Cancer du sein métastatique

Percée importante dans le traitement médical

La nouvelle a été qualifiée par l’oncologue Nathaniel Bouganim de « percée » dans le traitement du cancer du sein métastatique de type hormonal dépendant (ER+). Une famille de médicaments, le Kisqali et l’Ibrance, approuvés récemment par Santé Canada, permettrait d’inhiber une enzyme responsable du « réveil » des cellules cancéreuses. Combinés à l’hormonothérapie, ces traitements maintiendraient le cancer en dormance.

Milène Lanthier a appris qu’elle avait un cancer du sein en mai 2015. Elle avait 43 ans.

Chirurgie, radiothérapie, hormonothérapie, elle a repris le boulot avant la fin de l’année et vécu une période de rémission qui a duré deux ans. Mais en mai 2017, son oncologue l’a convoquée à son bureau, avec son mari. « Habituellement, il était toujours cool, appuyé contre son bureau, mais là il était inquiet, il s’est assis en face de moi, il m’a pris les mains, et il m’a dit que j’avais des métastases dans les os… »

C’est ainsi que Milène Lanthier a fait son « entrée » dans le club des « stade 4 ». Sur 4, rappelons-le. Une catégorie où l’on ne parle plus de guérison, ni même de rémission. On tente seulement de ralentir la progression de la maladie.

« Tout change quand on est au stade 4, nous confie cette maman de deux garçons âgés de 16 et 20 ans, qui dit avoir ressenti un « vertige » en apprenant la nouvelle. « Quand on a un stade 4, on cesse d’utiliser les mots “bataille” ou “espoir”. On fait partie d’un autre groupe, qui fait peur et qu’on ne veut pas trop voir. Parce qu’on est la preuve que les récidives, ça existe. Notre seul espoir, rendu là, c’est la recherche médicale », insiste-t-elle.

Nouveaux traitements

Après qu’elle eut encaissé le coup, son oncologue – de l’Hôpital général juif – lui a proposé de participer à une étude clinique. Elle a quand même dû être opérée au dos (à cause d’une vertèbre touchée par son cancer) et subir de nouveaux traitements de radiothérapie. Mais deux mois après, elle a commencé à prendre du Kisqali – un médicament qui vient d’être approuvé par Santé Canada.

Le Dr Nathaniel Bouganim, professeur au département d’oncologie de l’Université McGill, n’hésite pas à qualifier ce médicament – ainsi que l’Ibrance – de percée dans le traitement du cancer du sein métastatique de type hormonal dépendant.

« C’est rare qu’un médicament entraîne une amélioration, c’est-à-dire que la maladie cesse de progresser. C’est pourtant ce qu’on constate avec cette famille de médicaments. »

— Le Dr Nathaniel Bouganim

En clair, le cancer du sein de type hormonal dépendant (ER+) de Milène Lanthier – le plus répandu, avec 65 % de tous les cancers du sein – croît grâce à la présence d’œstrogènes. Le traitement de base consiste donc à réduire le taux d’œstrogènes dans le corps grâce à des médicaments comme le Létrozole.

« Habituellement, ces médicaments seront efficaces pendant 10 à 12 mois, mais après, il faut changer de traitement antihormonal, parce que le corps s’habitue au médicament, précise le Dr Bouganim. Dans certains cas, les cellules sont même capables d’activer les récepteurs sans la présence d’œstrogène, ce qui a donné naissance à une autre gamme de médicaments, qui tentent de neutraliser ces trajectoires. »

Le Kisqali et l’Ibrance (noms commerciaux) ne s’intéressent pas à la résistance aux traitements antihormonaux, explique le Dr Bouganim. « Ils inhibent l’enzyme qui permet aux cellules de croître. Le but est de faire en sorte que ces cellules soient toujours dormantes. En combinant cet inhibiteur au traitement antihormonal classique, qui réduit le taux d’œstrogènes, ces cellules finissent par mourir. Et l’efficacité de l’antihormonal passe de 12 à 22 mois ! »

Retarder la chimiothérapie

Sans ce traitement, Milène Lanthier n’aurait probablement pas pu nous parler aujourd’hui. Depuis un an, son cancer n’a pas du tout progressé. « Rien n’a bougé ! Je sais que statistiquement, l’efficacité de ce traitement est évaluée à deux ans, mais je me répète souvent que je ne suis pas une statistique. Il y a des gens qui ont vécu 15 ans avec des métastases, donc j’essaie de focaliser là-dessus. »

Après 22 mois, les médecins peuvent changer de traitement antihormonal. « Ces médicaments s’ajoutent à notre arsenal, insiste le Dr Bouganim. Ça ne remplace rien, mais ça nous donne plus de temps. Sans ces médicaments, les femmes qui ont ce cancer seraient en chimiothérapie. La médication retarde donc ces traitements-là, ce qui améliore évidemment leur qualité de vie. Dans quelques années, on pourra dire qu’il y a une amélioration dans la survie globale. »

Depuis un an, non seulement le cancer de Milène Lanthier n’a pas progressé, mais l’humeur autour d’elle a aussi changé. « Les gens sont positifs, ça me redonne de l’espoir », nous dit cette femme lucide et déterminée, qui refuse d’être « une statistique ». « C’est sûr qu’on ne connaît pas la suite, mais pour l’instant, c’est tellement encourageant. Je travaille à temps plein pour une compagnie aérienne, donc je voyage beaucoup. Je m’en vais à Porto dans quelques jours et j’essaie de vivre ma vie le plus normalement possible. Je suis sûre que ça aide le traitement d’être heureuse. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.