Opinion  Santé

Des décennies d’austérité pour les proches aidants

Aux aidants naturels qui ont besoin qu’on les accommode, le gouvernement Couillard répond par des compressions dévastatrices

Dans son dernier rapport, la protectrice du citoyen constate que les « services de soutien à domicile demeurent aux prises avec des problèmes de réduction de services, de délais d’attente, d’épuisement des proches aidants et de disparité régionale ». Un doublon de son rapport d’enquête sur les services de soutien à domicile de 2012. À vrai dire, la situation s’est dégradée depuis.

Malgré les discours et les changements de parti au pouvoir, les proches aidants sont soumis par ricochet aux conséquences du régime d’austérité. Leur travail de charpente du soutien à domicile n’est pas reconnu et il n’existe pas de grille d’évaluation appliquée pour évaluer leurs besoins et, surtout, ils sont les derniers servis dans les maigres budgets des services sociaux. Le statut de proche aidant n’est malheureusement pas une priorité au Québec. Le système de santé profite de l’économie colossale de 5 milliards par année que le proche aidant lui procure au prix de l’épuisement, de l’isolement et de l’appauvrissement. L’équation est simple : les services qui ne sont pas fournis par le réseau public sont assumés par les proches aidants et ils ne reçoivent aucun service en retour.

Dans une recherche-action sur les services de soutien pour les proches aidants menée par le Regroupement des aidants naturels du Québec, les proches aidants de partout au Québec constataient une déshumanisation des soins et soulignaient leur grande difficulté à obtenir des services pour eux ou la personne vulnérable qu’ils soutiennent.

Les proches aidants qui soutiennent des personnes vieillissantes en perte d’autonomie, des malades ou des handicapées physiques ou intellectuels de tous âges constatent tous les jours que le réseau public de la santé craque de partout. Ce réseau est saigné par les compressions et paralysé par des réformes à répétition et une bureaucratisation rampante. Le gouvernement, par ces compressions, ne fait qu’élargir le fossé entre les besoins et l’offre de services.

Ce sont les familles et les amis, ceux et surtout celles qu’on appelle proches aidants ou aidants naturels, qui assument déjà plus de 80 % du maintien à domicile. 

Étonnamment, les aidants naturels sont majoritairement âgés de moins de 65 ans. Plusieurs doivent prendre une retraite anticipée, réduire leurs heures de travail, parfois même quitter leur travail pour soutenir un proche.

Au Québec, il y a un travail colossal à faire pour que le soutien à un proche vulnérable soit un véritable choix, et non pas une obligation. Je pense à l’exemple récent des trois jeunes mamans du site internet Parents jusqu’au bout ! qui revendiquent une vie décente et qui n’ont pas eu de reconnaissance satisfaisante de la part de la ministre à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique. Ce qu’elles demandent, c’est plus de répit, mais aussi l’équité pour ces mamans et les familles d’accueil (soutien financier, transport, etc.).

Il y a une prise de conscience importante à faire afin que les personnes proches aidantes arrêtent de s’appauvrir à cause de leur compassion et leurs actes de solidarité. Cela implique une politique de conciliation du travail avec les obligations des proches aidants et une refonte du filet social qui offre autre chose que la précarité aux proches aidants.

Il faut une vision d’avenir. Il faut améliorer les conditions de leur noble « travail » si on souhaite que les proches aidants ne tombent pas malades à leur tour. Il faut cesser de peinturer dans le coin les proches aidants. C’est maintenant qu’il faut faire ce choix… avant qu’il ne soit trop tard.

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