Chronique

Trois périodes

dans la vie du maire

Denis Coderre est en retard. Pas de sa faute. Quand il entre au Centre Bell, les fans se ruent sur lui comme s’il était le coach du Canadien. Photo. Photo. Poignée de main. Photo. Poignée de main. Photo.

Le maire est en terrain conquis. Il pénètre dans le couloir qui mène aux gradins, il met quelques minutes à monter l’escalier – et serrer 10 autres mains. Puis il s’assoit avec le sourire. « Yes ! On joue pour le contrôle de la glace à soir ! »

C’est moi qui l’ai invité. Bien beau de suivre ses conférences de presse, mais s’il y a une chose que j’ai comprise au sujet de Denis Coderre, c’est qu’on ne peut le comprendre sans jaser de hockey. Et de baseball, football, soccer…

La veille, il pratiquait d’ailleurs son lancer protocolaire avec Derek Aucoin, ancien des Expos, en vue du match de ce soir au Stade.

Le maire aime son job de maire. Surtout quand il lui permet de se mêler de sport, comme le prouve son hyperactivité sur Twitter.

« Tu vois le gars là-bas ? Un chandail du Canadien pis une tuque des Expos. Ça, c’est vraiment le meilleur des mondes ! »

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L’hymne national vient de commencer et Denis Coderre est déjà « dedans ». Il chante. Ordonne à sa voisine d’en faire autant. « Come on, sing, sing… » Donne un « high five » à un gars. « J’ai assez hâte aux séries, ça va être notre Ginette ! »

Le hockey, c’est une religion pour Denis Coderre. 

« Le sport, ça fait partie de ma vie, et de celle de la ville. Et le hockey, c’est notre sport national. Bon, c’est la crosse, mais c’est pas grave… Ha, ha, ha ! »

— Denis Coderre

Le maire avoue ne jamais avoir été un athlète. Il a joué au baseball bantam, coaché le football et joué au hockey très jeune, « avec une balle orange pis des catalogues d’Eaton comme pads », mais surtout, il a toujours été un fervent spectateur.

« J’ai grandi à Saint-Alphonse. Quand j’étais ti-cul, on prenait notre bain le samedi soir, pis on se faisait une grosse soirée de hockey. J’étais fou du démon blond. L’hiver, c’était Lafleur. L’été, Carter. »

Depuis, il manque très peu de matchs. « J’en regarde 95 %, et les autres 5 %, je les enregistre pis je checke ça. C’est important. Je suis maire de Montréal. C’est MON équipe. »

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L’entracte se fait entendre. « Assez jasé là, viens-t’en. On s’en va humer la place… »

Le maire n’a pas mis le pied dans le corridor qu’une file se forme pour lui serrer la main. Et surtout se faire photographier avec lui.

Les gens le tutoient. Lui disent qu’ils l’aiment. Qu’il fait « une bonne job ». On lui offre une bière. Une femme l’accroche par la taille : « Vous avez maigri, ça vous fait bien. Vous êtes encore plus beau. » Il rétorque que c’est pour elle qu’il est venu ce soir…

L’homme en fait beaucoup. Trop ? Peut-être. Mais ça ne dérange personne, ici.

Quand on l’approche pour une photo, il lance « viens-t’en, mon homme », ou « y est où, le kodak ? ». Il serre la main des amateurs de hockey par en haut, comme on le fait dans le sport. Il embrasse les femmes. Et quand une personne veut lui parler, il s’approche puis dépose la main sur son bras au moment où il promet de s’occuper de son problème.

Un amateur lui demande de loin pour quand c’est, les Expos. « Ça s’en vient, ça s’en vient… »

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De retour à notre siège, il lâche LA phrase : « Ça sent la Coupe… Je te le dis. J’ai déjà mon spot sur Sainte-Catherine. Pis j’ai shiné les portes de l’hôtel de ville. »

Denis Coderre connaît son hockey, mais pas moi. Donc il m’explique, lentement. La « finesse » de Bergevin. Le « respect de l’état-major » dont jouit Therrien. L’importance de l’expérience olympique de Price. L’« impulsion » du joueur d’avenir qu’est De La Rose.

Puis je confie au maire que j’ai déjà été la plume de Jean Béliveau, écrivant les chroniques qu’il signait dans un journal… Il se fige. Me regarde. Un mot s’imprime dans ses yeux : respect…

« Un des moments les plus importants de ma vie, ç’a été ma rencontre avec Jean Béliveau deux mois avant sa mort. Juste d’être là, lui dire merci, c’était énorme. J’ai pu lui dire comment il était une inspiration. La proximité avec les gens. L’importance qu’il accordait aux autres. »

« On a jasé de la ville, entre autres. Béliveau m’a dit qu’il était en vigie constante sur Montréal, qu’il m’appellerait s’il y avait quoi que ce soit… »

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Le municipal. Le hockey. Ça ne fait qu’un pour le maire. Et l’anecdote avec le Gros Bill le résume bien : le sport instaure à ses yeux une proximité avec les gens, il suscite l’inspiration, crée des modèles, des exemples à suivre, pour les jeunes, mais aussi pour leurs aînés.

« Regarde ce qu’a fait Larry Smith avec le football. Il a réussi à amener l’intérêt, à ancrer le sport à Montréal. Il a créé un engouement. Il a réussi à amener ça au niveau scolaire et civil. C’est ce qu’il faut faire avec le baseball, avec les Expos. Développez les infrastructures, suscitez l’intérêt, et des modèles vont naître de tout ça. »

Il crie aux joueurs sur la glace (« Come on, c’est pas les Ice Capades ! »), et il poursuit en citant Danièle Sauvageau et le hockey féminin. Heymans et Despatie au plongeon. Jean Pascal à la boxe. « T’as des diamants en puissance, faut juste les polir… C’est ça que je veux faire. »

Puis la sirène retentit. Denis Coderre se lève pour applaudir la victoire de 3-2 contre les Panthers. Je me lève aussi, fais mine de m’en aller, puis le maire me tire par la manche.

« Heille, on part pas avant les étoiles. C’est super important, les étoiles. »

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