau, c’est plus difficile de prendre des décisions avisées. On peut céder sur des choses qu’on regrette après parce qu’on veut que ça finisse au plus vite », confie-t-elle.

« Il faut attendre un peu avant de commencer le processus de médiation et, ensuite, aller au rythme des ex-conjoints. »

— Farah-Anne Jean-Pierre, médiatrice familiale

Afin de profiter des avantages de la médiation familiale, certaines conditions s’imposent donc. « Il faut d’abord que les gens soient honnêtes l’un envers l’autre. Une entente imposée n’est pas satisfaisante et risque de ne pas durer », souligne Me Tremblay. Ensuite, de se faire conseiller sur ses droits par un avocat personnel peut être rassurant du moment que ce n’est pas fait pour créer de l’animosité entre les ex-conjoints.

Enfin, il faut bien choisir son médiateur familial. « On se dirigera plutôt vers un psychologue ou un travailleur social si l’enjeu est plutôt celui de la garde des enfants, par exemple, et plus vers un avocat si c’est le partage des biens qui s’annonce plus épineux », recommande MTremblay.

Sylvie a senti dès le premier rendez-vous que ça ne passait pas avec son médiateur. Mais « au risque que mon ex ne veuille pas poursuivre la démarche, j’ai choisi de ne pas en contacter un autre ». Si c’était à refaire, elle demanderait à son entourage des références.

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