Le nutritionniste vous répond

Manger bio est-il meilleur pour la santé ?

Quand je donne des conférences où j’aborde l’agriculture biologique et ses potentiels bienfaits pour l’environnement, systématiquement, une main se lève pour me questionner à propos de son impact sur la santé humaine. Pour expliquer la situation, j’estime que deux facettes du sujet doivent être explorées : les nutriments et les pesticides.

Le cas des nutriments

Plusieurs facteurs influencent la valeur nutritive des aliments. Dans le cas des fruits et des légumes, par exemple, la quantité d’eau, le climat, le sol, la variété et l’ensoleillement reçu modulent les teneurs en vitamines, en minéraux et en antioxydants. Or, de temps en temps, on voit paraître des études qui déclarent que les aliments biologiques sont plus nutritifs que ceux cultivés de façon conventionnelle.

Prenons l’exemple d’une recherche (fictive, mais fortement inspirée de ce qui se publie dans le domaine) qui conclut que dans les pêches biologiques évaluées, il y avait 20 % plus de vitamine C que dans les conventionnelles. Ces résultats ne concernent qu’un fruit et qu’une vitamine. On trouve toutefois des milliers de molécules différentes dans les aliments. Il y en a qu’on connaît et qu’on étudie, d’autres, pas encore. Celles-ci sont tout de même potentiellement utiles et interagissent certainement, une fois ingérées.

La vitamine C n’est pas plus importante que les autres. Dire qu’un aliment est plus nutritif parce qu’il offre un peu plus d’une vitamine est trop simpliste et même incomplet. Il pourrait très bien aussi contenir moins de certains nutriments non évalués.

C’est sans compter qu’on ne peut pas franchir l’étape suivante et déclarer ces aliments comme « meilleurs pour la santé » parce qu’ils renferment plus d’une seule vitamine. À une époque où la carence en vitamine C est à peu près inexistante, avez-vous vraiment besoin de ces 20 % supplémentaires ?

Cela étant dit, bien que certaines études trouvent ce genre de différences, lorsqu’on regarde les résultats de façon globale, ces deux méthodes d’agriculture semblent produire des aliments assez équivalents d’un point de vue nutritionnel.

Le cas des pesticides

Les herbicides, les insecticides et les fongicides de synthèse sont des produits utilisés en agriculture conventionnelle. Les travailleurs sont exposés à de plus grandes doses et plus fréquemment que nous à ces molécules. On a associé cette exposition aux produits agrochimiques à des cancers, des malformations congénitales, des problèmes respiratoires, des fausses couches et la maladie de Parkinson. Ainsi, plusieurs se demandent si nous, comme consommateurs, mettons notre santé à risque en ingérant ces cocktails de pesticides.

Il est évident que les aliments biologiques contiennent moins de traces de ces produits que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Cela étant dit, nous mangeons déjà peu de pesticides et à ces quantités, il n’est pas possible de prouver que ceux-ci ont un impact sur notre santé.

Évidemment, je suis d’avis qu’un travail, sur le plan de la réglementation, doit être fait pour éliminer ceux qui semblent les plus suspects. Mais même si on découvrait demain matin que certains pesticides de synthèse sont dangereux aux doses où nous les consommons, ce ne serait pas la fin du monde. En fait, manger des fruits et des légumes est tellement bon pour la santé qu’ils nous protègent contre les risques potentiels de ces molécules. S’en priver, sous prétexte qu’ils contiennent des pesticides, est probablement plus risqué.

Ça peut sembler « plate » comme conclusion, mais cela ne veut pas dire que le mode de production biologique est inintéressant, au contraire. Même si, d’un point de vue de la santé individuelle, on n’est pas capable de prouver que les aliments biologiques sont meilleurs, il reste qu’en achetant ces derniers, on protège la santé de ceux qui produisent notre nourriture. C’est sans compter que les pesticides de synthèse de l’agriculture conventionnelle se retrouvent dans l’air, l’eau et le sol et qu’ils affectent la santé des écosystèmes, et donc, plus largement, la nôtre.

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