OPINION SYLVAIN CHARLEBOIS

PRODUCTION PORCINE CHINOISE Une année de cochon

Bien que la Chine célèbre l’année du cochon, les producteurs de porcs n’ont peut-être pas le cœur à la fête.

Le pays a dû abattre plus d’un million de porcs infectés par la peste porcine africaine et la maladie continue de ravager le cheptel chinois. Cette épidémie, une maladie virale très contagieuse, infecte uniquement les porcs sans se propager aux humains ni aux autres animaux.

Avec l’ajout des tarifs douaniers imposés par la Chine sur les denrées américaines, le porc se fait plus rare. Tout un problème pour les plus grands amateurs de porc du monde !

Avec les années, la Chine a spectaculairement réussi à devenir presque souveraine en matière de production porcine. Le pays élève maintenant plus 700 millions de porcs par année, une production qui surpasse celle de tous les autres pays combinés. 

Cette protéine animale occupe une place de choix dans l’alimentation des Chinois. Le pays a même une réserve stratégique de porcs surgelés, utilisée depuis 2007 pour maintenir le prix du porc à un niveau abordable sur le marché.

La Chine possède aussi des réserves de certains grains afin de subvenir aux besoins des animaux et des humains. En 2016, le gouvernement chinois a injecté plus de six millions de tonnes de porc pour combler une demande intérieure plus forte que prévu. Depuis 2011, en Chine, la demande de porc par personne a augmenté d’environ 20 %, atteignant 34,2 kg par habitant. Compte tenu de l’ampleur de l’épidémie, le gouvernement chinois utilise probablement la même tactique cette année.

Toutefois, cette réserve ne constitue pas une solution miracle, puisque le porc surgelé ne se conserve que pendant quelques mois. En 2013, la Chine a donc acheté Smithfield Foods aux États-Unis pour plus de 5 milliards, une transaction controversée à l’époque.

Malgré la production locale et les acquisitions stratégiques, la Chine importe encore du porc : l’an dernier, pour 1,1 milliard de dollars des États-Unis.

Malgré le tarif de 62 % que les importateurs chinois doivent assumer, le porc américain pénètre toujours ce marché asiatique, ce qui démontre à quel point les Chinois sont désespérés. Puisque l’achat de Smithfield Foods doit procurer certains bénéfices, tout porte à croire que la Chine tentera d’acheter le minimum de porcs américains afin de satisfaire son besoin grandissant.

Comme au temps de la préhistoire

La production paysanne porcine existe encore en Chine. Elle constitue d’ailleurs peut-être la principale raison pour laquelle le pays se trouve plongé au cœur d’une telle épidémie. Depuis 8000 ans, les villageois rationnent et nourrissent leurs animaux avec des restants de table et des déchets alimentaires. Dans certains coins du pays, on se croirait encore au temps de la préhistoire. Une Chine archipauvre. Assurer la traçabilité et le rapport des maladies relève de l’impossible. 

Pendant ce temps, les mégaporcheries de 500 000 bêtes deviendront sous peu une nouvelle réalité en Chine.

Il y a vraiment un système de production à deux vitesses et l’épidémie actuelle démontre à quel point les normes de salubrité à la ferme doivent se moderniser. 

Malgré la hausse de la production porcine chinoise des dernières années, la dépendance envers la production paysanne demeure encore réelle. Assurément, la Chine trouvera un moyen d’acheter du porc américain.

Augmentation du prix du porc

Entre-temps, chez nous, avec le marché globalisé du porc, nos producteurs porcins risquent d’en profiter. Le prix du porc, selon les contrats de Chicago pour l’été 2019, va augmenter de 40 % comparativement au prix actuel. Il y a donc fort à parier que le prix du porc augmentera au Canada au début de l’été. Nous n’assisterons pas à une situation semblable à celle de 2014 où le prix avait atteint un niveau record en raison de l’épisode de diarrhée porcine, mais il pourrait facilement augmenter de 10 à 15 % d’ici la fin de l’été. Le bacon, le jambon et les autres produits pourraient aussi subir une hausse, mais puisqu’un nombre grandissant de consommateurs fuient le comptoir des viandes, rien n’est certain.

Bref, le cochon sera à l’honneur cette année autant en Chine qu’ailleurs. Si vous n’êtes pas encore végane ou végétarien, profitez de vos côtes levées ou de votre bacon cet hiver, car les choses risquent de se compliquer l’été prochain.

* Sylvain Charlebois est également directeur scientifique de l’Institut des sciences analytiques en agroalimentaire.

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