Religion

L’athéisme au pied du Vatican

La désaffection religieuse qui frappe l’Occident n’épargne pas l’Italie, siège du Vatican. La proportion de jeunes qui renient leur héritage catholique y est montée en flèche depuis une quinzaine d’années, selon un nouveau livre sur le sujet. Et comme au Québec, les jeunes croyants sont nombreux à cacher leur foi en Italie.

Tendance récente

« C’est vraiment nouveau », explique Franco Garelli, sociologue de l’Université de Turin qui vient de publier le livre Piccoli atei crescono (« Les petits athées grandissent »). « L’Italie a adopté à peu près en même temps que le reste de l’Europe d’autres grandes tendances de la modernité : la société de consommation, les médias sociaux. Mais la montée de l’athéisme est arrivée plus tard en Italie. Jusqu’à l’an 2000, près de 90 % des Italiens de moins de 35 ans croyaient en Dieu. On est tombé à moins de 75 %. Ça veut dire que même dans un pays à la tradition catholique profondément enracinée, avec une Église très visible, la désaffection religieuse a lieu. »

L’avenir

L’omniprésence de la désaffection religieuse signifie-t-elle que l’Église catholique est condamnée à disparaître en Occident ? « On a souvent prédit cela au fil de l’histoire », dit Gilles Routhier, doyen de la faculté de théologie de l’Université Laval. À court terme, il faudra voir si le « catholicisme culturel » qui existe au Québec est une transition vers un recentrage de l’Église sur une petite proportion de croyants pratiquants, ou s’il perdurera malgré la fin de l’éducation religieuse à l’école, indique Sarah Wilkins-Laflamme, spécialiste de la désaffection religieuse, de l’Université de Waterloo en Ontario.

Sous-estimation

L’une des données les plus intéressantes de M. Garelli est la sous-estimation par les jeunes de la foi des autres Italiens de leur âge : ils estiment que 23 % des moins de 35 ans croient en Dieu, alors que le vrai chiffre est 72 %. Est-ce dû, comme au Québec, à la mauvaise réputation de l’Église ? « Non, c’est plutôt que croire et surtout participer à la vie religieuse n’est pas à la mode, dit M. Garelli. Ça devient un acte privé. » 

Sacrements

Les jeunes adultes italiens ont plus souvent reçu les premiers sacrements que les Québécois, mais la différence n’est pas énorme. Plus de 90 % des 18-35 ans sont baptisés et ont fait leur première communion et 70 %, leur confirmation. Au Québec, plus de 80 % des jeunes de 18-27 ans (nés dans les années 90) sont baptisés, et encore aujourd’hui, plus de 40 % des bébés qui naissent au Québec le sont, selon l’Assemblée des évêques. Les jeunes catholiques italiens sont plus susceptibles que les Québécois d’aller à la messe toutes les semaines (19 % contre 8 %) ou tous les mois (36 % contre 20 %), mais là encore, la différence est comparable à celle qui existe entre le Québec et le reste du pays.

Nord et Sud

La foi des jeunes adultes connaît d’importantes variations selon les régions en Italie, davantage qu’au Québec, où on n’observe qu’une différence entre Montréal et le reste de la province. « Dans le Sud, l’Église et la messe demeurent des institutions sociales importantes, dit M. Garelli. Même dans le Nord, il y a des différences. La région de Turin, par exemple, est culturellement plus proche de la France et moins religieuse, alors que dans la Lombardie voisine, la foi demeure. »

Réfugiés

Outre la présence du pape et des multiples ordres religieux ayant leur maison-mère à Rome, l’Église italienne est avantagée par son engagement social, selon Gilles Routhier de l’Université Laval. « L’État italien est demeuré faible, particulièrement sur le plan social. L’Église italienne joue un rôle important dans les services sociaux aux pauvres, aux réfugiés, dans le domaine de la santé. Elle n’a pas abandonné le secteur comme l’Église québécoise, qui a transféré à l’État beaucoup de ses établissements dans ces domaines. »

La distinction québécoise

Même si les jeunes Québécois vont moins à la messe qu’ailleurs au Canada, ils sont plus susceptibles de conserver une identité catholique, selon Reginald Bibby, sociologue de l’Université de Lethbridge en Alberta qui publie régulièrement sur le sujet. « Au Québec, on est moins impliqué dans l’Église, mais on conserve un attachement à l’identité catholique. Près de 90 % des adultes élevés dans une famille catholique se déclarent toujours tels, contre seulement 77 % dans le reste du Canada. Cette proportion ne diminue presque pas chez les moins de 35 ans. »

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