Stéphane Leduc, PDG, Cegertec

Reprendre les choses en main

Si une entreprise doit parfois conclure des alliances stratégiques pour réaliser son plein potentiel de croissance, elle ne doit pas hésiter non plus à mettre fin à des partenariats qui ne remplissent pas les attentes espérées ou qui, pis encore, freinent son élan entrepreneurial.

C’est exactement ce que vient de faire l’entreprise d’ingénierie saguenéenne Cegertec en rachetant son partenaire australien WorleyParsons qui avait acquis 50 % des actions du groupe en 2012, à l’époque où le Plan Nord avait ressuscité un intérêt certain pour le développement minier québécois.

« On avait rencontré les responsables de WorleyParsons lors d’un colloque international sur l’aluminium en 2008, à Montréal. Ils étaient très intéressés par les perspectives des marchés de l’aluminium et des métaux au Québec et par nos activités », relate Stéphane Leduc, PDG de Cegertec.

La crise qui a suivi a mis fin à toutes les discussions entre les deux entreprises jusqu’à ce que le groupe australien relance les pourparlers en 2012, alors que pointait une certaine reprise des activités.

« C’était une entreprise internationale avec 40 000 employés, impliquée principalement dans le secteur des hydrocarbures et des mines et métaux. Ils avaient des activités importantes dans l’Ouest canadien, en Ontario et ils voulaient percer le marché québécois. »

« En nous associant avec WorleyParsons, cela donnait une plus grande amplitude à nos activités, on pouvait devenir compétiteurs de SNC-Lavalin. Cela nous ouvrait aussi des perspectives de projets, notamment dans les pipelines où on devenait la tête de pont québécoise du projet Énergie Est. »

— Stéphane Leduc, PDG de Cegertec

C’est dans ce contexte que l’entreprise australienne prend une participation de 50 % au capital de Cegertec, qui compte alors quelque 400 ingénieurs à Saguenay, Québec et Montréal.

L’association était aussi profitable à WorleyParsons puisque Cergertec lui apportait de nouvelles expertises dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures, où elle était absente.

Il faut savoir que l’existence de Cegertec a longtemps été liée au développement des richesses du Saguenay–Lac-Saint-Jean, soit l’aluminium et l’énergie hydroélectrique, principalement dans le domaine de la haute tension.

L’effondrement des prix du pétrole

Le partenariat entre les deux firmes d’ingénierie a toutefois été rapidement mis à rude épreuve avec l’effondrement des prix du pétrole, qui s’est amorcé en 2014 et qui s’est poursuivi en 2015 et jusqu’en février 2016.

« WorleyParsons réalise plus de 70 % de ses revenus dans le secteur des hydrocarbures. L’effondrement des prix du pétrole les a forcés à opérer plusieurs restructurations. On s’est retrouvés avec un partenaire distant qui modifiait souvent ses représentants à notre conseil d’administration », déplore Stéphane Leduc.

Parallèlement, Cegertec a dû faire face à un contexte beaucoup plus difficile dans le marché québécois, où les clients se sont mis à rechercher davantage des solutions complètes de la part des firmes d’ingénierie.

Il fallait donc opérer un changement d’approche que l’entreprise saguenéenne était prête à réaliser, mais pas nécessairement son partenaire australien.

« Avec les problèmes qu’elle connaissait, WorleyParsons a modifié complètement sa gestion de risque et c’était devenu très compliqué de pouvoir réaliser des projets que l’on était en mesure de réaliser », souligne le PDG de Cegertec.

Ainsi, pour compenser le peu d’activité observé dans le secteur des mines et métaux, Cergetec a voulu développer de nouveaux marchés, notamment celui du nucléaire où elle voulait réaliser des projets de déclassement de centrales, dont celui de Gentilly.

« Il a fallu que je me rende jusqu’à Sydney, en Australie, pour obtenir l’approbation du PDG de WorleyParsons. Ça devenait vraiment compliqué », explique Stéphane Leduc.

C’est dans ce contexte que le président du conseil et fondateur de Cegertec, Jeannot Harvey, a négocié et obtenu, au début du mois, le rachat des 50 % des actions que le groupe australien détenait dans Cegertec.

Cegertec a déjà compté 450 ingénieurs, mais a dû réduire au cours des quatre dernières années ses effectifs, notamment dans sa division montréalaise d’infrastructures. Le groupe compte aujourd’hui 200 ingénieurs à Saguenay, 25 à Québec et 25 à Montréal.

Une entreprise en transformation

Il y a un an et demi, Cegertec n’était pas active dans le domaine du nucléaire. Aujourd’hui, ce secteur représente 30 % des revenus du groupe.

« On réalise exactement ce que l’on voulait faire. On offre des solutions complètes et intégrées aux centrales nucléaires pour réaliser le déclassement des sites qui sont arrivés en fin de vie et assurer leur décontamination », expose le PDG.

Pour y arriver, la firme d’ingénierie s’est associée à Cegerco, un entrepreneur général en construction et une entreprise sœur qui appartient au même holding Ceger, de Saguenay, propriété de la famille Harvey.

Cegertec réalise tous les travaux d’ingénierie, et Cegerco les exécute. Le groupe offre ces solutions intégrées dans le domaine du nucléaire, mais le fait aussi dans le domaine des infrastructures et même pour les nouveaux projets dans le secteur des mines et métaux.

Le secteur du nucléaire est destiné à prendre l’expansion. Au Canada seulement, Cegertec a été pressentie pour le déclassement des réacteurs des centrales Pickering et Chalk River, en Ontario, et plus de 110 déclassements de réacteurs nucléaires vont devoir être réalisés partout dans le monde au cours des prochaines années.

Cegertec a mis à contribution une autre division du holding Ceger pour réaliser ses projets. L’entreprise Mecfor, de Saguenay, un fabricant de pièces industrielles spécialisées, conçoit des équipements spécifiquement pour Cegerco qui servent à la décontamination des centrales nucléaires.

« Beaucoup de gens l’ignorent, mais Ceger est le deuxième employeur privé au Saguenay, après Rio Tinto Alcan. Cegertec compte 200 employés, Cegerco, une centaine, et Mecfor emploie 85 personnes », précise Stéphane Leduc.

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