Système de santé

L’urgence n’est pas un jardin de roses

Salle comble, personnel pressé, patients à bout de patience… Non, une visite aux urgences n’a rien d’agréable en soi, même si l’attente moyenne sur civière a diminué de près de deux heures dans la dernière année. Pas étonnant que cette amélioration suscite aussi peu d’enthousiasme. N’empêche, il faut poursuivre les efforts en ce sens.

Les Québécois alités sur une civière aux urgences ont attendu moins longtemps durant la dernière année, confirme le Palmarès des urgences de La Presse publié hier. Vous n’avez rien senti ?

C’est compréhensible. Même si la réduction est significative (1 heure 52 minutes par rapport à l’année précédente), l’attente reste non négligeable (13 heures 42 minutes). Et surtout, il s’agit d’une moyenne provinciale. Si vous avez la chance d’habiter près d’un hôpital où les malades restent moins de 10 heures sur leur civière en moyenne, votre perception des urgences est sûrement moins apocalyptique que si vous résidez à Montréal, où de grands hôpitaux comme Sacré-Cœur et Maisonneuve-Rosemont, même en ayant amélioré leur performance, affichaient encore plus de 16 heures et 18 heures d’attente en moyenne en 2017-2018.

Des efforts ont réellement été faits pour que les patients restent moins longtemps sur civière, nous dit-on à l’Association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ). L’accès aux lits d’hospitalisation de même que les ressources à l’extérieur de l’hôpital se sont améliorés. Ça ne devrait cependant pas servir de prétexte pour réduire le personnel, fait valoir le président de l’association. « Les gestionnaires ont horreur de voir une infirmière qui a moins de patients que le maximum au ratio, alors on s’arrange pour en mettre le moins possible sur le plancher, mais dans les urgences, on ne sait jamais comment ça va aller, alors quand ça commence à être occupé, il manque de personnel », rappelle le Dr Bernard Mathieu.

L’objectif du ministère de la Santé est de ramener le séjour moyen sur civière à 12 heures d’ici deux ans, en 2019-2020. Oui, 12 heures, c’est encore très long, mais quand on regarde d’où on est parti en 2015-2016, alors que l’attente était de 15 heures 42 minutes, et le peu de progrès réalisé dans la première année de ce plan de cinq ans (six minutes de moins en 2016-2017 !), la cible a quand même l’air ambitieuse.

Elle l’est d’autant plus que la clientèle des urgences s’alourdit. La proportion des malades sur civière âgés de 75 ans ou plus augmente, celle des patients ayant des problèmes de santé mentale aussi.

La moyenne provinciale, on l’a vu, ne change pas grand-chose à la situation réelle des patients, qui dépend beaucoup de la géographie. Ce qui serait réellement significatif, ce n’est pas l’atteinte de l’objectif général de 12 heures, mais que cette cible devienne la norme partout. Dans des hôpitaux où l’attente moyenne dépasse encore 15, 16, 17 ou 18 heures, ce serait un gain indéniable. C’est ce qui est visé, nous dit-on au ministère de la Santé. Mais comme on le voit, on est encore loin du compte.

« Il faut maintenir la pression constamment, faire sortir les patients de l’hôpital, parce que si on arrête, on va être congestionnés en deux semaines », plaide le président de l’AMUQ.

On se demande d’ailleurs si les efforts consacrés aux patients sur civière ne sont pas faits au détriment des patients sur chaise. En effet, bien que le nombre de patients dits ambulatoires ait diminué, ils ont poireauté 12 minutes de plus entre leur passage au triage et l’obtention de leur congé, soit 4 heures 12 minutes en moyenne.

Réduire l’attendre aux urgences est une tâche ardue, ingrate, mais toujours aussi nécessaire. Le prochain gouvernement, quel qu’il soit, devra s’efforcer de faire mieux.

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