entrevue

La fête des Mères, sans enfant

Près de 25 % des femmes nées au milieu des années 50 n’ont pas eu d’enfant, selon l’Institut de la statistique du Québec. Parmi celles nées au milieu des années 70, de 16 à 18 % n’ont ni fille ni garçon. Traverser le jour de la fête des Mères peut être difficile pour celles qui regrettent la maternité. Catherine-Emmanuelle Delisle, du site Femme sans enfant, organise ce matin au café Ma langue au chat de Québec une rencontre entre femmes qui ne sont pas mères. La Presse l’a jointe pour en discuter.

Vivre la fête des Mères quand on est en deuil de la maternité, c’est difficile ?

Oui. Je constate qu’il y a trois moments dans l’année où c’est particulièrement difficile pour les femmes sans enfant : c’est Noël, l’Halloween et la fête des Mères. Ce sont trois dates charnières, parce qu’à Noël, on est confrontées à nos familles, à ce qu’on voudrait avoir et qu’on n’a pas, aux familles des autres. À l’Halloween, on voit des enfants partout sur les médias sociaux. Et à la fête des Mères, évidemment, parce qu’on ne réalise pas notre rêve d’être mère. La douleur est réactivée.

Si on sait qu’une femme sans enfant, par exemple une tante ou une sœur, sera à notre célébration de la fête des Mères, doit-on lui apporter aussi des fleurs ?

Tout est dans la communication, à mon avis. C’est vraiment du cas par cas. La meilleure chose, c’est carrément de demander à la personne ce qu’elle souhaite. Après, c’est clair. On peut répondre au besoin que la personne va nommer. Il y en a qui ont besoin que le rôle qu’elles jouent, même si elles ne sont pas mères, soit reconnu. Pour d’autres femmes, non, elles ne sont pas mères et elles n’ont pas envie qu’on souligne qu’elles ne le sont pas.

Que peut faire une femme sans enfant à la fête des Mères ?

La National Infertility Association propose des stratégies que je trouve intéressantes. La première est de se concentrer sur d’autres aspects que la non-maternité. Célébrer un parent ou un grand-parent, par exemple. Si notre relation avec notre mère n’est pas idyllique, on peut célébrer une femme qui est une mère dans notre vie, même si ce n’est pas notre propre mère. Aussi, c’est sûr que se joindre à un réseau de soutien pour traverser cette journée, ça peut être super aidant. J’organise une rencontre dans un café aux chats, à Québec. On va se donner du bonheur et essayer de traverser ensemble ce moment qui peut être souffrant. D’autres peuvent tout simplement planifier quelque chose d’agréable, faire ce qu’elles aiment vraiment.

Avez-vous un truc que vous utilisez ?

Oui. J’ai remarqué qu’à la pharmacie, il y a plein de coffrets de produits de beauté qui sont à prix réduit, à la fête des Mères. Je ne suis pas une mère, mais je me gâte et je m’offre un coffret. C’est mon pied de nez et mon petit baume. Prévoir une stratégie pour survivre, entre guillemets, à cette journée-là, c’est une manière positive de la traverser et d’en ressortir moins écorchée.

Doit-on aller à la fête de famille, si on n’est pas mère ?

Il y a deux options. On peut fêter avec la famille élargie ou éviter ces fêtes. Il faut que ce soit expliqué et nommé par la personne à sa famille, qu’elle dise : « C’est une source de souffrance pour moi, je ne me sens pas capable de participer. » Si les gens sont au courant des besoins de la personne, c’est plus facile de les respecter. C’est comme les showers de bébé de nos amies : quand on est infertile, on n’est pas obligée de se forcer à y aller. On a le droit de prendre un temps pour soi, si la situation est trop douloureuse à ce moment-là de notre vie.

Vous donnez des conférences sur les femmes sans enfant ?

Oui, j’y parle des gens sans enfant par choix et par circonstances de la vie. Je mentionne la sous-représentation de ces gens dans les médias. J’aborde les principales étapes à traverser quand on fait le deuil de la maternité, quels sont les défis, les émotions. Pour qu’on lève les tabous autour de ces émotions, que ce soit normalisé. Je parle également de modèles de femmes connues qui sont sans enfant, par choix ou par circonstances.

D’après les statistiques, beaucoup de femmes n’ont pas d’enfant – de 16 à 18 % de celles nées au milieu des années 70.

Les résultats du dernier recensement sont assez parlants : maintenant, il y a autant de couples sans enfant qu’avec enfants, au Canada. Mais on dirait que ça ne se reflète pas dans les médias. Comme si on résistait à voir la réalité.

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