Le marché du carbone déserté par les entreprises

QUÉBEC — Les entreprises ont boudé le dernier encan du marché du carbone, qui a rapporté cinq fois moins au gouvernement québécois que le précédent.

À peine le sixième des droits d’émission mis en vente aux enchères le 22 février ont trouvé preneur, révèlent les résultats publiés hier par les gouvernements du Québec et de Californie. Ce résultat est une « catastrophe » aux yeux de Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

« Pour que la lutte contre les changements climatiques fonctionne, il faut que le marché fonctionne, a résumé M. Pineau. Et c’est un signe de dysfonctionnement profond. »

Les produits de la vente aux enchères sont versés dans le Fonds vert, qui sert à financer des initiatives de lutte contre les changements climatiques. La récolte de 29 millions annoncée hier est largement inférieure aux 157 millions recueillis lors du précédent encan en novembre.

scepticisme

Selon Jean-Thomas Bernard, professeur à l’Université d’Ottawa spécialisé dans les questions énergétiques, les résultats du dernier encan traduisent le scepticisme des entreprises qui sont assujetties au marché.

« Il y a quand même beaucoup d’entreprises qui ne prennent pas ça au sérieux et qui se disent qu’à un moment donné, ça va s’écraser et que le gouvernement va redonner l’argent à ceux qui ont acheté des droits d’émission. »

Le marché du carbone est la pièce maîtresse de Québec pour lutter contre les changements climatiques. Le gouvernement impose aux pollueurs industriels un plafond des émissions de gaz à effet de serre, qu’il abaisse progressivement. Il vend aux enchères des droits de polluer que les entreprises peuvent s’échanger.

embûches

Le Québec et la Californie ont fusionné leurs marchés du carbone en 2014. L’Ontario doit les rejoindre en 2018.

Or, plusieurs embûches ont plombé le marché du carbone ces derniers mois. En outre, la Chambre de commerce de la Californie a intenté une poursuite pour contester la légalité du programme dans l’État.

La poursuite, qui se trouve devant la Cour d’appel de la Californie, a pesé sur les ventes aux enchères en 2016. Seulement 11 % des droits de polluer ont trouvé preneur aux enchères de mai. En août, 35 % des offrandes ont été vendues.

On avait observé un rebond lors du dernier encan de 2016, en novembre, mais cette embellie a été de courte durée.

Le ministre de l’Environnement, David Heurtel, a refusé la demande d’entrevue de La Presse, hier. Dans un communiqué, il a vanté « cet outil de fiscalité verte [qui] contribue à la modernisation et au développement durable de notre économie ».

Selon le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, ces résultats prouvent que Québec doit donner un « sérieux coup de barre » dans sa stratégie climatique.

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