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Des conseils juridiques gratuits aux victimes d’agressions sexuelles

Des conseils juridiques gratuits seront offerts partout au Québec à partir de janvier aux victimes d’agressions sexuelles.

Le projet-pilote sera mené par la Clinique juridique Juripop, qui avait déjà lancé un service similaire, réservé au milieu artistique. Il bénéficie pour ce faire d’une enveloppe de 2,5 millions, tiré du budget de 50 millions sur cinq ans accordé par le gouvernement caquiste pour renforcer la protection des personnes vulnérables.

Dans la foulée de la déferlante du mouvement #metoo, qui a vu quantité d’agresseurs se faire dénoncer, « la méconnaissance et la complexité du système judiciaire » se sont révélées les principaux obstacles ciblés par les victimes, a dit la ministre de la Justice, Sonia LeBel, en conférence de presse lundi.

« Une majorité de personnes est encore réticente à dénoncer », a ajouté la ministre LeBel.

Jusqu’ici, a-t-elle aussi dit, après avoir fait une dénonciation auprès des policiers, les victimes « restaient souvent sans nouvelles, dans le noir ».

Le projet-pilote souhaite donc accompagner les victimes et répondre à leurs questions gratuitement.

Sophie Gagnon, directrice générale de Juripop, a expliqué que la clinique juridique s’emploiera aussi à se mettre en lien avec les milieux de la santé, les travailleurs sociaux, etc. pour que le service soit bien connu.

Il sera offert aux hommes et aux femmes. Les mineurs qui téléphoneront à Juripop seront aussi accompagnés d’une manière ou d’une autre. Des services d’interprètes sont aussi prévus.

Du soutien dès la dénonciation

Les victimes qui auraient besoin d’aide maintenant peuvent aussi appeler Juripop et elles seront dirigées vers quelqu’un, même si le projet-pilote ne sera véritablement lancé qu’en janvier.

« Dès la dénonciation d’un acte à caractère sexuel, il est primordial que la victime puisse bénéficier rapidement de services d’accompagnement et de conseils, afin notamment de mieux saisir les implications du dépôt d’une plainte formelle et du processus judiciaire dans son ensemble. »

— Véronique Hivon, députée du Parti québécois

Des élues des quatre partis qui travaillent main dans la main dans ce dossier des agressions sexuelles étaient présentes à la conférence de presse.

Outre Sonia LeBel, il y avait la libérale Hélène David, la péquiste Véronique Hivon et la députée de Québec solidaire Christine Labrie.

La ministre Sonia LeBel a dit de ses collègues qu’elles étaient des « femmes formidables », tandis que sa consœur libérale Hélène David soulignait qu’elles avaient ensemble « une façon de travailler exceptionnelle ». « Et Dieu que c’est agréable ! », a lancé Mme David au sujet de cette collégialité.

Déferlante de plaintes dans le milieu artistique

Juripop a par ailleurs fait le point sur un autre de ses programmes, l’Aparté, aussi créé en réaction au mouvement #metoo, et qui vise à répondre aux plaintes de harcèlement dans le milieu de la culture. 

En 15 mois, 90 dossiers de harcèlement sexuel ou psychologique ont été ouverts à la suite de plaintes émanant du milieu des arts au Québec.

Me Sophie Gagnon explique qu’en fait, une dizaine de demandes par semaine sont reçues à ses bureaux, mais que seules 90 ont été jugées recevables au fil des mois. 

Dans certains cas, relève Me Gagnon, la plainte chemine autrement parce que la personne n’est pas issue du milieu de la culture ou alors parce que la plaignante évoque un viol et qu’on est alors ailleurs que dans le champ du harcèlement que couvre Aparté.

Milieux très différents 

La moitié des 90 dossiers retenus ont trait à du harcèlement sexuel et l’autre moitié, à du harcèlement psychologique. Au total, 70 plaintes ont été formulées par des femmes, 18 ont été déposées par des hommes (dans les deux autres cas, le plaignant n’a pas précisé son genre ou s’est dit non binaire). « Les plaignants viennent de milieux très différents, de danseurs, de musiciens, de gens du cirque, de techniciens, etc. », a relevé Me Gagnon. 

Du nombre, 15 % des plaignants sont membres de l’Union des artistes. Un plaignant sur dix n’appartient à aucune association. Sophie Prégent, présidente de l’Union des artistes, note que tous ces chiffres disent à quel point les besoins d’aide, mais aussi d’éducation et de conscientisation sont grands.

Quand les plaintes (d’agression sexuelle, dans plusieurs cas) ont commencé à se multiplier dans le milieu des arts il y a deux ans, « on ne savait plus à quel saint se vouer », confie Mme Prégent.

Progressivement, au fil des renouvellements des conventions collectives dans chaque secteur artistique, une politique commune contre le harcèlement est maintenant insérée. Mais pour que la situation s’améliore vraiment sur le terrain, « ça va être long », croit-elle, d’autant que « certains secteurs sont particulièrement hermétiques » et réfractaires à toutes ces questions. Lesquels ? Mme Prégent parle spontanément de la danse, où les chorégraphes ont souvent une telle emprise sur les danseurs « qu’ils ne savent même plus ce qui peut être du harcèlement et ce qui n’en est pas ». 

En entrevue téléphonique, Fabienne Cabado, directrice générale du Regroupement québécois de la danse, estime que la danse, « avec ses zones plus troubles et ses frontières plus poreuses », présente certes un risque particulier. Elle fait observer que le problème est cependant présent partout dans la société. Le Regroupement québécois de la danse, dit-elle, prend ces questions au sérieux. Entre autres choses, une bande dessinée, Danser, ce n’est pas tout accepter, a été créée à des fins de prévention. « On est au XXIe siècle et oui, on aimerait bien qu’on en arrive à des rapports plus sains entre les êtres humains », conclut Mme Cabado.

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