Opinion : Armes à feu aux États-Unis

33 000 morts par année

Au-delà des fusillades et des décès impliquant les forces policières, l’ampleur de la mortalité par armes à feu aux États-Unis est relativement peu connue.

Pourtant, les statistiques sont facilement accessibles à partir de la base de données sur les décès du site des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et révèlent un portrait contrasté.

Les données les plus récentes montrent que 33 000 décès par armes à feu surviennent en moyenne annuellement aux États-Unis. Parmi ceux-ci, 62 % se rapportent à des suicides et 34 % à des homicides. Le reste des décès par armes à feu, 4 %, est constitué d’accidents, de décès indéterminés quant à l’intention et d’interventions de la force policière. Les cas les plus médiatisés, soit les décès liés aux tueries et aux interventions de la force policière, représentent ensemble environ 3 % des décès par armes à feu.

Durant la dernière décennie, les décès par armes à feu, et plus particulièrement ceux par suicide, ont augmenté alors que ceux par homicide ont diminué. Comme les décès par armes à feu évoluent au même rythme que les effectifs de la population américaine, le taux de mortalité demeure stable dans le temps.

Les armes à feu occasionnent six fois plus de décès chez les hommes que chez les femmes. À part chez les moins de 15 ans, la mortalité semble présenter peu de variations d’un groupe d’âge à l’autre. Cependant, l’importance des suicides et des homicides évolue en sens opposé. Chez les 15-34 ans, les homicides dominent alors que chez les personnes de 75 ans et plus, plus de 90 % des décès par armes à feu sont associés à des suicides.

NOIRS ET BLANCS

Les données selon le groupe racial montrent que les décès par armes à feu sont presque deux fois plus fréquents dans la population noire que dans la population blanche. Si les homicides prévalent dans la population noire, les suicides constituent plus des trois quarts des décès dans la population blanche.

L’analyse plus spécifique de la mortalité chez les hommes de 15 ans et plus accentue les différences entre les Noirs et les Blancs. Chez les Noirs, les risques de décès par armes à feu diminuent avec l’âge, alors que chez les Blancs, c’est le contraire. Ainsi, les deux groupes les plus à risque de décès par armes à feu sont, d’un côté, les hommes noirs de 15-34 ans, principalement par homicide, et de l’autre, les hommes blancs de 75 ans et plus, essentiellement par suicide.

La mortalité par armes à feu constitue un problème majeur de santé publique aux États-Unis.

Au cours des 15 dernières années, près d’un demi-million de décès par armes à feu ont été dénombrés. Les États-Unis affichent de loin, parmi l’ensemble des pays industrialisés, le taux le plus élevé de mortalité par armes à feu. En comparaison, le taux américain est cinq fois plus élevé que le taux canadien. Depuis 2010, les décès par armes à feu ont dépassé ceux par accidents de transport chez les hommes. De plus, les homicides par armes à feu représentent la première cause de décès chez les hommes noirs de 15-34 ans.

À la demande du président Obama, la reprise des travaux des CDC sur l’épidémiologie de la violence par armes à feu, après une interruption de plusieurs années, constitue sans aucun doute un pas dans la bonne direction pour établir les meilleures interventions pour réduire ce fléau, notamment celles qui passent par le contrôle des armes à feu.

* Démographe, l’auteur a travaillé pendant plus de 30 ans dans le domaine de la santé des populations, notamment à l’Institut national de santé publique du Québec et à la direction de santé publique de Montréal.

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