La troisième fois sera-t-elle la bonne ?
En traversant à pied le parc Jarry, il faut tout juste 15 minutes depuis le cœur du quartier Villeray pour atteindre celui de Parc-Extension.
Une distance courte, certes, mais qui sépare littéralement deux planètes que tentent de conquérir les candidats dans Laurier-Dorion.
Rue De Castelnau, dans Villeray, Andrés Fontecilla marche en territoire ami. À sa troisième campagne pour Québec solidaire, l’ex-porte-parole du parti est désormais un visage connu du coin. À pied, en vélo ou attablés à un café, les gens le reconnaissent, quand ils ne l’abordent pas carrément pour lui promettre leur vote. La faune jeune et scolarisée du secteur est une clientèle rêvée pour QS, à quelques pâtés de maisons du bastion solidaire de Gouin.
Dans Parc-Extension, c’est une autre histoire. La campagne s’y effectue une poignée de main, un restaurant, une épicerie de quartier à la fois, à la rencontre d’une population majoritairement immigrée et défavorisée, dans l’espoir de convaincre des leaders du quartier qui peuvent causer un effet d’entraînement.
« C’est beaucoup plus difficile ici, admet M. Fontecilla. Mais nous sommes confiants de faire assez de percées pour l’emporter. »
Arrivé au Québec en 1981 à la fin de la vague de migration chilienne fuyant la dictature de Pinochet, Andrés Fontecilla estime incontournable une candidature issue de la diversité dans Laurier-Dorion.
La réalité des nouveaux arrivants et des communautés culturelles est d’ailleurs au cœur des enjeux locaux de la campagne, avec en tête de liste la question du logement dans Parc-Extension.
« Les gens payent cher pour des appartements petits et insalubres, remplis de moisissure. Il faut que ça change. » — Andrés Fontecilla
Celui-ci raconte en outre que plusieurs électeurs du coin s’inquiètent de voir un gouvernement caquiste changer les règles en matière d’immigration.
« Les gens ont des craintes pour la réunification des familles, même si ça relève du fédéral : ils ne savent pas qui fait quoi, quelles sont les compétences de quel gouvernement… Ils se demandent si ça vaut la peine de rester ici, si le Québec veut encore d’eux. C’est des choses qu’on entend de plus en plus. »
Selon lui, la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger est également omniprésente dans ses échanges avec les communautés immigrantes.
Plus à l’est, dans Villeray, c’est la surpopulation des écoles qui prend le haut du pavé, un enjeu « très concret » dans ce quartier peuplé de jeunes familles.
Rue Jarry Ouest, trois hommes discutent devant la porte ouverte de l’Association des citoyens âgés gréco-canadiens. « We vote liberal ! », lancent-ils spontanément en voyant Andrés Fontecilla s’approcher d’eux. La conversation qui suit est polie, mais de toute évidence, le candidat solidaire ne les fera pas changer de camp aujourd’hui.
Depuis la création de la circonscription en 1992, les libéraux y ont régné presque sans partage, hormis une fenêtre péquiste de deux ans et demi au milieu des années 2000.
Les racines de l’électorat libéral y sont profondes, tout particulièrement au sein de la très fidèle communauté grecque. Celle-ci a pratiquement entre ses mains le sort du candidat libéral. Elle l’a d’ailleurs prouvé en 2004 en boudant les urnes après la démission du vétéran député Christos Sirros, qui s’était senti mis à l’écart par Jean Charest. La péquiste Elsie Lefebvre en avait profité pour se faufiler lors d’une partielle.
D’ailleurs, comme c’est le cas depuis 1981, c’est un membre de la communauté grecque qui défend ici les couleurs libérales. George Tsantrizos tentera en effet de succéder à Gerry Sklavounos, dont il était le conseiller politique depuis 2007. M. Sklavounos a été exclu du caucus libéral à la suite d’allégations d’agression sexuelle (voir autre texte).
« George a vécu toute cette saga-là, il a toujours été aux côtés de M. Sklavounos, fait remarquer Andrés Fontecilla. Les libéraux ne sont pas allés chercher la pomme bien loin de l’arbre… »
Engagé dans une lutte à finir avec son adversaire libéral, Andrés Fontecilla espère bien que cette troisième campagne avec QS sera pour lui la bonne.
Connu localement pour son implication dans le milieu communautaire depuis la fin des années 90, il a donné à QS respectivement 24 % et 28 % des voix en 2012 et en 2014. Il travaille maintenant d’arrache-pied avec son équipe pour grappiller les quelques points additionnels qui pourraient lui valoir une victoire.
« Et si je gagne, ce ne sera pas plus facile à la prochaine élection », rappelle le candidat.
Sur le terrain comme dans les locaux de campagne, les journées sont longues. Mais M. Fontecilla ne perd pas de vue son seul objectif. « Je n’ai pas de plan B, dit-il. J’ai mis tous mes œufs dans le panier de la victoire.
« Plus que jamais, j’y crois. »