États-Unis

Les Américains ont-ils le droit de brûler leur drapeau ? 

Dans un gazouillis controversé, envoyé hier à l’aube, le président désigné Donald Trump a suggéré d’emprisonner ou de déchoir de leur nationalité ceux qui brûlent le drapeau américain. Mais la classe politique américaine, y compris dans son propre camp, n’a pas hésité à le rabrouer.

WASHINGTON — Donald Trump s’est heurté hier à une fin de non-recevoir d’une grande partie de la classe politique américaine, y compris dans son camp, après avoir suggéré la déchéance de nationalité ou la prison pour quiconque brûlerait le drapeau américain.

« Personne ne devrait avoir le droit de brûler le drapeau américain. Si certains le font, il doit y avoir des conséquences, peut-être la déchéance de nationalité ou la prison ! », a lancé le prochain président des États-Unis tôt hier matin sur Twitter, sans que l’on sache ce qui a suscité cette prise de position.

Interrogé sur cette prise de position lors de son point de presse quotidien, Josh Earnest, porte-parole du président Barack Obama, a souligné que la liberté « de nous exprimer de la façon que nous choisissons » était protégée par la Constitution des États-Unis.

Soulignant qu’il existait un « fort consensus politique » aux États-Unis sur la nécessité de protéger ce droit, le porte-parole a souligné qu’il s’appliquait aussi au droit de « dire ce que vous voulez sur Twitter », relevant dans un sourire l’ironie de la situation.

1989

Saisie de ce dossier, la Cour suprême des États-Unis a estimé en 1989 que brûler un drapeau américain était permis au nom de la liberté d’expression.

Dans un entretien accordé à CNN en 2012, Antonin Scalia, très conservateur juge de cette cour, mort depuis, avait expliqué de quelle façon il importait de faire la différence entre opinion personnelle et respect du droit dans un tel dossier.

Me Scalia soutenait que le premier amendement existe pour protéger ceux qui tiennent des discours critiques à l’égard du gouvernement. Il avait ajouté que c’était précisément ce type de gestes de protestation que « des tyrans » chercheraient à interdire.

« Si j’étais le roi, je n’autoriserais pas les gens à brûler le drapeau américain. Mais nous avons le premier amendement qui dit que le droit à la liberté d’expression ne doit pas être limité », avait-il souligné, relevant que ce droit ne se limitait pas aux mots, écrits ou prononcés. « Brûler un drapeau est un symbole qui exprime une idée », avait insisté Antonin Scalia. 

Donald Trump, par ailleurs, a par le passé qualifié le juge Scalia « d’excellent magistrat » et s’était engagé à nommer quelqu’un du même profil pour remplacer cette icône conservatrice de la justice.

Des républicains désavouent Trump

Quel que soit le projet exact de Donald Trump, la réaction a été sans équivoque, bien que polie, chez ses alliés républicains du Congrès, dans un désir évident de couper court à toute polémique.

« Cette activité est protégée par le premier amendement, c’est une forme de discours désagréable, mais dans ce pays, nous avons une longue tradition de protection des discours désagréables », a dit le chef de la majorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell.

« Je n’aime pas l’idée que des gens brûlent le drapeau américain, mais je suis en faveur du premier amendement », a aussi dit le chef des républicains de la chambre basse du Congrès, Kevin McCarthy.

Réagissant à cette nouvelle controverse, le constitutionnaliste expert du premier amendement Abner Greene en est revenu à cette citation du juge de la Cour suprême William Brennan dans sa décision majoritaire Texas c. Johnson de 1989 : « Nous ne pouvons imaginer de réponse mieux appropriée au fait de brûler un drapeau que d’agiter le sien, de meilleur moyen de contrer le message d’un incendiaire de drapeau que saluer le drapeau qui brûle. »

« Je lance un défi à M. Trump : chaque fois que vous critiquerez quelqu’un parce qu’il a fait brûler un drapeau en guise de protestation politique, s’il vous plaît, critiquez quelqu’un qui a affiché une croix gammée », a dit Abner Greene dans une entrevue à l’AFP.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.