ART SOUTERRAIN 2015

Espace libre

Le 7e festival d’art contemporain Art souterrain s’étend sur 6 km de couloirs et quatre circuits. La Presse a choisi de vous présenter les œuvres de sept artistes exposant dans les circuits C et D, des artistes notamment d’origine française, haïtienne, argentine et serbe qui ont décliné différemment le thème de la sécurité et des espaces de liberté. 

ADAPTIVE ACTIONS

HETEROPOLIS SOUS LA SURFACE

Musée d’art contemporain 

Collectif artistique auquel appartiennent Jean-Maxime Dufresne et Jean-François Prost, Adaptive Actions (AA) présente au Musée d’art contemporain Heteropolis sous la surface, un projet réalisé durant la Biennale de Montréal et qui aborde le thème de la cohabitation urbaine, de la rencontre et de l’action commune entre gens de conditions sociales et culturelles différentes. AA a rencontré des travailleurs de la ville souterraine : gardiens de sécurité, femmes de ménage d’un hôtel, techniciens ou employés d’entretien. Ils ont fourni au collectif des photos ou des objets qui leur sont chers. Les artistes les ont photographiés et ont encadré ces images sur leurs lieux de travail qu’ils ont pu ainsi se réapproprier. L‘œuvre se présente sous la forme d’un journal qu’on peut emporter ainsi que d’une murale constituée d’exemplaires de ce journal dépliés. 

MANUELA LALIC 

FREEDOM PROTOTYPE

Place des Arts 

L’artiste montréalaise d’origine serbe a créé une œuvre constituée d’une bicyclette et de milliers de petits trombones attachés les uns aux autres et greffés au vélo placé en équilibre sur un présentoir. Cette pièce a été montrée une première fois en Serbie en 2012. « Elle réfère au nettoyage ethnique qu’a connu ma famille, dit Manuela Lalic. Alors, c’est l’idée de transporter un paysage avec soi et en même temps d’être tributaire des conflits. C’est pour ça qu’elle s’appelle Freedom Prototype, ironiquement. Le vélo est un cliché de la liberté, sur lequel j’ai mis du poids pour exprimer des tensions et une certaine absurdité. Les trombones montrent que la matière s’auto-emmêle. Cela renvoie à la nature tout en étant très artificiel. » 

PAT BADANI 

MAKE-A-MOVE 

Place des Arts 

L’artiste de Chicago, à la fois américaine, argentine et canadienne, a créé pour Art souterrain Make-A-Move, une œuvre constituée de deux colonnes rouges qui semblent faire partie de l’architecture du site, près de la billetterie de la Place des Arts. L’installation interactive se trouve en face du local de la… sécurité. Sur les deux colonnes, les yeux d’une femme et d’un homme bougent dans votre direction quand Make-A-Move perçoit votre présence de façon automatique, instantanée et froide grâce à un œil électronique. Pat Badani évoque la relation à l’autre à partir du regard, comment il est possible de contrôler un espace avec le seul regard, mais aussi l’influence des nouvelles technologies de repérage, de reconnaissance et de surveillance, dans les espaces privés autant que publics. Coproduite par l’agence TOPO, l’œuvre sera exposée dans cette agence montréalaise en novembre prochain. 

STANLEY FÉVRIER 

1927

Complexe Guy-Favreau 

Artiste québécois en pleine ascension qui a déjà exposé en France, à Cuba, en Allemagne et chez Art Mûr, à Montréal, Stanley Février participera en juin à un festival d’art contemporain en Bulgarie. Il présente l’installation 1927 dont le thème est la sécurité dans les écoles. Avec des revolvers blancs sur un mur, une table avec des fiches signalétiques de victimes, des chaussures et une machine à écrire, il évoque l’attentat survenu dans une école du Michigan en mai 1927. Un fermier qui protestait contre la levée d’un nouvel impôt fit exploser l’école, tuant 45 personnes. L’installation est une remise en question du 2e amendement de la Constitution des États-Unis qui permet à tout citoyen de porter une arme. « C’est une œuvre sur l’influence de cet amendement sur la vie en Amérique et dans le monde », dit Stanley Février, qui va créer une autre œuvre sur le même thème en représentant 16 grandes tueries avec 16 armes en porcelaine blanche. 

EVA CLOUARD 

MONTRÉEL

Palais des congrès 

Plasticienne française, Eva Clouard a réalisé une œuvre numérique intitulée Montréel. Sur un écran de télé, on voit son déplacement en direct (en fait celui de son œil pris en photo !) sur deux cartes géographiques d’échelles différentes. Montréel utilise une application de géolocalisation et le GPS du téléphone de l’artiste. L’œuvre permet à des gens de la retrouver pour la rencontrer et traite surtout de la surveillance des utilisateurs de cellulaires. « On est pisté sans le savoir, dit-elle. Sur les comptes Google, on peut voir tous les soirs l’historique des déplacements qu’on a faits dans la journée. L’œuvre a pour but de faire prendre conscience aux gens que la technologie permet à des entreprises de nous espionner en permanence, à des fins publicitaires notamment. Ça peut être jugé pratique par certains, mais je crois que c’est un danger. En plus, si on est vu par tout le monde, est-ce qu’on ne perd pas notre espace de liberté ? » 

PASCAL DUFAUX 

LE COSMOS DANS LEQUEL NOUS SOMMES

Palais des congrès 

Fasciné depuis toujours par l’objectif d’une caméra et créateur de dispositifs vidéo cinétiques, Pascal Dufaux a développé dès 2009 l’œuvre Le cosmos dans lequel nous sommes, qui évoque les images provenant autant de la conquête spatiale que des caméras de surveillance. Des images qui espionnent en permanence. « Qu’on soit chrétien, juif ou arabe, on est tous surveillés », dit Pascal Dufaux. La version 2015 de sa « machine » est une mise en scène de nos perceptions. Sculpture constituée d’un plateau, d’un trépied et de trois néons éclairés, elle comprend un signal vidéo divisé en deux qui permet au visiteur de se voir sur un écran en temps réel et avec un délai de 15 secondes. Après plusieurs villes canadiennes, Genève et Art souterrain, cette pièce fera la tournée des maisons de la culture au Québec cette année et l’an prochain. 

VIRGINIE LAGANIÈRE 

TOBLERONES 

Palais des congrès 

L’artiste montréalaise aime travailler de façon documentaire sur les espaces architecturaux et les phénomènes d’insécurité sociale. L’histoire l’intéresse aussi et elle présente à Art souterrain le résultat d’un projet réalisé il y a quatre ans lors d’une résidence en Suisse sur le sentier des Toblerones, près de Lausanne. On y trouve de gros blocs triangulaires en béton qui ont la forme du fameux chocolat suisse Toblerone. Ils datent de la Seconde Guerre mondiale et devaient servir à empêcher la progression d’éventuels tanks allemands et ainsi assurer la sécurité des Suisses. Virginie Laganière expose – dans un couloir souterrain aux allures de bunker – des photos de ces blocs, aujourd’hui recouverts de végétation ou recyclés par des résidants, notamment pour créer des abris utilitaires. L’artiste de 37 ans présente également une sculpture faite de néons qui reproduit la forme de deux blocs de Toblerones. 

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