Maternité

Des vêtements GAGA

L’entreprise Maman GAGA propose depuis quelques semaines ses propres collections de vêtements « évolutifs » destinés aux femmes enceintes ou qui allaitent. Conçus et fabriqués à Montréal, ces chandails, débardeurs et robes sont dotés d’une ouverture discrète pour permettre de nourrir les bébés avec classe. — La Presse

BILLET VIE DOMESTIQUE

Le chroniqueur de trop

La question me brûle les lèvres, et une partie de la barbe qui vient avec : si je tiens une chronique dans La Presse+, est-ce que je risque d’être le chroniqueur qui aurait dû s’abstenir de le devenir ? Le chroniqueur de trop ?

Il y en a déjà beaucoup, non ? J’ai l’impression d’être un nouveau café rue Saint-Denis. Le 10 001e Français sur le Plateau. Le tartare de quelque chose dans un resto qui se la joue. De nos jours, tout le monde a le loisir d’avoir un état d’âme et de le partager. Le web n’est qu’une immense mercerie où l’on change d’humeur comme de caleçon.

Va-t-il falloir que je monte aux barricades et sur mes grands poneys, que je m’insurge sur commande, tel le forçat de l’indignation que je ne suis pas, et que je déchire ma chemise sur la place publique ?

Je n’ai pas les pecs pour ça.

Ce n’est pas dans ma nature. Je suis un escargot. L’escargot n’est pas querelleur. Il fait son chemin, lentement, parfois jusqu’à nos assiettes. Je me souviens d’en avoir mangé dans des restaurants français et poussiéreux à la fin du XXe siècle. Ils étaient à l’ail. Les escargots sont toujours à l’ail. C’est comme s’il n’existait qu’une seule recette d’escargot.

Me semble que si c’était si bon que ça, des escargots, on aurait inventé une autre recette. Est-ce qu’on cuisine les crevettes seulement à la portugaise ?

Le peu que je sais de l’escargot, c’est que j’en ai une colonie dans mon jardin. Des escargots jaune et noir qu’on pourrait confondre avec des abeilles à gros cul. Il y en a aussi des brun et noir. Je les surprends là où je m’y attends le moins. Sous une feuille. Au bas d’un mur. Collé à une branche.

Je me vois bien en escargot, donc. Plutôt inattendu. Casanier. Réservé. Solitaire. À peine baveux. Jamais un mot plus haut que l’autre. Plus discret que Guy Cloutier ces dernières années. Et pas pressé. Six centimètres par minute qu’il parcourt, le petit ; 3,6 m à l’heure quand il est en jambes. Il arrivera à New York dans 22 mois en marchant jour et nuit.

Vous le trouvez lent ? Je vous verrais bien, moi, transporter votre condo sur les épaules. Et il ne se déplace que vers l’avant. Ça, ça veut dire qu’il doit penser à tout avant de partir. Brosse à dents, serviettes de plage, Gravol, slips propres, tout.

Cela dit, je peux essayer de me fâcher. Faire un chroniqueur de moi-même. Faut juste que je me mette dans l’ambiance. (Là, je ferme les yeux, et je pense fort, fort, fort à des choses que je n’aime pas.) Tiens, pourquoi les fabricants de céréales font des sacs tellement hermétiques qu’il est impossible de les ouvrir correctement ? C’est choquant, non ? On envoie des gens dans l’espace, mais pas foutu de fabriquer un sac qui s’ouvre sans que les céréales se déversent dans le bol de façon anarchique. Et là, je ne parle pas du fait que le sac n’est rempli qu’aux trois cinquièmes. L’injustice est partout.

Non, vraiment, quand j’y pense, il y a plein de trucs qui me révoltent. Utiliser de façon abusive nos enfants comme chair à likes sur les médias sociaux. Ne pas signaler quand on tourne à droite ou à gauche en voiture. Attendez, je l’ai : pourquoi est-ce si difficile de trouver la bonne paire de jean ? Hein ? Boum ! Je savais que je mettrais le doigt dessus.

Je pourrais être aussi le premier chroniqueur sans opinion, afin de m’épargner les haters des réseaux sociaux. Ou le chroniqueur qui n’accouche jamais. Celui qui fait valser le pour et le contre dans un pas de deux aussi plate que celui de Patrick Swayze avec comment elle s’appelle déjà dans Dirty Dancing.

Je l’avoue : mon problème, c’est que je doute. Tout n’est jamais totalement blanc, ou dramatiquement noir, à quelques exceptions près : Daesh, tout noir, Xavier Dolan, tout blanc, par exemple. Je soupèse trop, comme un bon Italien qui choisit ses tomates au marché. Je jongle en regardant les quilles, erreur.

Pour tout dire, je n’ai aucun talent pour la polémique. Je préfère me concentrer sur ce qui nous rejoint toutes et tous, et j’ai nommé la vie domestique. Des sujets envisageables ? De l’art de regarder par la fenêtre, la conciliation famille-internet, comment écrire une bonne carte d’anniversaire et bien plus encore.

Bienvenue dans le quotidien du quotidien, quitte à ce que je passe pour insignifiant. C’est reposant des fois, d’être insignifiant. Allez, rentrons ensemble à la maison, mettons-nous à l’abri du bruit et de la fureur du monde.

Comme un escargot. Ou un chroniqueur de trop.

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