Opinion : Égalité femmes-hommes

Au pied du mur

Depuis l’arrivée de Trump, le discours et les politiques antiféministes (et antifemmes tout court) sont à la hausse aux États-Unis. Bien des femmes avaient exprimé leur crainte quand Trump a été élu, et se demandaient si l’affaiblissement du mouvement des femmes n’était pas l’une des causes de cette situation.

Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes pour elles d’ailleurs, alors que les ultraconservateurs américains qui gouvernent à la Maison-Blanche menacent d’un projet de loi l’accès aux services publics de santé parmi lesquels les soins dont bénéficient des millions de femmes (contrôle des naissances, mammographies, soins prénataux et maternels, etc.). Leur argument ? Je caricature, mais ça ressemble à ça : être une femme a ses désavantages, donc, too bad, elles se débrouilleront.

Si ce projet se concrétisait, les Américaines verraient se volatiliser des progrès gagnés après des décennies de militantisme, de sensibilisation, de pression politique.

Le changement est-il possible ?

Le Québec a certes des services publics plus efficaces que les États-Unis, mais nous vivons dans le même monde.

Ici et aux États-Unis, la politique est comme le dos d’un canard, et n’absorbe plus, comme elle l’a déjà fait, les demandes des femmes.

Alors que plusieurs signes sont là qui démontrent la forte menace du statu quo. Dans ce monde, le pouvoir passe par l’argent et la politique, mais 50 % de la population mondiale est laissée pour compte : les secteurs névralgiques des nouvelles technologies (93 % des start-ups américaines sont menées par des hommes, clame The Economist), et de l’intelligence artificielle, les grands chantiers de construction et d’infrastructures, la mondialisation de la finance, sont des domaines où les hommes sont rois, et les femmes reléguées dans un second rôle. La politique ne parvient pas à les intégrer, et la justice tarde à se moderniser pour assurer leur sécurité.

L’optimisme faiblit devant l’ampleur de la tâche. Sommes-nous assez organisées pour faire tourner le vent ? Oui, nous féministes, avons des voix fortes, amplifiées par les réseaux sociaux, mais politiquement, qu’est-ce qui change ?

Des obstacles tenaces

Depuis les dernières années, une quatrième vague a pourtant donné au féminisme un nouveau souffle, un mouvement porté par des groupes vibrants et dynamiques, des blogueuses provocatrices, des performeuses et des créatrices populaires et pertinentes. Leur parole est sonore, et leurs œuvres très visibles.

Sur tous les continents, tout comme au Québec, où des femmes s’expriment avec une grande éloquence sur la construction du genre, la sexualité, l’intersectionnalité, la parole publique et politique, la place de la maternité, contre l’appauvrissement des femmes, la violence sexuelle, bref, le féminisme est subversif et en pleine effervescence. Le décloisonnement, les réseaux sociaux, la myriade de courants et de voix fortes font dire à beaucoup de féministes qu’il y aurait un momentum pour le changement. Mais comment cela se traduit-il ? De grands dossiers restent au point mort comme celui des violences sexuelles, qu’on peine à reconnaître et à sanctionner dans notre système de justice ; la loi sur l’équité salariale qui n’est pas respectée, car celle-ci n’est pas mise en pratique dans tous les secteurs d’emploi ; et l’intégration des femmes dans les sphères économiques traditionnelles, qui paraît une tâche titanesque.

On peut se demander si la vigueur féministe a un effet sur les institutions, la politique, les organisations.

nous occuper de nos affaires

Que faire devant ce mur ? Le 3 mai dernier, la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Mélanie Sarazin, a démissionné de son poste, à quelques jours d’une assemblée générale. Elle a expliqué son départ à la presse par les divergences de points de vue, et a dit ne plus se reconnaître dans la FFQ, qu’elle présidait depuis deux ans.

En fait, on pourrait aussi se demander si, en 2017, des femmes seraient assez unies dans la société civile et en politique pour faire passer la Loi sur le patrimoine familial (1989), ou sur l’équité salariale (1996), des batailles qui ont exigé beaucoup de travail, de concertation, de négociation.

J’en doute, malheureusement.

Il n’y a pas de secret : si nous ne nous unissons pas pour obliger les pouvoirs publics, l’entreprise, les institutions et les lois à intégrer les enjeux d’égalité femmes-hommes et surtout, à les mettre en pratique, personne ne le fera pour nous.

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