politique

Les propos de Philippe Couillard sur l’argent perçu en trop et « redonné » aux Québécois, ainsi que les conditions de travail difficiles des infirmières ont mis le gouvernement dans l’embarras cette semaine. Analyse et compte rendu.

Analyse

Les cadeaux malheureux…

Québec — Les libéraux préparaient leur campagne au printemps 2014. On cherchait un slogan pour résumer le message économique. Les candidatures du trio Carlos Leitão, Jacques Daoust et Martin Coiteux étaient dans le sac ; il ne restait qu’à les annoncer dans un point de presse à la tour de la Bourse. Le conseiller économique Philippe Dubuisson aiguisa son crayon et proposa à l’équipe des communications la formule-choc qu’ils désiraient : 250 000 emplois créés en cinq ans.

Il recyclait un engagement de Jean Charest en 2012, mais qu’importe. En 2012 comme en 2014, la promesse sur cinq ans tenait de la chiromancie. En cuisine, on ajouta les ingrédients nécessaires pour que la simulation débouche sur ce chiffre. Surtout, on rassembla tous les candidats au premier étage de la permanence du PLQ, rue Waverly, pour s’assurer que personne n’interprète à sa façon la promesse de Philippe Couillard. Le banquier Leitão fut particulièrement difficile à convaincre, confie-t-on.

Après trois ans de croissance économique solide, le gouvernement est, semble-t-il, sur le point d’atteindre cet objectif. Les campagnes électorales foisonnent de ces engagements qu’on rappelle une fois qu’ils sont réalisés, qu’on balaie sous le tapis quand la cible est ratée. Une promesse réalisée est-elle saluée par les électeurs ? Les gouvernements se font-ils réélire sur leur bilan ou sur ce qu’ils peuvent faire miroiter dans un nouveau mandat ? L’exemple récent de Denis Coderre devrait faire réfléchir les stratèges libéraux ; le maire avait livré la marchandise, mais ne promettait guère plus que quatre ans de la même cuisine. Les électeurs ont préféré changer le menu. 

Se contenter de faire campagne sur son bilan, « c’est la catastrophe annoncée », avait reconnu Philippe Couillard.

Il y a promesse ou engagement tenu. Mais jamais de cadeau. Philippe Couillard l’a appris à ses dépens cette semaine quand il a utilisé ce mot tabou. Il a souligné inutilement que les 100 $ par enfant désormais versés pour les fournitures scolaires n’étaient pas un cadeau fait aux parents. « Ce n’est pas des cadeaux, un cadeau est quelque chose qui m’appartient à moi et que je te donne. Mais c’est à vous, cet argent-là. C’est vous qui l’avez envoyé. On trouve qu’on n’a pas besoin de tout l’argent que vous avez envoyé pour faire la job comme il faut… fait qu’on vous en redonne », a-t-il lancé mardi soir, à Québec, devant des militants inquiets.

Aveu embarrassant, susceptible de choquer bien des contribuables. D’une part, ceux qui ont souffert des compressions, de l’austérité inutile. D’autre part, ceux qui pestent contre le poids des impôts. Tous apprenaient subitement qu’on les avait fait souffrir pour rien, que Québec n’avait pas besoin de tous ces impôts, de toutes ces économies.

La rapidité avec laquelle l’opposition caquiste s’est emparée de cette sortie est un bon indice de l’ampleur de la gaffe.

Dans la fébrilité d’une campagne électorale, un tel faux pas peut vous suivre quelques jours. Quand l’autocar électoral est lancé à grande vitesse, un caillou peut le faire dérailler.

Mais la campagne n’est pas enclenchée. Le lendemain, à l’entrée de la réunion présessionnelle du caucus libéral, tous les élus étaient au combat pour colmater la brèche ; c’est la bonne performance de l’économie qui a fait déborder les coffres, non l’avidité du gouvernement Couillard. Étonnamment, le même Philippe Couillard qui disait mardi qu’il y avait de l’argent de trop dans les coffres soulignait ne pouvoir faire face aux demandes en santé à cause des « ressources limitées ». On manque d’argent ou il y en a trop ? La question se pose.

