Mon clin d’œil

« Snif ! Snif ! Plus personne ne me comprend. »

— L’Univers, pleurant le décès de Stephen Hawking

industrie du taxi

M. Taillefer, vous avez une poutre féodale dans l’œil

Dans l’édition d’hier de La Presse, Alexandre Taillefer accusait les principaux regroupements de taxis du Québec d’agir pour protéger leur « régime féodal » en refusant « toute amélioration, toute flexibilité ». M. Taillefer, aujourd’hui, les représentants de près de 3500 taxis montréalais et québécois vous disent : vous avez une poutre féodale dans l’œil.

Accuser les autres d’être féodaux, quand on reçoit des millions en subventions du gouvernement, directement et indirectement, et quand on défend sur la place publique la façon dont le premier ministre Couillard lèse 22 000 familles (permis de chauffeurs et propriétaires confondus) au profit d’un tout petit groupe, dont vous faites partie, c’est mal comprendre le sens du mot féodal.

Dire que les autres protègent leur chasse gardée, quand d’une main vous obtenez argent et changements législatifs du gouvernement, pendant que de l’autre vous appuyez le Parti libéral jusqu’à participer aux événements des jeunes libéraux, en critiquant ouvertement les oppositions, c’est pour le moins manquer de cohérence.

Peut-être notre défense des propriétaires de permis de taxi vous offense-t-elle parce que vous êtes locataire de permis ? Peut-être votre modèle d’affaires basé sur la générosité de l’État et des voitures électriques qui rouspètent à -25 °C l’hiver au Québec comptait-il sur un effondrement plus important de la valeur des permis ? Nous comprenons que vos affaires vont peut-être mal, mais de là à attaquer les propriétaires de permis de taxi qui défendent un des rares biens d’importance de leur patrimoine...

LOURDE HYPOTHÈQUE

Au départ de Téo Taxi, vous louiez nos permis de taxi 300 $ par semaine. Aujourd’hui, vous offrez 175 $ pour le même permis. Agissez-vous de façon féodale ? Bien sûr que non ! Quand vous négociez ferme, vous êtes un homme d’affaires avisé, mais quand nous faisons de même, nous sommes des gens arriérés. Vous vous plaignez que nous louons nos permis trop cher. 

Parce que l’hypothèque sur chaque permis est énorme. Savez-vous pourquoi nous les louons à ce prix ? Parce que l’hypothèque sur chaque permis est énorme. Si la valeur de nos permis ne descend pas assez bas à votre goût, c’est parce qu’elle est en partie maintenue haute par la dette. 

Comment voulez-vous que quelqu’un qui a des paiements de 1600 $ par mois sur son permis le loue en bas de ce prix ? 

Ce n’est pas assez bas pour votre modèle d’affaires, surtout dans un contexte où Uber ne détient aucun permis et agit à sa guise, d’accord. Mais ne méprisez pas de pauvres propriétaires dans le pétrin parce qu’ils vous tiennent la dragée haute, s’il vous plaît.

En terminant, M. Taillefer, nous aimerions vous rappeler que nous n’avons pas demandé le paiement de 500 millions dans le budget provincial. Nous avons demandé le provisionnement de cette somme, pour plus tard. Nous avons demandé que ce montant soit mis de côté. À quoi bon négocier avec le Comité des finances sur les compensations, si c’est pour se faire dire plus tard : « Désolé, on ne l’a pas budgété » ?

Cette provision qui nous a été refusée, elle nous semblait simplement légitime, nécessaire à la poursuite des discussions. Pourtant, vous affirmez qu’il « serait étonnant que le gouvernement mette un montant en provision dans le budget ». Vraiment ? Quand on a une grosse dépense à venir, il est illogique de la prévoir ? Contrairement à nos 3500 membres, vous êtes presque exclusivement locataire de permis de taxi, pas propriétaire. En tant que tel, il est de plus en plus clair que vous avez intérêt à prolonger la crise du taxi, tout en vous lovant contre le gouvernement de Philippe Couillard. Agir de cette façon M. Taillefer, ça, c’est féodal.

* Cosignataires : François Cyr, porte-parole, TGM ; George Boussios, porte-parole, TGM et Abdallah Homsy, porte-parole, RITQ

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