Opinion

Où a-t-on la tête ?

L’avenir du Vieux-Port équivaut-il à l’avenir du privé ? C’est du moins ce que je constate après avoir pris connaissance du document de consultation sur l’avenir du Vieux-Port de Montréal.

On défait les quelques espaces de verdure pour les concéder à la construction de deux hôtels et de bâtiments récréotouristiques qui permettront aux touristes de passage d’y acheter leurs babioles souvenirs et de profiter largement de la vue du fleuve à partir de leur chambre d’hôtel.

On coupe une partie du stationnement du quai de l’horloge… bravo ! Mais non pas pour agrandir l’îlot de verdure déjà existant avec ses jolis pommetiers et ses peupliers, mais pour y installer des bâtiments : un hôtel et un centre récréotouristique pour y héberger des festivals.

Dans le document de consultation, on parle de connecter la ville et le fleuve, alors que déjà, avec les dernières installations touristiques non indiquées dans le document, on ne distingue presque plus le magnifique marché Bonsecours à partir de la petite île Bonsecours près du petit lac, si l’on regarde vers la ville. Devant, l’espace gazonné a été remplacé par un grand espace bétonné concédé pour 25 ans à la Grande Roue de Montréal. Ouf ! On a sauvé les trois arbres sur lesquels sont projetées les figures historiques de Cité mémoire.

La grande place d’exposition qui accueille le Cirque du Soleil l’été et l’Igloofest l’hiver est aussi « repensée ». On y a installé des bancs sur fond de pavé uni…

Que dire de la Pointe-du-Moulin avec son hôtel de 24 étages et son stationnement étagé, dénaturant l’esprit du lieu et faisant fuir les derniers cormorans qui ont trouvé refuge dans ce lieu encore sauvage ? Pourquoi ne pas réaménager cet endroit en lieu de détente plus zen et en lieu de promenade et de contemplation ?

Et ce stationnement à l’autre bout du site, devant la marina du quai de l’Horloge… Un autre lieu de non-connexion entre la ville et le fleuve. Ce stationnement de quatre étages sera construit devant un joli parc belvédère où les Montréalais et les touristes viennent admirer une vue plongeante sur la marina, la plage du quai de l’Horloge et, finalement, l’horloge dans toute sa splendeur, surtout le soir lorsqu’elle est éclairée.

C’est un lieu calme, un lieu de détente et c’est le seul endroit d’où les Montréalais peuvent contempler de haut le célèbre courant Sainte-Marie dans toute sa vigueur et qui ne gèle jamais. Ce stationnement étagé, en plus de couper une grande partie de la vue, puisqu’il atteindra la hauteur de la rue de la Commune, fera des émanations de gaz carbonique dans un secteur résidentiel du Vieux-Montréal.

Mais où donc ce comité des Grands Montréalais avait-il la tête pour approuver un tel projet ? N’ont-ils pas comparé avec d’autres villes du monde ce que signifiait redonner aux citoyens l’accès au fleuve ? Chicago ? Málaga ? Barcelone ? Toronto ?

Se sont-ils laissé charmer par les emmarchements proposés pour la place Jacques-Cartier ? Un autre îlot de chaleur bétonné permettant aux touristes et Montréalais de descendre pour admirer de plus près le fleuve… derrière une clôture que l’on ne voit pas sur ce plan, car c’est profond à cet endroit et un peu sale…

N’y a-t-il aucun mouvement de protestation ? Aucun règlement empêchant la Société du Vieux-Port de vendre ses accès au fleuve à l’entreprise privée et de laisser ces espaces se transformer en promenade, style Old Orchard ?

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