Vices cachés

Libérez-nous de nos vices cachés

La vente de votre maison s’était bien déroulée. L’acheteur avait fait réaliser une inspection préachat. De votre côté, vous aviez pris soin de « tout dire » sur l’état de votre propriété en signant la déclaration du vendeur.

La transaction avait été finalisée devant le notaire. Vous aviez serré la main du vendeur, payé la commission de 5 % au courtier. Vous aviez même versé une petite larme en donnant les clés de votre « belle propriété » à l’heureux acheteur.

C’était vers la mi-juin 1995. La vente de votre vieille maison n’était plus qu’un lointain souvenir. Jusqu’à ce qu’on vous envoie une mise en demeure…

Dans sa missive, l’acheteur d’il y a 20 ans vous réclame 50 000 $ pour des travaux qui s’imposent de toute urgence.

En ouvrant les murs du sous-sol pour une rénovation, il soutient avoir découvert que les fondations sont fissurées. La catastrophe annoncée.

« Même si ça fait 20 ans que la transaction a été réalisée, vous n’êtes pas à l’abri d’une poursuite pour vice caché », dit René Vincent, président du Centre d’inspection et d’expertise du Québec.

René Vincent est appelé à intervenir fréquemment dans des causes litigieuses qui opposent un vendeur et un acheteur. « Je fournis des expertises une bonne centaine de fois par année devant les tribunaux », indique-t-il.

Des cas pénibles, des histoires d’horreur, il en voit fréquemment. « Beaucoup trop », déplore l’expert. Première chose à faire quand on parle d’un vice caché : démêler le vrai du faux.

LE DRAIN FRANÇAIS ET LA CHEMINÉE

Parfois, c’est une maison « qui prend l’eau » parce que le drain français est rendu à la fin de sa vie utile. Parfois, c’est un mur de briques qui menace de s’effondrer. Parfois encore, c’est la cheminée qui a été mal installée, ce qui a failli faire brûler la maison.

« Il y a de plus en plus de causes complexes qui se retrouvent devant un juge, reconnaît l’expert. Ça s’explique en partie par le fait que les maisons vieillissent et que ceux qui les habitent ne tolèrent aucun compromis. Ils veulent une maison impeccable, même si elle a pris de l’âge. Leurs attentes sont très élevées. »

« Dès qu’ils découvrent un problème, qu’ils associent à un vice caché, ils appellent un avocat », ajoute-t-il.

Me Yves Tourangeau connaît à fond le dossier « vice caché ». Il représente tout autant des courtiers immobiliers, des ingénieurs en bâtiment, des inspecteurs, bref, tous ceux qui gravitent autour des questions touchant les problèmes de maison et de vices de construction.

Il constate que le nombre de poursuites pour vice caché est en forte augmentation et que la tendance n’est pas sur le point de s’inverser.

« On ne s’inquiète pas pour rien, concède l’avocat. Plus on parle de ces histoires de vices cachés dans les médias, plus ça sensibilise les acheteurs, et plus ça éveille les craintes. On réalise qu’il y a des recours possibles pour un vice caché. »

Daniel Saindon, inspecteur en bâtiment et courtier immobilier pour une enseigne indépendante, rappelle que le plafond autorisé pour présenter son dossier devant les petites créances est passé de 7000 à 15 000 $. « Pour 100 $, on peut se présenter à la Cour des petites créances et espérer réclamer 15 000 $, dit-il. C’est un terreau fertile pour ceux qui croient avoir une cause. »

LE RÈGLEMENT À L’AMIABLE

Mais dans l’immobilier, tous s’entendent : quand survient un problème relatif à l’état d’une maison, il est de loin préférable de trouver un terrain d’entente à l’amiable.

« Très souvent, dit René Vincent, les deux parties impliquées sont de bonne foi, et ni l’une ni l’autre ne souhaite éterniser les coûteuses procédures en justice.

« Le pire règlement vaut le meilleur des jugements », fait-il valoir.

UN VICE QU’ON IGNORE

Ainsi, il arrive que le vendeur ait toujours ignoré l’existence d’un vice caché et qu’il ne se doutait pas que les fondations de la maison étaient craquées, par exemple. Le nouveau propriétaire, en ouvrant les murs pour des travaux, découvre alors l’étendue des dégâts.

« Même si vous ne saviez pas qu’il y avait un tel problème au solage, vous avez la responsabilité de payer pour les réparations à effectuer, mais pas pour les dommages au mobilier, par exemple », relève Me Tourangeau.

« Chose certaine, il est important de remplir le formulaire de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). La déclaration du vendeur évite toute poursuite. Mais pour cela, le vendeur doit tout dire », insiste Me Tourangeau.

Vices cachés

Vendre

« sans garantie légale »

La seule et unique façon d’avoir l’esprit en paix quand on vend sa « vieille maison », c’est de faire inscrire dans le contrat avec l’acheteur la mention « sans garantie légale, aux risques et périls de l’acheteur ».

« C’est la chose à faire pour vous éviter bien des tracas, surtout si vous vendez une maison centenaire, explique Me Yves Tourangeau. C’est votre seul sauf-conduit. Mais si l’acheteur est déjà réticent, ajoute-t-il, ça peut le faire reculer. »

Le même acheteur peut alors tenter de négocier à la baisse le prix de la maison. Il y a donc un prix à payer – et des sommes d’argent à perdre – quand on veut se protéger à tout prix contre d’éventuelles poursuites.

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