Alzner retourne à la case départ
Karl Alzner a joué hier son premier match dans la Ligue américaine depuis le 14 juin 2010. Ce soir-là, il avait aidé les Bears de Hershey, club-école des Capitals de Washington, à soulever la Coupe Calder.
La vie fait parfois drôlement les choses. Pour son retour dans la LAH, Alzner et le Rocket affrontaient les Senators de Belleville, dirigés par l’entraîneur-chef Troy Mann. Ce même Troy Mann qui était entraîneur des défenseurs à Hershey lors dudit championnat de 2010.
« Il était un de mes joueurs préférés, parce qu’il était très facile à diriger, a raconté Mann à La Presse, hier matin. Il voulait toujours s’améliorer, c’était instinctif. En tant qu’entraîneur, tu veux des joueurs qui écoutent, qui appliquent ce que tu leur montres. Il se sacrifiait, il bloquait des tirs. »
Mais Mann sait très bien dans quel bateau Alzner se retrouve aujourd’hui, car il a déjà vécu un cas semblable à Hershey. En 2011-2012, Sheldon Souray est débarqué dans la capitale du chocolat avec un lourd contrat valide pour deux autres saisons. Souray avait 34 ans, plus de 600 matchs derrière la cravate, et il souhaitait prouver qu’il restait de l’essence dans son réservoir.
« Le plus difficile, ce sont les deux premières semaines, le temps que le joueur accepte qu’il n’est plus dans la LNH. C’est un gros ajustement de ne plus avoir de vols nolisés et de prendre l’autocar. »
— Troy Mann, entraîneur-chef des Senators de Belleville
« Mais Sheldon a été bon, il a été extraordinaire avec les jeunes. J’en parlais avec Mike Stothers [l’entraîneur-chef du Reign d’Ontario, club-école des Kings], quand Matt Moulson est arrivé dans son équipe. Matt a été excellent pour lui, il a accepté la situation et a beaucoup aidé les jeunes. »
Moulson n’est toujours pas retourné dans la LNH, mais depuis l’an dernier, il produit à hauteur d’un point par match. Souray et Wade Redden, eux, ont tous les deux réussi à revenir en LNH, après un détour par la Ligue américaine.
« Je devine que Karl n’est pas content, mais je le vois devenir un mentor pour les jeunes. Je suis sûr que son agent et lui vont tout faire pour qu’il revienne dans la LNH. Mais si ça ne fonctionne pas, je crois qu’il va accepter le défi et qu’il sera très bon avec les jeunes. »
On aurait pu comprendre Alzner de bougonner quand il a vu la dizaine de journalistes dans le vestiaire du Rocket, hier midi. Mais Alzner étant Alzner, il a accueilli le groupe avec sa courtoisie et sa bonne humeur habituelles.
« Je suis toujours dans un bon état d’esprit, peu importe ce qui arrive. Vous me connaissez, je souris toujours, a dit le vétéran.
« Honnêtement, je m’y préparais depuis un bon moment. Je n’étais pas certain à 100 % de ce qui allait se produire, mais je m’en doutais depuis un peu plus d’un mois. Je ne jouais pas beaucoup, je jouais deux matchs et j’étais laissé de côté. »
« C’était écrit dans le ciel, surtout avec la quantité de défenseurs et la situation contractuelle des autres. »
— Karl Alzner
« On a discuté ce matin. On comprend la situation et c’est un professionnel, a ajouté Joël Bouchard, entraîneur-chef du Rocket. Je lui ai parlé de notre style et je l’ai écouté pour savoir comment il vivait la situation. Il m’a dit qu’il a hâte de jouer. »
Pour l’heure, Alzner a bien l’intention de jouer le rôle de mentor auprès des espoirs du CH. « J’ai toujours suivi les lignes directrices. Je n’improvise pas beaucoup. Je fais ce que les entraîneurs me demandent et j’espère inculquer ça aux jeunes », a-t-il décrit.
On est tenté de le croire sur parole. Il est d’ailleurs passé des paroles aux actes hier matin, puisqu’il était un des cinq joueurs à avoir chaussé les patins pour un exercice optionnel. Les quatre autres ? Les réservistes Adam Plant, Hayden Verbeek, Antoine Waked et le gardien Michael McNiven.
Aussi gracieux soit-il, Alzner est néanmoins un athlète professionnel qui a une fierté, une confiance inébranlable en ses moyens. Cette fierté est ressortie quand on lui a demandé si, à 30 ans, il pouvait encore améliorer son coup de patin, vu par plusieurs comme sa principale lacune.
« C’est une question qui revient souvent. Tu te fais étiqueter par une personne, ça fait boule de neige, et c’est dur de s’en sortir, a-t-il expliqué. Pour changer leur opinion, il faudrait que je revienne comme Connor McDavid. Je dois peut-être jouer un peu différemment. Mais je ne me sens pas lent du tout. Tout ce que j’ai fait cet été, c’était dans le but d’améliorer ça. Ça peut prendre du temps avant que les gens le remarquent. »
Alzner a assuré qu’il n’avait jamais songé à ne pas se rapporter au Rocket. Par contre, il ne dirait pas non à une transaction. Selon le collègue Pierre LeBrun, Marc Bergevin aurait permis à l’agent d’Alzner de tâter le terrain afin de trouver une équipe prête à l’accueillir. Pour qu’une telle transaction se matérialise, il faudrait que Bergevin accepte de retenir une partie du salaire d’Alzner.
« Si c’est une option, j’aimerais ça. Je veux jouer dans la LNH. Mais je ne me fais pas d’illusions. »
— Karl Alzner, à propos d’une possible transaction
Reste toujours la possibilité d’une transaction comme celle qui a envoyé Vincent Lecavalier des Flyers aux Kings, sous condition que Lecavalier prenne sa retraite au terme de la saison. Le Québécois évitait ainsi aux Kings de payer les deux dernières années de son contrat. À entendre parler Alzner, il est toutefois clair que l’idée de la retraite ne lui a jamais traversé l’esprit.
L’ennui pour Alzner, c’est que la LNH est une ligue nettement plus rapide qu’elle ne l’était quand Souray et Redden y sont revenus. Un milieu carrément hostile pour ceux qui sont sur une trajectoire descendante et qui ont atteint le chiffre maudit des 30 ans.