Pour la bévue des « cadeaux », on a opté pour une précision plutôt qu’une volte-face ; il reste que, quand la campagne est enclenchée, la nuance est souvent bien ténue. La succession des versions quant au lien rapide Québec-Montréal – du monorail suivant la 20 jusqu’au « train à grande fréquence » sur la rive nord du Saint-Laurent – sera une cible facile en campagne électorale. Couillard s’est même risqué à appuyer en même temps le troisième lien et le projet de tramway à Québec. Les lendemains risquent d’être difficiles, Couillard risque de retrouver l’étiquette de « Philippe-flop » (flip-flop) que lui avait accolée The Gazette quand il était chef de l’opposition.

D’ailleurs, Philippe Couillard devrait tirer une leçon plus profonde de cette allocution de mardi devant les militants de la Capitale. Même du point de vue de libéraux, la performance, la livraison du discours, était déplorable – Couillard changeait fréquemment de niveau de langage, et s’adressait aux militants comme s’il s’agissait d’une cohorte d’élèves du secondaire. Sa garde rapprochée a même plaidé qu’il était toujours sous l’emprise du décalage horaire, étant rentré de Chine le week-end précédent. Il faut dire qu’il avait préparé une intervention d’une douzaine de minutes ; il l’a étirée pendant 38 minutes.

Un politicien ne peut faire pire erreur que de revêtir les habits de quelqu’un d’autre – on attend de Couillard qu’il soit cérébral, qu’il conserve un niveau élevé. Les « tabarnouche » font sourciller. Même si elles ont paru faire recette, les « vraies affaires » détonaient déjà dans le discours de Philippe Couillard en 2014.

Politique

Drainville est « un chroniqueur qui fait de la politique », dit Barrette

Québec — Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, accuse Bernard Drainville, commentateur politique à LCN et animateur au 98,5 FM, d’être « un chroniqueur qui fait de la politique ».

Sur Twitter, hier, M. Barrette a publié des photos d’une conversation privée par textos que M. Drainville a eue avec une personne de son cabinet. Le sujet : le bras de fer avec la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui fait beaucoup de bruit ces jours-ci sur les conditions de travail difficiles des infirmières.

« J’ai été clair à plusieurs reprises sur la colline parlementaire et [à Puisqu’il faut se lever] : je rencontrerai Mme Bédard, présidente de la FIQ. Par contre, que les choses soient claires, je n’ai pas à gérer les scoops de [Bernard Drainville]. Quelle mauvaise foi ! Un chroniqueur qui fait de la politique », a écrit le ministre de la Santé au sujet de l’ancien député péquiste.

Avec son tweet, M. Barrette a également publié des captures d’écran d’une conversation par messages textes que l’animateur de radio a eue avec une personne de son cabinet.

« Pourquoi vous ne rencontrez pas la FIQ ? 5 demandes de rencontre depuis 2 mois, me dit-on… Et vous ne rappelez pas. Pourquoi ? », demande l’animateur, selon ce qu’on peut lire sur l’une des images.

« Ils ont fait une demande de rencontre comme plusieurs organismes. L’agenda ne l’a pas encore permis, mais le ministre l’a dit clairement qu’il allait les rencontrer à nouveau », a-t-on notamment répondu à M. Drainville.

« Vous vous parlez par médias interposés et vous perdez la bataille de l’opinion publique. Je ne comprends pas votre stratégie. Pourquoi vous [ne] les rencontrez pas ? Vous l’annoncez, signe de bonne volonté genre… Photo op, sourire du ministre… Vous avez quoi à perdre ? On est off… Je parle à “l’entourage du ministre” », poursuit le commentateur politique, à qui l’on répond, entre autres, « je n’organiserai pas de rencontres par média interposé ».

En fin d’avant-midi, hier, Bernard Drainville a répondu sur Twitter au tweet du ministre de la Santé, où celui-ci dévoilait ses messages.

« Je prends bonne note que mes échanges off the record avec votre entourage ne le sont plus. En 20 ans de métier, j’ai jamais vu ça. »

— Bernard Drainville, chroniqueur et animateur, sur Twitter

Quelques minutes plus tard, le ministre de la Santé a poursuivi la discussion sur Twitter en répondant au chroniqueur. 

