Déco

Du béton pour tous

Les Grands Prix du design, remis le mois dernier à Montréal, ont salué la beauté de l’un des matériaux les plus utilisés dans le monde : le béton. Cette matière plus que commune, dont on fait de tout… et même, maintenant, de la « tapisserie ».

L’agence Atelier B est derrière une nouvelle façon d’intégrer le béton à son décor : des plaques imprégnées d’un motif en bas-relief, délicat, qu’on fixe au mur comme des tuiles ou une « tapisserie » nouveau genre. Une utilisation qui repousse encore plus loin le concept des revêtements de béton pour les murs, lisses ceux-là, popularisés au cours des dernières années (la tapisserie d’Atelier B a obtenu le Prix des meilleurs produits architecturaux en design industriel aux Grands Prix du design).

« C’est le résultat de plusieurs années de recherche, explique le fondateur de l’Atelier B, Frédéric Tremblay. Les panneaux sont très difficiles à faire. » Le béton est une matière qui n’est pas cuite, qui est donc très sensible à l’humidité et qui télégraphie tout, le moindre défaut dans le moule, la moindre poussière ou imperfection, note M. Tremblay. « En anglais, on dit que le béton fait du “ghosting”, c’est-à-dire qu’il va jusqu’à prendre l’empreinte de quelque chose qui est déjà parti. » Terrible quand on souhaite reproduire encore et encore un motif identique sur un mur.

Lancées à l’occasion du concours, ces tapisseries sont fabriquées avec un béton dit à ultra-haute performance (UHP), qui permet de créer des œuvres à la fois plus minces et plus résistantes, et au fini plus régulier et uni. 

Offertes en trois motifs différents pour le moment, elles peuvent servir tant à habiller un salon qu’à protéger un mur de la chaleur d’un foyer, être posées à l’intérieur comme à l’extérieur. Les tuiles d’Atelier B ont d’ailleurs été utilisées pour l’aménagement du Crew Collective & Café, dans l’ancien siège social de la Banque Royale du Canada, un projet mené par l’architecte Henri Cleinge qui s’est aussi distingué aux Grands Prix du design.

En couleur

Chez M3béton, autre spécialiste montréalais du béton UHP, c’est du côté de la couleur qu’on innove. On a lancé, au début de l’année, deux formats de bases de douche en béton proposées en sept couleurs vives. Le designer Félix Paré, d'Atelier Collectif, vient d’en inclure une – bleu Provence – dans un projet de rénovation du sous-sol d’une maison du quartier Rosemont. 

« Ça se démarque, mais ce n’est pas juste ça, explique-t-il. Je ne voulais pas d’une douche en acrylique, je voulais la texture du béton pour aller en continuité avec la dalle apparente dans le reste du sous-sol », explique-t-il. « Le fini est très doux, remarque Mélanie Gauthier, copropriétaire de la maison. Et on aurait difficilement pu trouver un produit plus local, fabriqué à distance de marche de chez nous. »

« Les comptoirs et les planchers restent très populaires, mais on a des demandes plus variées maintenant. »

— Mathieu Bouchard, de Solid Béton, près de Québec, un atelier d’ébénisterie où l’on produit notamment des tables de chevet en béton et des foyers extérieurs, au propane, à la fois résistants à la chaleur du feu et au froid de l’hiver

Frédéric Tremblay, d’Atelier B, un vrai passionné du béton (et le mot est faible), avance qu’on peut tout faire ou presque avec cette matière. « Mais il faut s’enlever de la tête l’idée que ce n’est vraiment pas cher, le béton, si on veut du sur mesure, fait dans les règles de l’art et avec des employés payés correctement », dit-il. C’est entre autres pour cela qu’on tend vers le développement de produits plus standardisés, comme les tuiles de tapisserie et les bases de douche.

Touches de béton

Ce faisant, il peut être plus facile d’intégrer le béton par petites touches dans son décor, et le marché des accessoires a le vent dans les voiles. On en retrouve partout, dans les boutiques de décoration, sur Etsy, même dans la boutique d’articles de cuisine de Ricardo (porte-lampions et pots à fleurs).

On utilise aussi le béton pour des bijoux, des articles de cuisine, des porte-crayons, alouette… La designer de vêtements pour femmes Jennifer Glasgow en a fait de petits moulages ornés de peinture dorée pour décorer la vitrine de son commerce du boulevard Saint-Laurent, General 54. Chez Atelier B, on a lancé une gamme de bols chinois, d’une délicatesse surprenante, et de pots à fleurs aux couleurs pimpantes tout aussi étonnantes, qui permettent du même coup d’utiliser les excédents de béton et de limiter la production de déchets.

« Il y a un engouement, dans le monde entier, porté par le fait que les fabricants de béton mettent à la disposition d’artistes ou de créateurs des sacs tout prêts à travailler. C’est assez tentant à travailler, même si c’est autre chose quand on passe à une phase plus industrielle et qu’on souhaite obtenir une constance et une qualité supérieure », remarque Xavier Dufour, de Lyon Béton, une entreprise française qui commercialise, en Europe et en Amérique du Nord, un large éventail d’accessoires et de meubles.

Son produit phare est le « cloud », un support pour les rouleaux de toilettes en forme de demi-nuage, mais dans les prochains mois, l’entreprise souhaite surtout mettre l’accent sur la mise en marché d’œuvres d’artistes réalisées ou reproduites sur des dalles de béton.

Qu’on veuille en tapisser un mur entier ou s’en tenir à un simple porte-crayon, que notre budget plafonne à 25 $ ou à 12 000 $, le béton répond « présent » partout, prêt à tout pour s’infiltrer dans les maisons.

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