Galerie Trois Points Prévisualisations

Appropriation et subversion

Les artistes visuels s’approprient depuis toujours des objets et des techniques pour les plier à leur imaginaire. Ils le font plus que jamais en usant des technologies numériques, jouant avec notre regard. 

L’exposition collective à la Galerie Trois Points s’attarde aux pratiques de quatre artistes « subversifs » – dans le sens artistique du terme. Des créateurs qui maîtrisent si bien les technologies qu’ils en tirent un art à la fois véritable et innovant.

On a beau être principalement devant des images numérisées et des vidéos, l’esprit du ready-made hante l’exposition. L’urinoir de Marcel Duchamp a toutefois été remplacé ici par des logiciels, films et sites web.

John Boyle-Singfield, Jason Arsenault, Oli Sorenson et Alex McLeod utilisent ces matériaux pour les édifier en œuvre d’art. Bien sûr, ils en subvertissent le sens au passage. Marcel Duchamp n’agissait pas différemment en 1917 avec Fontaine.

« Le processus qui nous permet de nous promener dans un environnement virtuel et de bâtir un monde virtuel, c’est révélateur de notre époque, mais ça reste incompris », estime Jean-Michel Bourgeois, copropriétaire de la galerie.

Pourtant, c’est bien là. Les quatre artistes s’approprient des techniques et des objets pour mieux les dépasser, les transcender. Les résultats sont surprenants et inventifs.

« Les artistes qu’on présente ici ont un point de vue. Ils ont quelque chose à dire, un discours qui se tient », souligne le commissaire. 

La directrice de Trois Points, Émilie Grandmont-Bérubé, ajoute que ceux-là, comme Duchamp il y a 100 ans, agissent dans le même état d’esprit.

« Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Qu’est-ce qu’un artiste ? Qu’est-ce que l’objet d’art ? C’est le même processus. Chaque nouvelle technique repose ces mêmes questions fondamentales dans l’histoire de l’art. »

JOUER AVEC BLADE RUNNER

Le cinéma a notamment inspiré Jason Arsenault qui a littéralement « fondu » en une vidéo des scènes des longs métrages Le regard d’Ulysse de Theo Angelopoulos et Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. Fascinant !

De son côté, Oli Sorenson reprend les classiques de science-fiction Blade Runner et Matrix, en gommant absolument toutes les scènes où les héros principaux, Neo (Keanu Reeves) et Deckard (Harrison Ford), apparaissent. 

« Les mécanismes de production sont ainsi dévoilés. D’un point de vue pictural, en enlevant la narration, on apprécie davantage la beauté des plans, les jeux de caméra et la palette de couleurs. » 

— Jean-Michel Bourgeois, copropriétaire de la Galerie Trois Points

La science-fiction est une stratégie récurrente dans l’expo. Les artistes construisent des fictions à partir des technologies, tantôt à saveur politique, tantôt à saveur plus poétique comme dans l’utilisation que fait John Boyle-Singfield d’Instagram. Certains de ses « tableaux » rappellent le travail de Claude Tousignant. 

L’univers d’Alex McLeod est également représentatif à cet égard. Ses architectures numériques, influencées par le hip-hop, créent des mondes au-delà du réel avec de simples objets comme un arbre ou une chaîne en or.

« Avant, il faisait beaucoup de paysages, décrit Émilie Grandmont-Bérubé, mais là, on entre dans des structures. En fait, on ne sait trop si on est dedans ou dehors. C’est très pictural. On voit qu’il a une formation de peintre. »

À la Galerie Trois Points (372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 520), jusqu’au 27 juin

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