« J’ai une action publique depuis 1996. Je n’ai jamais vu mes propos ni ceux de mon entourage aussi déformés et utilisés avec autant de biais. Jamais. La population a le droit de savoir votre modus operandi pour bien saisir la portée de vos propos. »

— Gaétan Barrette, ministre de la Santé, sur Twitter

Au cabinet du premier ministre, le directeur adjoint responsable des relations avec les médias, Charles Robert, a préféré ne pas commenter l’affaire.

L’attachée de presse de Gaétan Barrette, Catherine W. Audet, a pour sa part dit : « On est capable de tenir notre parole quand c’est une conversation “off the record”. Dans ce cas-ci, c’était une demande d’information. »

Les infirmières toujours dans l’actualité

Hier matin, au micro de Puisqu’il faut se lever, au 98,5 FM, M. Drainville a commenté le dossier des infirmières et de leurs relations avec le ministre de la Santé.

« Gaétan Barrette et les libéraux voudraient convaincre les Québécois de changer de gouvernement qu’ils n’agiraient pas autrement. Je ne la comprends pas, leur stratégie ! », a-t-il notamment dit.

La question des conditions de travail des infirmières a marqué le caucus libéral présessionnel, qui s’est terminé hier. La FIQ a notamment lancé une campagne publicitaire, ce qui a fait dire au ministre de la Santé que le syndicat alimentait un « cercle vicieux » avec sa campagne « contre-productive ».

La Presse a joint l’attaché de presse de la FIQ, Manuel Dionne, qui a déjà été attaché de presse pour Bernard Drainville à l’époque où il était ministre. M. Dionne a confirmé que le syndicat n’avait pas obtenu une nouvelle date de rencontre avec Gaétan Barrette.

Politique

Les libéraux ont une page Facebook pour rétablir « les faits »

Québec — Les députés libéraux ont une page Facebook alimentée par les cabinets ministériels où ils disent rétablir « les faits » sur des sujets d’actualité.

La page intitulée Actualités politiques Québec, dont la portée demeure limitée (563 personnes y sont abonnées), affiche une photo en bannière où l’on voit le premier ministre Philippe Couillard et le slogan « Du contenu exclusif, sans filtre, à portée de main ». La mention que le contenu vient du Parti libéral du Québec n’y apparaît pas.

« C’est essentiellement informatif ou des nuances sur des enjeux qui touchent l’aile parlementaire libérale. […] Ce sont des ministres qui ont souvent de l’information à transmettre », a expliqué à La Presse le directeur adjoint du cabinet du premier ministre responsable des relations avec les médias, Charles Robert.

Cette page, dont les premières publications semblent remonter à la mi-novembre, a été plus régulièrement alimentée ces derniers jours, alors que les libéraux étaient réunis en caucus à l’Assemblée nationale.

Les dernières capsules vidéo présentent d’ailleurs deux ministres, Carlos Leitão (Finances) et Gaétan Barrette (Santé). Les textes qui les présentent commencent par les mots « Rétablissons les faits » en français et « Let’s get the facts straight » en anglais. M. Barrette revient notamment sur les conditions de travail difficiles des infirmières, un enjeu sensible qui a marqué l’actualité politique des derniers jours.

« C’est du contenu d’intérêt public, que ce soit pour les journalistes qui peuvent avoir une réaction à chaud [d’un ministre] ou pour la population qui peut voir rapidement ce que le gouvernement ou les députés de l’aile parlementaire ont à dire sur un enjeu. »

— Charles Robert, directeur adjoint au cabinet du premier ministre

« Il est assez aisé de voir que c’est du contenu où l’administrateur est le comité des députés libéraux », a-t-il soutenu, assurant que l’administration de cette page se faisait à coût nul.

« Un manque d'authenticité », dénonce le PQ

Au Parti québécois (PQ), on déplore le fait que « le gouvernement a visiblement monté une page Facebook pour faire passer ses messages ».

« L’ingrédient numéro un des communications numériques, c’est l’authenticité, ce dont le gouvernement manque totalement en cachant que ce sont les messages gouvernementaux qui passent sous le mot “actualités” », a affirmé Valérie Chamula, attachée de presse de l’aile parlementaire péquiste.

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